mardi 22 janvier 2019, par
Les gilets jaunes veulent converger avec les salariés, pas être récupérés par les syndicats !!!! Des participants syndicalistes mais pas de banderoles ni d’encadrement syndical...
édito
La lutte des gilets jaunes ne se déroule pas seulement dans les blocages, les manifestations, elle est tout aussi animée au sein même du mouvement qui se structure et débat de ses orientations. Dans bien des comités, des assemblées, des collectifs, des villes et des régions, la lutte est engagée au sein des gilets jaunes. On trouve d’un côté les « radicaux » opposés à toute négociation avec les institutions, à toute composition avec les appareils syndicaux et qui tiennent à maintenir l’auto-organisation du mouvement et son caractère d’opposition radicale au pouvoir des milliardaires. On trouve de l’autre côté les « modérés », qui veulent se contenter de quelques revendications limitées, qui prônent le débat avec le pouvoir. Aux côtés de ceux-là, on trouve aussi les nouveaux venus dans le mouvement des gilets jaunes et qui s’en étaient détournées au début. Ils sont issus des syndicats ou de l’extrême gauche de ceux-ci. Ainsi, des militants de Lutte ouvrière, bien que n’étant pas eux-mêmes gilets jaunes, tentent d’influer sur leur cours dans le sens des appareils syndicaux, des militants du NPA et d’autres groupes de gauche de la gauche, insoumis et parti de gauche, PCF ou d’autres extrêmes gauches en font de même. Les partisans de l’auto-organisation se retrouvent ainsi souvent face à la coalition des modérés dans laquelle on est étonnés de trouver... de prétendus révolutionnaires...
Pourtant, la lutte menée jusqu’à présent a bien montré que ce n’est pas en négociant ni en pactisant avec les appareils syndicaux que l’on a fait reculer le pouvoir. Et ce dernier a, pour sa part, démontré qu’il ne fait que tromper ceux qui croient discuter et négocier avec lui, soi-disant porte-paroles du mouvement ou dirigeants syndicaux… Ces deux sortes de faux dirigeants ont également démontré qu’ils n’étaient en rien une émanation démocratique du mouvement mais des dirigeants antidémocratiques et autoproclamés.
Les modérés et les syndicats aimeraient bien ramener l’insurrection à une petite lutte économique revendicative et limiter le caractère révolutionnaire de l’auto-organisation des exploités !
N’en déplaise aux comédies organisées par les gouvernants, ce n’est pas l’Etat bourgeois qu’il soit dirigé par Macron ou par qui que ce soit, défendant un système capitaliste actuellement au bord du gouffre et sous perfusion, qui supprimera l’injustice sociale et fondera une véritable démocratie !!!
Macron prétend être en train de fonder une nouvelle phase de la république bourgeoise : la démocratie consultative qui serait à l’écoute des citoyens. Pas besoin d’être grand spécialiste pour savoir qu’il n’est à l’écoute que des intérêts privés des possesseurs de capitaux. Même au cours du mouvement des gilets jaunes, le gouvernement a dépassé des centaines de fois plus d’argent pour aider les capitalistes que pour faire semblant qu’il voudrait calmer le mouvement et que c’est ce dernier qui est radical et ne veut pas entendre raison.
Les prétendues mesures de justice sociale de Macron sont de la poudre aux yeux. L’argent de nos impôts continue à couler dans les coffre-forts de milliardaires. Le fossé entre riches et pauvres s’est accru en France de manière particulièrement remarquable. Dire que le gouvernement est entièrement aux mains de l’infime minorité des classes possédantes n’est même pas une critique : c’est un fait indiscutable, même au sein du grand débat national de Macron !
Le gouvernement n’a rien à refuser aux capitalistes en termes d’aides financières (notamment les crédits permanents d’impôts), d’aides économiques (cadeaux directs sans contrepartie), liaisons entre les gouvernants et les trusts, mise du service public en coupe réglée par les intérêts privés de manière tout à fait visible et même pas cachée, suppressions progressive de toute législation contraignante pour les capitalistes et on en passe…
Chacun sait que c’est cela que le gouvernement appelle « les réformes » et il prétend actuellement que sa réaction au mouvement des gilets jaunes consistera à accélérer les réformes !!!
