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La révolution sociale a commencé au Sri Lanka

mardi 12 avril 2022, par Robert Paris

Le soulèvement des ouvriers, des jeunes et des travailleurs ruraux du Sri Lanka contre le gouvernement Rajapakse en raison de conditions insupportables – notamment la pénurie, les coupures de courant quotidiennes, et la montée en flèche des prix des produits de première nécessité – entre maintenant dans une nouvelle phase.

Le prix élevé des denrées alimentaires conduit à des situations de grande famine. Le gouvernement Rajapakse-Wickremesinghe a placé le pays en état de quasi-fermeture en raison de la pénurie de carburant. Les écoles ont été fermées et les institutions du secteur public ont reçu l’ordre de n’appeler au travail que le « personnel essentiel ». Le manque de carburant a entraîné l’effondrement des transports publics. Ces conditions ont porté à son paroxysme la colère populaire contre le gouvernement.

Dans ces conditions, les militants des médias sociaux qui mènent les manifestations à Galle Face Green à Colombo, également connues sous le nom de « Gota Gogama », ont annoncé une « manifestation populaire massive » pour le 9 juillet, affirmant qu’il s’agira du « plus grand soulèvement de l’histoire du Sri Lanka ». Cette date marquera le troisième mois du début de la protestation à Galle Face Green.

Cependant, le « Plan d’action pour l’avenir de la lutte », publié par les leaders de la protestation le 5 juillet, ne présente aucun programme pour résoudre les questions brûlantes auxquelles sont confrontées les masses. Au contraire, il vise à emprisonner les travailleurs, les jeunes et les travailleurs ruraux au sein de l’ordre bourgeois et du système de profit capitaliste, qui est la cause profonde de la crise.

Leur programme appelle à un « gouvernement intérimaire », c’est-à-dire un gouvernement bourgeois alternatif, qui a été promu par les partis d’opposition au Parlement, notamment le Samagi Jana Balawegaya (SJB) et le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), soutenus par des groupes de pseudo-gauche comme le Frontline Socialist Party (FSP). Un des principaux organisateurs des manifestations, Anuruddha Bandara, a déclaré à Economynext que les partis d’opposition – le SJB, le JVP et d’autres – sont « presque d’accord avec nous ».

Les principaux principes du plan d’action comprennent la demande de démission du président Gotabhaya Rajapakse, du premier ministre Ranil Wickremesinghe, du cabinet des ministres et de toutes les personnes nommées par le gouvernement à des postes élevés. Leur alternative est une « gouvernance intérimaire », mais sans indication quant à la composition de ce régime. Toutefois, il est sous-entendu que tous les partis politiques parlementaires doivent être inclus dans ce gouvernement intérimaire, comme le proposent les partis d’opposition eux-mêmes.

Ce « gouvernement intérimaire » est censé souscrire aux « aspirations et objectifs économiques, sociaux et politiques de la lutte du peuple ». Bien qu’ils aient inclus la garantie de l’approvisionnement en produits essentiels, comme le carburant et la nourriture, dans leur longue liste d’« objectifs et d’aspirations », ils n’ont proposé aucun programme concret sur la manière de les fournir. Ils espèrent simplement que le « gouvernement provisoire » les fournira sous la pression populaire.     

Un « Conseil du peuple » est également proposé, dans lequel les représentants de la « lutte du peuple » seront en mesure de « s’engager efficacement et de servir de médiateur avec la gouvernance intérimaire ». Autrement dit, la tâche du « Conseil du peuple » sera d’exercer une pression sur le nouveau gouvernement. Il s’agit du même programme que celui préconisé par le FSP qui se dit « de gauche ». Le plan d’action propose, dans un délai d’un an, d’établir une nouvelle constitution par le biais d’un référendum, ce qui permettrait « d’abolir la présidence exécutive » et de créer « un processus approprié pour une élection équitable ».

En opposition au programme des leaders de la protestation de Galle Face pour la formation d’un gouvernement bourgeois alternatif, le Parti de l’égalité socialiste (PES) préconise un programme socialiste révolutionnaire pour la classe ouvrière. Nous appelons à la mobilisation indépendante de la classe ouvrière sur un programme d’action clair pour répondre à ses besoins fondamentaux contre le gouvernement Rajapakse et l’ordre bourgeois.

Le PES soutient qu’il n’y aura pas de solution aux questions brûlantes auxquelles les masses sont confrontées dans le cadre du régime bourgeois et du système de profit capitaliste. Il n’y a pas de solution nationale. Aucune pression exercée sur ce gouvernement ou sur tout autre gouvernement bourgeois futur n’obligera la classe dirigeante à répondre aux besoins fondamentaux des masses.

Tout en appuyant la demande principale des masses pour la démission du président Rajapakse et de son gouvernement, le PES soutient qu’il ne doit pas être remplacé par un autre gouvernement bourgeois, mais par un gouvernement ouvrier et paysan dédié à une politique socialiste.

Tel qu’expliqué dans notre déclaration publiée le 7 avril au début du soulèvement de masse, et réitéré dans des déclarations ultérieures, le SEP réclame l’abolition immédiate de la présidence autocratique exécutive, ainsi que des lois répressives comme la loi sur les services essentiels, la loi sur la sécurité publique et la loi sur la prévention du terrorisme, qui donnent des pouvoirs d’état policier aux forces de sécurité. Au cours du mois dernier, Rajapakse a invoqué les lois sur les services essentiels contre les travailleurs de l’électricité et de la santé. Il a utilisé ses pouvoirs d’urgence pour déployer l’armée dans les rues afin de réprimer les travailleurs qui font la queue pendant des jours pour obtenir du carburant.

