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Editorial 20-07-2009 - La goutte de lait qui fait déborder....

14 août 2010, 22:14, par José Bové

La bulle financière affame les pauvres et ruine les paysans

La crise des marchés agricoles est une conséquence de l’effondrement du marché financier international et de la perte de contrôle des autorités politiques sur les flux monétaires globaux.

Dans un contexte haussier avec une augmentation de la demande de matière première agricole, induite en grande partie par le développement de la consommation des agro-combustibles dans les pays riches, par une modification importante des habitudes alimentaires observée dans les pays émergents ainsi que par des sécheresses de longues durées dans certains bassins de production céréalières comme l’Australie, la recherche d’une rentabilité financière à court terme à été l’étincelle qui a mis le feu au baril de poudre. Certains spécialistes des marchés mondiaux se sont attachés depuis bientôt trois ans à déterminer avec précision quelle part de l’envolée des cours avait été induite par la spéculation. Les réponses varient mais la majorité s’accorde aujourd’hui pour dire qu’elle a été importante, voire cruciale.

Au cours des années 2005, 2006 et 2007, des acteurs non commerciaux (banques, assurances, fonds de pensions et fonds de garantie, fonds souverains) sont entrés massivement sur le marché des matières premières et en particulier sur celui des contrats dérivés appuyés sur des contrats à terme. Leur objectif n’était pas de participer à l’organisation de l’offre et de la demande de produits agricoles, ou de permettre une prévisibilité des cours sur le moyen et sur le long terme. Ils souhaitaient préserver des prises d’intérêts financiers mis en danger par les prémices de la crise des subprimes aux États-Unis : les spéculateurs partaient à l’assaut de l’alimentation.

En Europe, les grandes banques comme le Crédit Suisse, Deutsche Bank, HSBC Rabobank, USB ou le Crédit Agricole, ont suivi l’exemple des sociétés américaines, Lehman Brothers, Goldman Sachs, J.P. Morgan, Bank of America, Citygroup ou Morgan Stanley et n’ont pas hésité à mettre en place des cellules d’appel téléphonique pour pousser leurs clients à profiter de l’envolée des cours. Des dizaines de milliers d’épargnants se sont laissés convaincre sans même réaliser qu’en agissant ainsi ils devenaient, au sens propre du mot, des affameurs. Les prix des trois principales céréales, le blé, le maïs et le riz, ont atteint des niveaux jamais vu, complètement déconnectés de toute réalité économique. Pour des centaines de millions de personnes dans les pays du sud, qui consacraient déjà plus de 80% de leurs revenus à l’alimentation, ce boursicotage a eu des effets catastrophiques : au lieu de manger deux fois par jour, elles se sont contentées d’un seul repas. La misère accentue encore le besoin d’accès à l’alimentation. (l’alimentation est toujours vitale…)Le ventre vide, impossible de travailler, impossible de trouver l’argent nécessaire pour acheter le pain du lendemain. Des centaines d’émeutes de la faim ont éclaté en particulier dans les quartiers pauvres des grandes mégapoles. Au Cameroun fin février 2008, les manifestants désespérés manifestent contre la vie chère et l’impossibilité de se nourrir. L’armée et la police ouvre le feu. Le bilan sera terrible, plus de quarante morts.

Le cynisme et l’indifférence des opérateurs financiers et des épargnants qui ont spéculé sur la vie sont intolérables. La révolution française de 1789 avait muri dans un contexte de mauvaises récoltes successives et de spéculation. Les marchands de grains stockaient le blé pour le retirer du marché et le vendre au moment ou ils pourraient maximiser leurs gains. Au XVIII siècle, le commerçant avait néanmoins sous les yeux les conséquences de ces actes, aujourd’hui, les décisions sont prises dans le ronron des salles d’ordinateurs climatisées et les traders ne parviennent même plus à établir un lien direct entre leurs actions et les images qu’ils aperçoivent parfois lorsqu’ils regardent les informations le soir à la télévision. La déconnexion entre le virtuel, le monde de la finance, et la réalité est devenue totale, monstrueuse.

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