Balivernes ! Le gouvernement a quand même été contraint de retarder de multiples réformes qui étaient programmées à commencer par la réforme des retraites et celle de la santé publique ! Mais il est certain que Macron essaie de freiner sans démontrer qu’il a peur du mouvement.
Dans les entreprises, les salariés constatent que le mouvement des gilets jaunes a fait reculer le pouvoir des capitalistes, alors que les actions réformistes des syndicats ne l’avaient pas fait depuis des années… Les syndicats sont eux aussi secoués par ce mouvement et ils essaient difficilement de s’adapter. Les directions syndicales continuent de freiner des quatre fers. Les syndicats locaux commencent à participer lentement et prudemment. Les militants syndicalistes sont très nombreux dans le mouvement et y sont tout à fait acceptés sans le moindre ostracisme. Ce sont les méthodes réformistes des appareils syndicaux qui sont refusés et combattus.
Cependant, les nouveaux arrivants des appareils syndicaux, y compris ceux de la gauche de la gauche et de l’extrême gauche essaient d’agir sur le mouvement dans le sens de transformer l’insurrection en simple supplication sociale, de passer de l’explosion à une action revendicative classique. Ils peuvent pour cela s’appuyer sur la fraction « institutionnelle » ou « modérée » du mouvement, celle qui voulait déjà négocier avec Macron ou avec une « personnalité indépendante », celle qui croit à la démocratie française, aux élections et patati patata. Calmer, encadrer, négocier sont les mots-clefs de ces gens-là.
Des manœuvres ont lieu un peu partout en France pour changer le sens du mouvement des gilets jaunes, pour le modérer, pour l’encadrer, pour le banaliser, pour le canaliser. Toutes les accusations sont lancées contre ceux des gilets jaunes qui veulent maintenir au mouvement son caractère insurrectionnel et auto-organisé : division, conspirationnisme, complotisme, sectarisme et on en passe. Radicalisme est même un crime aux yeux de certains gilets jaunes, dont les pires sont les ralliés de la dernière heure qui se sont raccrochés jusqu’au bout aux appareils syndicaux ! Incroyable d’y trouver aussi et même en tête des militants qui se disent révolutionnaires !!!
Mais, pas plus que la petite minorité d’extrême droite ou la petite minorité qui ne veut que casser et pas construire le mouvement, les fans des syndicats ou les fans de la démocratie bourgeoise ne sont pas à la tête des gilets jaunes. la lutte d’influence commence et nul ne peut dire de quel côté le mouvement basculera.
La partie auto-organisée des gilets jaunes se structure : l’assemblée des assemblées, appelée par l’assemblée de Commercy, qui va recevoir des dizaines d’assemblées de gilets jaunes venues de partout en est un bon exemple.
Bien entendu, les modérés et pro-appareils syndicaux mènent des actions de division et accusent les autres comités de diviser le mouvement…
Ce qui est certain, c’est que toute la population qui a participé à des manifestations a appris ce que sont les « forces de l’ordre » et surtout appris qu’elles ne défendent que l’ordre des milliardaires !!! Une leçon essentielle qu’ils ne sont pas prêts d’oublier !!!
En fait, la « démocratie des ronds-points » a appris bien des choses. Depuis que les plus démunis se réunissent en permanence, discutent de tout en permanence, décident eux-mêmes des suites de leurs actions, ont le pouvoir sur eux-mêmes ce qui n’a jamais été le cas dans les actions syndicales ou politiques des partis politiciens, les prolétaires développent à grande vitesse leur conscience sociale et politique et nul ne peut dire s’ils s’arrêteront gentiment à la porte du pouvoir et des coffres-forts, ou s’ils franchiront allégrement la porte fût-elle blindée !!! La révolution sociale, quand elle commence, nul ne peut dire quand elle terminera ni où.
Bien malin qui pourrait dire où ira le mouvement. Contrairement aux actions politiciennes et aux actions réformistes syndicales, l’insurrection des exploités et des opprimés n’est pas prédictible, car elle n’est pas préprogrammée par des directions liées par mille liens à la société bourgeoise et à son Etat.
