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Le 4 février 2011 en Egypte, onzième jour de la mobilisation : Moubarak dehors !!!!

vendredi 4 février 2011

Au 11ème jour de protestations et de violences meurtrières sans précédent en Egypte, un grand rassemblement, baptisé "Vendredi du départ" à l’attention du président Hosni Moubarak, est en cours place Tahrir, haut lieu de la contestation, dans le centre du Caire. Les organisateurs espèrent rassembler au minimum un million de personnes, comme mardi, en ce jour de grande prière hebdomadaire. En début d’après-midi, il y avait déjà plusieurs dizaines de milliers de participants. Des cortèges contre Moubarak sont aussi signalés à Alexandrie et Suez. Selon un internaute de TF1 News, la situation est tendue à Assouan.

Sur le terrain, les manifestations ont continué, avec des mobilisation massives partout en Égypte, et sans que les partisans de Moubarak ne tentent, cette fois-ci, d’infiltrer ou d’attaquer les rassemblements.

Le mouvement de contestation avait appelé à une mobilisation générale pour ce qu’il a baptisé « le vendredi du départ », et espérait réunir un million de personnes dans le pays, au 11 e jour d’une révolte qui a fait au moins 300 morts selon un bilan cité par l’Onu. Le ministère de la Santé a fait état de 5000 blessés depuis le 28 janvier.

Nombreux étaient ceux à avoir également répondu à l’appel à la mobilisation en province : ils étaient des dizaines de milliers à Alexandrie, 10 000 à Menoufiya, 20 000 à Mahalla (delta du Nil), 5000 à Suez, des dizaines de milliers à Mansoura (delta du Nil), 5000 à Assiout et des dizaines de milliers à Louxor.

Dans une interview à la chaîne de télévision américaine ABC, M. Moubarak a dit qu’il « en avait assez d’être président » mais qu’il ne pouvait quitter son poste « de peur que le pays ne sombre dans le chaos ».

es Égyptiens en lutte contre le régime du président Hosni Moubarak avaient promis de transformer le vendredi de la grande prière en journée de la victoire. La mobilisation a dépassé toutes leurs espérances. La place Tahrir, épicentre de la révolution, n’était pas assez vaste pour contenir tous les manifestants. Tout Le Caire semblait s’y être donné rendez-vous dans une formidable liesse ! Des larmes de joie coulaient sur certains visages alors qu’un élan de fraternité faisait se côtoyer toutes les couches de la population. Femmes totalement voilées et pin-up délurées, vieux intellectuels débonnaires et jeunes étudiants fougueux, petits vendeurs des rues et riches bourgeois, commerçants et paysans, musulmans et chrétiens coptes… Les barrières sociales sont tombées dans le miracle de cette journée qui, quoiqu’il arrive, changera la face de l’Égypte et, par voie de conséquence, de tout le Moyen-Orient. Chacun avait bien conscience de vivre des heures historiques au onzième jour du soulèvement qui ébranle le pays.
« Moubarak dehors ! »

Cette place Tahrir qui, les jours précédents, était le théâtre d’affrontements sanglants, ressemble toujours à un champ de bataille au moment où elle est envahie par des milliers et des milliers de marcheurs qui franchissent les barrages militaires en scandant des slogans hostiles à Moubarak. Plus personne ne prête attention à l’incessant ballet des hélicoptères de surveillance. Le sol est jonché d’ordures, de débris, de barres de fer et de pavés entassés pour se défendre des assauts toujours possibles des pro-Moubarak et de policiers en civils qui font régner la terreur depuis plusieurs jours. Une immense banderole, rédigée en anglais, indique : « Le peuple demande la chute du régime ». La foule hurle et frappe des mains. « Moubarak, c’est fini ! », « Moubarak dehors ! ».

Les Égyptiens n’ont plus aucune confiance dans leur raïs, qui, la veille, annonçait qu’il était prêt à partir mais qu’il craignait le chaos, ils n’ont plus confiance dans les ministres qu’il a nommés, ils n’ont plu confiance dans les médias officiels. « Ils nous mentent depuis trop longtemps », proteste Ahmed, 33 ans, un ingénieur qui dit « se battre pour la liberté, malgré un bon salaire et un bel appartement à Sadr City », l’un des quartiers chics du Caire.

