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La démocratie capitaliste converge, de plus en plus, avec sa dictature violente

mardi 20 octobre 2020, par Robert Paris

La démocratie capitaliste converge, de plus en plus, avec sa dictature violente

Elections présidentielles aux USA, en Bolivie, en Iran, au Chili, à Hong Kong ainsi que dans les anciennes colonies françaises comme la Côte-d’Ivoire et Guinée : dans le monde entier, les exploités sont invités en 2020, comme ils le sont régulièrement, à participer à des élections soi-disant pour déterminer eux-mêmes leur propre sort. Elles peuvent être ouvertement des mascarades prolongeant le pouvoir de dictateurs, comme souvent en Afrique grâce à l’armée française et à l’intervention financière de la Françafrique. Elles peuvent être, pour la jeunesse, pour des exploités pleins d’illusions, pour la classe moyenne, l’espoir de participer à ce qui serait le summum de la démocratie : des « élections libres », qui réguleraient enfin la vie politique de leur pays, à la place des dictatures militaires.

Pourtant dans les pays jouets des grandes puissances, ce scénario idyllique ne fonctionne jamais, et ces élections se combinent spontanément avec des mouvements de contestation qui prennent une tournure insurrectionnelle. En Biélorussie par exemple, les ouvriers sont appelés à la grève générale par l’opposante S. Tikhanovskaïa, si Loukashenko n’a pas démissionné le 25 octobre. Insurrection ou élections ? En Guinée et en Côte d’Ivoire, des oppositions refusent même de participer à la mascarade. Le président Trump a même menacé de transformer l’élection en guerre civile si les résultats ne lui conviennent pas ! Aux USA comme dans le reste du monde, là où les hommes politiques s’accrochent au pouvoir ou là où ils y alternent soi-disant démocratiquement, c’est le grand capital qui décide de tout. L’avenir des peuples ne dépend pas des élections, mais de la lutte des classes et, en son sein, de la capacité des exploités à s’organiser et à décider par eux-mêmes.

Face à leur système économique qui s’écroule devant nos yeux, les capitalistes n’ont qu’une issue : durcir leur système politique de domination. Lutte anti-terroriste, lutte anti-virus sont synonymes de restriction de toutes nos libertés, de licenciements … au nom de la défense de « notre système », « le plus démocratique du monde ». Seule la démocratie de type capitaliste, avec ses élections comme seul moyen de contestation, pourrait défendre les travailleurs contre les méfaits de l’économie capitaliste ? Balivernes ! Nulle part au monde, la démocratie capitaliste ne s’est mobilisée contre une tentative dictatoriale !

En France, une extrême-gauche quasi officielle, très liée au système notamment par le biais des syndicats, prétend ne vouloir donner aucune illusion aux travailleurs dans cette « démocratie bourgeoise », mais utiliser les élections pour défendre uniquement les « intérêts des travailleurs », pour y développer des perspectives « anticapitalistes », voire socialistes ou communistes. Leur peu de succès aux élections démontrerait, de leur point de vue, que la classe ouvrière serait, pour le moment, incapable de construire sa propre alternative politique et donc, a fortiori, son propre pouvoir révolutionnaire. Or les conditions de l’émergence d’un embryon de pouvoir des travailleurs existent bel et bien en France et les gilets jaunes comme certaines tentatives d’auto-organisation par des comités de grève ne sont pas les seules à le démontrer. La croyance du monde du travail dans les institutions, dont les partis politiques, les appareils syndicaux, l’appareil d’Etat et les gouvernants, est au plus bas.

Quant à la naissance d’une démocratie authentiquement ouvrière, où se discuteraient réellement nos intérêts de classe, elle n’aura jamais lieu dans l’arène de ce moulin à paroles anti-ouvrières qu’est le parlement français depuis l’assassinat de Jaurès par un terroriste chrétien manipulé par l’appareil d’Etat « démocratique » en 1914. Un affrontement entre la démocratie bourgeoise et une authentique démocratie ouvrière devrait déjà avoir eu lieu dans les mouvements de grèves, les journées syndicales d’actions, comme le récent mouvement des retraites, sans parler bien entendu du mouvement des gilets jaunes où cet affrontement s’est souvent produit. Car la formation de cet embryon de démocratie ouvrière passe nécessairement par un affrontement politique avec les confédérations syndicales bureaucratiques et liées à l’appareil d’Etat de la grande bourgeoisie qui s’arrogent la direction de ces mouvements. Depuis 1914 et l’ « Union sacrée » par laquelle elles avaient cautionné la première boucherie mondiale, ces confédérations, qui ne fédèrent aucunement la lutte des classes, ne sont qu’une excroissance de la « démocratie » bourgeoise dans le mouvement ouvrier. Une des conséquences en est que ces confédérations syndicales subordonnent toute action ouvrière au calendrier du gouvernement capitaliste, en ne nous appelant à manifester que lorsqu’une loi va être discutée au parlement, comme ce fût le cas pour la dernière réforme des retraites et ne cherchant qu’à négocier les détails et à faire ainsi reconnaître leur rôle de tampon des luttes. Les syndicats appellent les travailleurs à « faire pression » pacifiquement sur le parlement ou le gouvernement. Ces mouvements restent donc de fait une prolongation des comédies électorales : les travailleurs « en lutte » sont invités à rester des électeurs « sommant » le législateur.