Bien des luttes traversent le mouvement des gilets jaunes. De sombres projets ou calculs et des manœuvres innombrables le parcourent. Mais, contrairement aux mouvements sociaux du passé, la réponse sur ce que deviendra le mouvement est entre les mains de ceux qui luttent et pas dans celles d’appareils qui érigent leurs propres buts et leurs propres intérêts en objectifs réels.
Ce sont les gilets jaunes eux-mêmes qui construisent tous les jours leur mouvement.
Ce qui est certain, c’est que les intérêts que défendent les gilets jaunes ne sont pas compatibles ni conciliables avec ceux que défend l’Etat des milliardaires !
Ce qui est certain, c’est que les classes possédantes n’ont pas l’intention de céder sur le fond et ne le peuvent absolument pas, et surtout pas dans une phase où le capitalisme n’a aucune perspective, même lointaine, de retrouver son dynamisme et de se relancer.
Ce qui est certain aussi, c’est que l’ensemble des classes possédantes de la planète a les yeux fixés sur les « solutions » que vont trouver les classes possédantes en France car c’est la première insurrection sociale générale et permanente dans un pays riche du monde occidental et que l’écho qu’il a trouvé parmi les opprimés du monde est incontestable.
Le pouvoir capitaliste a manié à la fois la carotte et le bâton mais ni l’un ni l’autre ne sont encore suffisants soit pour calmer soit pour écraser. Ni dans un sens ni dans l’autre, le pouvoir ne peut aller trop loin sans risquer de mettre le feu aux poudres. La marge est très étroite pour les gouvernants au service des possédants. D’où la nécessité de ce jeu de clowns du pouvoir. Il faut singer la démocratie tout en imitant les pires dictatures sanglantes mais sans encore tirer directement dans le tas…
L’autre perspective a été clairement indiquée par certains hommes politiques des classes possédantes : tirer sur les manifestants et tirer non pour blesser gravement mais pour tuer, et mettre en place une dictature policière et militaire afin de préserver… la démocratie !!!
Effectivement, il est bien difficile d’imaginer que la situation instable actuelle puisse durer éternellement sans que le pouvoir des nantis ne tente d’y mettre fin par la violence de la répression. N’en déplaise aux « modérés » ou « institutionnels » parmi les gilets jaunes, l’institution est, et a toujours été, au service de l’infime minorité des capitalistes qui s’est toujours moquée de ce qu’en pensaient l’immense majorité de la population, celle qui ne vit que de son travail quand elle arrive à en vivre et pas à en crever !!!
Si aujourd’hui, les plus démunis ne supportent plus la dictature capitaliste, c’est que l’effondrement du capitalisme de 2007-2008 a aggravé le fossé entre riches et pauvres, a mené à la casse de tous les filets sociaux servant à amoindrir les souffrances des opprimés pour éviter toute explosion sociale, rendant impossible le consensus social des époques précédentes.
La France n’est pas la seule à constater que le consensus social est terminé. La société explose de partout dans le monde entier et le succès des gilets jaunes au-delà des frontières hexagonales ne sont que l’une des manifestations de cette explosion sociale mondiale.
Cependant, le mouvement des gilets jaunes apporte quelque chose de plus que les explosions sociales dans le reste du monde et fait même avancer de manière historique la lutte des classes internationale : elle remet en avant l’auto-organisation en masse et en permanence des exploités et des opprimés, organisés par eux-mêmes et décidant par eux-mêmes des buts et des moyens, des perspectives et des actions, sans se laisser dominer par personne, et particulièrement par aucune institution ou organisation liée à la société capitaliste.
C’est là la principale avancée des gilets jaunes et, quelle que soit la suite du mouvement, c’est un acquis mondial pour tous les prolétaires !
L’avenir appartient à l’auto-organisation de tous ceux qui ne vivent que de leur travail, et ce sera non seulement l’organisation par eux-mêmes de leurs luttes mais aussi celle de toute la société à commencer par le pouvoir d’Etat. Il est clair qu’une fraction notable du mouvement des gilets jaunes remet en question non seulement les méthodes réformistes des syndicats et partis mais aussi l’Etat des classes possédantes et affirme représenter une alternative pour toutes ces institutions bourgeoises. Voilà comment l’Histoire des opprimés se construit par eux-mêmes ! Voilà l’avenir du mouvement des gilets jaunes comme celui de tous les prolétaires du monde !