Les manifestants veulent savoir ce que le monde pense de leur révolution, ils interrogent les journalistes étrangers, ils sont gourmands de ces informations dont ils sont privés depuis trop longtemps. Ce n’est pas un hasard si, ici, les mots « Facebook » et « Twitter », ont été hissés au rang de purs slogans, peints sur les murs qui cernent la place Tahrir.
L’Histoire en marche

Ceux qui, en ce jour de joie et de gloire populaire, sont venus montrer leur détermination n’ont plus peur de rien. Des familles, avec de jeunes enfants juchés sur leurs épaules, viennent en relais de ceux qui se sont battus, pour certains au prix de leur vie. Des centaines d’occupants de la place Tahrir portent des bandages et des pansements. Certains sont si épuisés qu’ils dorment à même le sol, dans la poussière. Ils ne bougent même pas au moment de la grande prière, lorsque des milliers de fidèles se prosternent ensemble, en criant « Allah u akbar » (Dieu est grand). Ils vont marcher sur le palais présidentiel et obtenir enfin ce qu’ils réclament. À cet instant, ils n’ont pas le moindre doute.

En travers des différentes voies d’accès à la place, les militaires tentent de canaliser la foule. Sans succès car sans logique. Pourquoi, par exemple, vouloir obliger des files de centaines de personnes à exhiber une carte d’identité et à passer par un tout petit goulet d’étranglement alors que, de toute évidence, rien ne pourra stopper telle marée humaine ? Des décennies de dictature laissent des traces. Pour preuve ce comportement cocasse de certains soldats affolés qui, tout à coup, décident de bloquer quelqu’un sans raison, alors qu’ils sont totalement dépassés par l’événement ! Les chars, les kalachnikov et les baïonnettes de l’armée ne peuvent arrêter l’Histoire en marche. Ce vendredi, à 13 h, quelle que soit la suite, l’Égypte a basculé. Dans l’inconnu.

Le Figaro explique pourquoi la bourgeoisie US veut aller vite en besogne en sponsorisant la démocratie conciliatrice comme en Tunisie... :

