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Quand Staline lançait sa campagne de dénonciation publique et d’extermination massive des anciens révolutionnaires bolcheviks

15 mars 2014, 21:43, par Robert Paris

Bien des militants cités à comparaitre, accusés par les témoins, ne comparaissent pas au procès parce qu’ils ont été assassinés sous la torture ou ont refusé de reconnaitre leur culpabilité dont Préobrajenski, Beloborodov, Smilga, Sosnovski, Ivan Smirnov, Dimitri Schmidt, Ouglanov, Slepkov, Chliapnikov, Medvedev,… Le premier procès comporte des dossiers numérotés de 1 à 38 alors que seize accusés seulement comparaissent. Aucune information sur ce qui est arrivé aux 22 autres qui sont disparus sans autre explication… Certains accusés sont jugés à huis clos avant d’être brisés et de pouvoir alors être présentés en public. Gérard Rosenthal écrit : « Rien n’a permis de connaître le sort des hommes qui auraient été brisés trop tôt ou trop tard pour comparaître à l’audience publique. »

Les aveux sont dictés par le désespoir, le dernier dévouement à l’Etat ouvrier et à la révolution, par la peur des représailles contre la famille. Les familles de Piatakov et Radek ont été arrêtées…

Certains accusés qui avouent n’importe quoi au procès ont nié tout crime pendant des années comme Smirnov qui, pendant trois ans, a répondu cette seule phrase : « Je le nie, je le nie encore, je le nie. »

Boukharine a effacé d’une phrase toute valeur à ses propres déclarations en affirmant à son procès :

« L’aveu des accusés est un principe moyenâgeux. »

Et Boukharine lâche au procès un compliment (involontaire ?) de Trotsky qu’il accuse officiellement de tous les maux de la terre :

« Il faut être Trotsky pour ne pas abandonner ! »

Et Radek, lui aussi, se débrouille malgré des reconnaissances multiples de tous les crimes de la terre, pour dire au travers de sa déposition que celle-ci n’a aucune valeur : « Si vous n’avez affaire qu’à de simples criminels de droit commun, qu’à des mouchards, comment pouvez-vous être certains que ce que nous avons dit est la vérité, l’inébranlable vérité ? »

Contrairement à ce qui a été souvent dit, Toukhatchevski refusa d’avouer et se tournant vers ses accusateurs déclara :

« Dites donc, vous n’auriez pas rêvé tout cela, par hasard ? »

Les procès fourmillent de détails mais ces précisions se retournent contre la crédibilité des témoignages. Par exemple, Goltsmann est accusé d’avoir rencontré Trotsky en 1932 à l’Hôtel Bristol de Copenhague. Malheureusement, cet hôtel était déjà détruit à cette date. Sédov est également accusé de l’avoir rencontré mais Sédov, qui se trouvait alors à Berlin, n’a pas pu se rendre à l’époque à Copenhague, sa présence à Berlin étant attestée de bien des manières dont sa présence à l’Institut de Berlin… etc, etc… De même, l’entrevue prétendue de Piatakov avec Trotsky à Oslo est invraisemblable, Trotsky n’étant pas à Oslo, de même qu’est impossible la prétendue rencontre de Trotsky avec le témoin Romm située au bois de Boulogne, à Paris, en juillet 1933 car Trotsky n’a pas mis le pied à Paris en juillet 1933, étant cantonné à son domicile sous surveillance continuelle de la police française. On se tuerait à rapporter toutes les contradictions des « témoignages » fabriqués par les accusateurs et exposés par les accusés.

Krouchtchev, sans pour autant réhabiliter les victimes, rapportera au vingtième congrès du parti communiste russe comment on forçait les accusés à avouer :

« Le NKVD force des innocents à avouer, personne ne peut prouver qu’il n’a pas pris part à des crimes dont les aveux de plusieurs personnes témoignent. Les méthodes d’enquête sont telles qu’on force des gens à mentir et à calomnier des personnes qui sont totalement innocentes… Vous n’avez rien à inventer. Le NKVD vous prépare un plan tout prêt pour chaque branche du centre. Vous avez juste à l’étudier soigneusement et à bien vous souvenir de toutes les questions et réponses que le Tribunal peut attendre. Vous avez juste à vous préparer de façon à ne pas compromettre ni l’enquête ni vous-même. Si vous arrivez à supporter tout cela, le NKVD vous affirme que vous sauverez votre tête et que vous serez nourri et logé jusqu’à votre mort…. En novembre 1937, Staline, Molotov et Kaganovitch sanctionnèrent la décision de déférer au tribunal du Collège militaire du parti un groupe considérable de camarades, militants du parti, hommes d’Etat et militaires marquants. La plupart de ces camarades furent fusillés… Le grand mal causé par Staline n’est pas seulement dans le fait que beaucoup de nos meilleurs ont péri, que l’arbitraire régnait, qu’on fusillait sans jugement, que des innocents étaient jetés en prison. Il n’y avait pas que cela. Toute l’atmosphère créée alors dans le Parti était contraire à l’esprit de Lénine, était une dissonance… Du temps de Lénine, une atmosphère d’amitié, de confiance réciproque, de soutien, d’entraide régnait dans le Parti… »

Bien entendu, le but de Krouchtchev n’était nullement de revenir au parti révolutionnaire de Lénine mais seulement d’accuser ses concurrents au poste de secrétaire général : Malenkov, Molotov et Kaganovitch… Il passe d’ailleurs sous silence ses propres actes de répression violente… Il laisse entendre qu’il est parvenu au sommet sans pactiser avec Staline, Béria, Malenkov, Molotov et Kaganovitch, ce qui est bien entendu faux.

Les buts du procès ressortent des déclarations de Vychinsky. Un des buts est démontrer que tous les problèmes économiques de la Russie sont causés par l’opposition trotskyste car Staline craint que ces difficultés ne le discréditent et ne favorisent Trotsky dans le parti bolchevique.

Vychinsky déclare notamment :

« Dans notre pays riche de ressources de toutes sortes, il ne pouvait et il ne peut arriver qu’un produit quelconque vienne à manquer. Aussi la tâche de toute cette organisation de sabotage consistait-elle à provoquer le manque des produits existants chez nous en abondance ; à maintenir dans un état de tension le marché, ainsi que les besoins de la population… Tel est le tableau, révoltant, monstrueux de ce système profondément médité, strictement organisé – il faut bien rendre justice aux criminels – système rigoureusement planifié de sabotage et de diversion, qui tendaient non seulement à saper la capacité de défense et la puissance économique de notre pays, mais encore à provoquer le mécontentement et l’irritation dans les plus profondes masses de la population à l’aide de moyens difficiles à démasquer. »

La cause des procès est donc « l’irritation dans les plus profondes masses de la population » face au « manque de produits existants chez nous » et dont la population ne manquait pas d’accuser la bureaucratie dirigeante et dont il fallait accuser l’opposition…

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