Certes, cette pression extra-parlementaire a pris récemment la forme de grèves « dures », couteuses et longues pour certains travailleurs mais cette prétendue dureté ne gêne en rien la classe capitaliste du moment que les exploités ne s’organisent pas eux-mêmes sur des bases de classe. Et c’est l’auto-organisation des luttes, que les centrales syndicales réprouvent et combattent, qui a fait ses preuves dans plusieurs des derniers mouvements : le mouvement des cheminots des technicentres, le mouvement des hospitaliers parti des urgences qu’ils ont organisé eux-mêmes dès le début, et qui se prolonge, à l’inverse de celui des retraites que les confédérations ont pris le soin de chapeauter et de stopper. Ce n’est pas l’extrême gauche électorale qui a introduit des embryons d’organisation autonome des travailleurs dans ces dernières luttes. Elle est trop liée aux appareils syndicaux et aux perspectives dans le cadre de la légalité capitaliste pour cela. Or un programme des révolutionnaires, même électoral, pourrait permettre aux travailleurs les plus combattifs de populariser une des prochaines étapes vers un mouvement de grande envergure comme 1936 ou 1968 : étendre ce qui s’est fait spontanément et à petite échelle notamment dans le mouvement des hospitaliers.

La seule perspective politique d’une vraie démocratie pour le monde du travail, c’est en effet de constituer des comités de luttes, de discussions, de décisions, d’action, dans les quartiers populaires, dans les villages, les villes, les écoles, et aussi les usines, les bureaux, toutes les entreprises ; des comités qui se fédèrent en élisant au niveau national des délégués élus et révocables. Ce sont seulement ces élections dans nos parlements, nos gouvernements locaux qui feront naître la « vraie démocratie » que réclament à juste titre les Gilets jaunes et qu’ils ont commencé de tenter en leur sein.

Perspective abstraite et lointaine ? Non ! Un embryon d’un contre-pouvoir auto-organisé a été réalisé à l’échelle nationale par le mouvement des Gilets jaunes. Bien que ces derniers ne soient qu’une fraction limitée du monde du travail, la sainte terreur qu’ils ont inspiré aux classes dirigeantes et à Macron, qui a déchainé contre eux sa police, montre qu’un tel contre-pouvoir ne viendra pas après une lointaine révolution : il n’en sera que le prélude. Lors de chaque lutte ou événement qui touche nos vies, mettons-en place nos propres assemblées où auront lieu des discussions et des prises de décisions.

Cette perspective qui peut paraître lointaine a rattrapé brutalement les enseignants qui craignent pour leur vie après l’assassinat ignoble, de type fasciste, dont a été victime l’un des nôtres, un travailleur de l’enseignement. Se réunir, libérer la parole, manifester est devenu naturel du jour au lendemain, pour les enseignants et de nombreux travailleurs solidaires. Mais « faire bloc », comme l’ont immédiatement fait les syndicats, derrière Blanquer et Macron, qui veulent donner un caractère patriotique chauvin, anti-musulman, aux réactions d’indignation, qui somment les enseignants de redevenir des « fantassins » de type IIIème République, héros de la démocratie, fiers de mourir en martyrs comme les hospitaliers, est un piège mortel.

Méfions-nous des flatteurs et flatteries. Cette école, créée par la IIIème république, que les gouvernants sapent progressivement comme ils détruisent l’hôpital et tous les services publics, est tout à coup glorifiée par ceux qui la détruisent par leurs prétendues « réformes ». Souvenons-nous que la IIIème république, qui naquit dans le sang des ouvriers révolutionnaires, communards de 1871, les premiers en France à mettre en place un pouvoir laïc et un véritable service public de l’école, ne donna jamais le droit de vote aux femmes, institua une école qui dans tous ses manuels proclamait à longueur de pages l’infériorité raciale des « indigènes », des « musulmans », la haine des allemands. Cette école forma une génération de jeunes prêts à se sacrifier en allant égorger, pour sauver la « démocratie », les ouvriers et paysans allemands, dans la boucherie capitaliste de 1914.

Il est clair que les gouvernants tentent d’exploiter un crime en prétendant le pays menacé par une guerre, en justifiant ainsi la mise en place d’un régime d’exception, qui complète et prolonge l’état d’urgence sous prétexte sanitaire. L’Etat, soi-disant ennemi du terrorisme, affirme vouloir protéger la population et la démocratie, en prenant ainsi des mesures violemment anti-démocratiques comme d’interner la famille d’un terroriste ou d’expulser des personnes n’ayant aucun rapport avec ce crime ou enfin d’en tirer, sous prétexte de prétendus complots dans tout le pays, la mise en place d’une dictature policière aggravée, enfin la formation d’une « union nationale » qui servira à diviser la population entre musulmans et non-musulmans ! Macron espère ainsi étoffer la dictature policière qu’il met déjà en place, avec l’état d’urgence et maintenant le couvre-feu, sous prétexte sanitaire. De même qu’il monte la population contre la jeunesse des banlieues accusée de ne pas respecter les règles et de propager le virus ! Pas plus qu’il ne défend l’hôpital public pour l’urgence sanitaire, il ne défend l’école publique pour les libertés ni la démocratie. Sous le capitalisme en pleine déconfiture, cela n’est plus possible.

La haine des musulmans et des immigrés, déguisée en « laïcité », du fascisme déguisé en défense de la démocratie, tel est le programme d’un Etat capitaliste prétendument démocratique, celui de Macron autant que de Mélenchon ou de Le Pen, à nos prochaines élections, afin de diviser les travailleurs. La « police de la république » n’a pas protégé l’enseignant, elle ne nous protégera pas contre tous les types d’attaques fascistes. Discutons donc de ces événements, des moyens de nous défendre, dans nos propres assemblées, nos propres « conseils d’auto-défense ». La république capitaliste bascule de plus en plus dans le fascisme. Plus que jamais l’émancipation, la survie même des travailleurs, ne seront l’œuvre que des travailleurs eux-mêmes.

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