"Une petite entité autonome défie le gouvernement égyptien depuis le centre du Caire. Entourés par les chars de l’armée, assiégés par des contre-manifestants, les protestataires anti-Moubarak se sont installés sur la place de la Libération dans une atmosphère de camp retranché qui tourne parfois à la fête foraine. Cette minuscule république autonome n’a ni chefs reconnus ni réelle structure mais n’en est pas moins étonnamment bien organisée.
La défense notamment. Après les batailles rangées de la veille, où ils ont repoussé à coups de pierres jusqu’à la nuit les assauts des partisans de Moubarak, les protestataires ont fortifié les neuf accès de la place. Des barricades ont été édifiées avec tout ce qui leur tombait sous la main, carcasses de voitures, barrières de chantier d’un hôtel en construction et toutes sortes de matériaux. En avant de ces remparts, des tas d’ordures ont été alignés en travers de la chaussée et aspergés d’essence, prêts à être enflammés. Plusieurs lignes de défense ont été aménagées. Derrière ces remparts, des jeunes gens montent la garde, prêts à repousser de nou¬velles attaques, avec des empilements de pierres comme réserves de munitions. À la moindre alerte, on tape furieusement sur les barrières métalliques et des panneaux pour battre le rappel des renforts. Des femmes ont confectionné de curieux casques en carton et les terre-pleins de la place ont été transformés en carrières d’où l’on extrait des gravats qui serviront de projectiles.
Un service médical d’urgence s’est mis en place. Une petite mosquée coincée dans une allée qui mène à la place sert d’hôpital principal. Des antennes médicales avancées sont installées près des lignes de défense, quelques chaises et des bâches sur lesquels on allonge les blessés. Les médecins et les infirmiers sont des bénévoles, souvent des étudiants en médecine, en même temps que des militants.
Dans le petit poste de secours improvisé du côté du Musée égyptien, où ont eu lieu les affrontements les plus violents, le Dr Sherif Omar a les yeux cernés, mais les jeunes infirmières le couvent du regard. Sa blouse est maculée de sang et de teinture d’iode, après qu’il a traité des centaines de blessés pendant les combats de la veille, qui se sont poursuivis tard dans la nuit. « Nous occupons cette place pacifiquement depuis maintenant six jours. Et soudain, nous avons été attaqués par des hooligans prétendant manifester pour la stabilité », explique le jeune médecin. « Si Moubarak ne s’en va pas, il y aura de nouveaux heurts. Les médias d’État nous décrivent comme de dangereux émeutiers qui menacent la stabilité du pays. Alors que les casseurs et les fauteurs de troubles sont ceux qui nous ont attaqués avec des cocktails Molotov. La plupart sont des policiers en civil qui se font passer pour des manifestants », dit le Dr Omar.
Chasse aux policiers en civil
La chasse aux policiers en civil infiltrés est générale. Des groupes passent en entraînant avec eux des agents provocateurs démasqués. On les interroge dans une agence de voyages de la place. La veille, trop nombreux, ils ont été regroupés dans une des entrées de la station de métro Sadate, transformée en centre de détention improvisé. Une petite exposition a été installée sur le trottoir, montrant les cartes d’identité des policiers, un cocktail Molotov, des couteaux, des coups-depoing américains et des étuis de car¬touches de tous calibres saisis un peu partout, avec une pancarte au stylo indiquant qu’ils avaient été saisis sur des policiers.
Loin d’avoir découragé les protesta¬taires, l’attaque des partisans de Moubarak semble avoir plutôt développé leur détermination. « Le dernier discours de Moubarak m’avait convaincue, dit Hanna Mohammed, une toute petite dame au visage entouré d’un foulard rouge. Je me disais qu’après tout, on pouvait bien attendre six mois avant qu’il ne s’en aille, au bout de trente ans ce n’est pas grand-chose. Mais en envoyant hier des Égyptiens contre d’autres Égyptiens, il a commis quelque chose de terrible. Ce qui s’est passé ici mercredi m’a fait revenir sur la place de la Libération, et je vais y rester. »
Les haut-parleurs hurlent jour et nuit. D’un côté, les Frères musulmans scandent des « Allah est grand » toutes les trois phrases. De l’autre, le guitariste Romi Essam fait cracher à ses amplis un rock humoristique sur Moubarak, guitare à la hanche, un bandage sous sa cas¬quette.
Sur le terre-plein central, des gens dorment pêle-mêle à même le sol, enroulés dans des couvertures. Un groupe de jeunes filles a monté une tente baptisée « Hôtel de la Liberté ». « Moubarak en a fait hésiter certains en annonçant qu’il ne se représenterait pas, mais l’attaque de ses supporteurs les a remobilisés », dit Noura al-Gazzar, une jeune étudiante de 24 ans. Elle et ses amis appartiennent à la génération Twitter, ils ont été les premiers à déclencher la fronde, prenant tout le monde de court, le régime comme les partis d’opposition. « Cette génération est meilleure que la nôtre, nous avions peur, et eux pas », dit Yasser Ghanim, un biochimiste égyptien revenu en hâte du Qatar pour participer à cet « événement historique ». « Ils nous ont rendu notre dignité, nous ne sommes plus du bétail mais de nouveau des êtres humains. »
« Ils sont formidables, les plus vieux ont à peine 28 ans et je me mets à leur ser¬vice ! », dit le Dr Mahmoud Hamza, un ¬riche industriel. « J’avais participé à des manifestations dans les années 1968, mais ça n’a rien à voir. Aujourd’hui nous avons une révolution, comme vous en France ! »
Les barbus sont aussi présents sur la place. Longtemps réprimés, les Frères musulmans ont parfaitement saisi l’occasion qui se présentait et participent activement à la défense de la place de la Libération, sans pour autant diriger l’ensemble d’un mouvement sans tête. « Nous sommes ici jusqu’au départ de Moubarak », dit le Dr Mohammed al-Beltagy, ancien parlementaire et porte-parole des Frères musulmans. « Nous croyons en la démocratie et dans le droit de chacun d’exercer sa religion. Le régime n’a pas encore compris qu’il s’agissait d’une révolution. »

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