Quel que soit le gouvernement bourgeois qui pourrait remplacer le régime Rajapakse-Wickremesinghe, il poursuivra les mêmes mesures strictes d’austérité dictées par le Fonds monétaire international (FMI). Il cherchera à forcer les travailleurs et les ouvriers ruraux à supporter tout le poids de la crise économique.

Tous les partis d’opposition, y compris le SJB, le JVP et l’Alliance nationale tamoule, ont exprimé leur soutien ouvert ou tacite aux politiques du FMI. Par conséquent, la soi-disant gouvernance intérimaire proposée dans le Plan d’action deviendra un instrument de l’élite capitaliste dirigeante pour mettre brutalement en œuvre ces politiques et écraser toute opposition de la classe ouvrière et des travailleurs ruraux.

La brutalité du programme du FMI a été indiquée dans le discours du premier ministre Wickremesinghe au Parlement mardi. Faisant référence à la période à venir, qui sera marquée par les diktats du FMI, il a déclaré : « Ce sera un voyage difficile et amer… si les choses ne changent pas, le pays tout entier s’effondrera ».

Les « changements » comprennent une réduction massive des effectifs du secteur public, la privatisation des entreprises publiques et l’élargissement de l’assiette fiscale par une augmentation des impôts. Ils entraîneront des suppressions d’emplois, de salaires et d’autres avantages pour les travailleurs du secteur public, des augmentations des prix de l’eau et de l’électricité, et une nouvelle réduction des subventions.

La classe ouvrière doit rejeter cette politique brutale de guerre de classe et tous les pièges du gouvernement provisoire. Les travailleurs doivent développer leur propre intervention politique indépendante sur la base d’un programme qui répond à leurs besoins et libère un immense pouvoir social, dont le potentiel a été démontré lors des grèves générales du 28 avril, du 6 mai et du 10 mai. Ce programme doit être basé sur les besoins sociaux des travailleurs et des travailleurs ruraux, et non sur les exigences de la grande entreprise pour assurer ses profits.

La première étape dans la lutte pour ce programme est de former des comités d’action indépendants démocratiquement élus par la classe ouvrière dans les usines, les lieux de travail, les plantations et les quartiers ouvriers à travers le pays. Les comités d’action doivent être indépendants des partis capitalistes et des syndicats, qui agissent comme des laquais et des apologistes de l’establishment capitaliste au pouvoir.

Le PES encourage et aidera les travailleurs à former ces comités d’action, qui feront avancer une solution ouvrière à la crise socio-économique créée par la classe capitaliste. La lutte de la classe ouvrière doit être intégrée au niveau international par le biais de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base, formée par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI).

Le PES avance les revendications suivantes comme programme de lutte pour les comités d’action afin de surmonter la souffrance de masse créée par le capitalisme :

* Établir le contrôle démocratique des travailleurs sur la production et la distribution de tous les articles essentiels et autres ressources critiques pour la vie des gens ! Nationaliser les banques, les grandes entreprises, les plantations et autres centres nerveux de l’économie !

* Répudier toutes les dettes étrangères ! Non aux exigences d’austérité du FMI et de la Banque mondiale qui représentent les banquiers et les institutions financières internationales !

* Établir un monopole d’État sur le commerce extérieur afin d’éradiquer la corruption dans les processus d’exportation et d’importation et de garantir l’approvisionnement de tous les produits de première nécessité !

* Saisir les richesses colossales des milliardaires et des entreprises !

* Annuler toutes les dettes des agriculteurs pauvres et marginaux et des petits entrepreneurs ! Rétablir toutes les subventions, y compris les subventions aux engrais pour les agriculteurs !

* Garantir des emplois pour tous avec des conditions de travail décentes et sûres ! Indexer les salaires au coût de la vie !

Un mouvement indépendant de la classe ouvrière, organisé par des comités d’action basés sur les revendications ci-dessus, ralliera les pauvres des zones rurales et les autres masses opprimées. Il créera les bases d’un mouvement de masse visant à établir un gouvernement ouvrier et paysan, dédié à une politique socialiste.

La lutte pour ce programme fait partie d’une lutte plus large pour le socialisme en Asie du Sud et au niveau international, qui doit être menée par un mouvement uni de la classe ouvrière à l’échelle mondiale.

Le potentiel d’un tel mouvement indépendant de la classe ouvrière a été clairement démontré par la puissante intervention de la classe ouvrière dans le soulèvement populaire au Sri Lanka. Cela comprend les grèves générales massives du 28 avril, du 6 mai et du 10 mai, auxquelles des millions de personnes ont participé.

La lutte des travailleurs au Sri Lanka fait partie d’un soulèvement de la classe ouvrière dans le monde entier. L’industrie internationale du transport aérien a été touchée par des grèves ces dernières semaines, après la grève de 50.000 cheminots britanniques. De l’Amérique latine à l’Asie, et de l’Europe aux États-Unis, les enseignants, les travailleurs de l’automobile, les travailleurs des transports, les travailleurs de la santé et toutes les sections de la classe ouvrière entrent en lutte contre la flambée des prix, l’exploitation et les inégalités.

Nous exhortons les travailleurs et les jeunes à rejoindre le PES et à reprendre cette lutte pour un programme et une perspective socialistes.

WSWS

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