lundi 31 décembre 2018, par
Chacun aura remarqué que la police et la gendarmerie ne se contentent pas de s’attaquer aux casseurs, mais s’en prennent aux manifestants pacifiques, gilets jaunes, travailleurs, environnementalistes ou lycéens. Et ils le font non pas de manière désordonnée, individuelle, accidentelle, due à un débordement, mais systématique, ordonnée par le pouvoir, voulue et calculée.
Progressivement, le pouvoir a convaincu ses cogneurs, ses matraqueurs, ses lanceurs de grenades, ses destructeurs de barricades et de rassemblements d’utiliser la violence sans retenue.
Le résultat est clair : un nombre complètement hallucinant de blessés, et une part considérable de blessés graves et même très graves, et quelques morts même s’ils sont niés et occultés.
La mobilisation de samedi dernier, même si Macron se promenait à Saint Tropez se donnant un air de gars peu soucieux d’un danger quelconque, a été très violemment réprimée, un peu partout des manifestations et des rassemblements sans problèmes et sans casseurs ont été ciblées par des tirs de flash-balls, par des grenades offensives, par des tirs directs de lacrymogènes, avec un nombre important de blessés graves…
Par exemple, à Rouen, la BAC a tiré sur un journaliste en pleine tête avec un flash-ball car celui-ci filmait la répression violente !!!
A Toulouse, avant même que le cortège ou le rassemblement se constitue, les forces de répression ont attaqué : canons à eau, lacrymo, grenades de désencerclement, flash-balls, charges, etc… Le droit de manifester n’est même pas considéré comme à respecter, fusse dans la forme !!! Le nombre des blessés est important. Un manifestant a été éborgné par un tir de flashballs !!!
A Amiens, on est en pleine dictature : tout type de rassemblement est interdit entre le 28 décembre et le 2 janvier !!! Des personnes ont été interpelées sous la simple accusation d’avoir participé à des manifestations !!! La dictature policière n’est pas loin…
A Lyon, la répression a été brutale : à l’arme de guerre avec notamment la nouvelle génération de flash-balls !!
A Bordeaux, la ville était occupée militairement par CRS et BAC qui cognaient et bloquaient alternativement…
Les forces de l’ordre capitaliste ont tenu à montrer que leur prime, récemment obtenue grâce à la menace des gilets jaunes, était méritée !!! Ont-ils aussi une prime sur le nombre de coups de matraques, de blessés et d’arrestations ?!!! On est en droit de se le demander…
Mais derrière les cognes, les petites frappes de la police, il y a leurs chefs, les dirigeants de l’Etat, les classes dirigeantes et les classes possédantes et celles-ci ont des exigences, font des calculs…
Il y a d’abord les petits calculs : la peur des coups, la peur des violences peut freiner l’envie de manifester et réduire le nombre des manifestants. Quand les médias répètent en boucle que le pouvoir affirme : « il va y avoir des morts », « ils viennent pour tout casser » et quand le même pouvoir a organisé une partie des flics pour se transformer eux-mêmes en casseurs, c’est que la violence rapport un peu au pouvoir, même s’il se présente comme se défendant des violences et défendant aussi les « citoyens honnêtes et pacifiques » et les commerces. Mais on voit bien ensuite que le pouvoir s’attaque aux citoyens pacifiques dès qu’ils portent un gilet jaune, dès qu’ils se mobilisent comme l’ont fait les lycéens ou les étudiants, ou les travailleurs.
En fait, le pouvoir banalise ainsi les violences répressives en montant en épingle quelques réactions violentes de l’insurrection ou en produisant quelques provocations policières.
Cela sert aussi à prendre à partie tous les leaders d’opinion, à les interroger sans cesse sur les plateaux de TV, dans les média : « êtes-vous pour les violences, pour les casseurs, pour l’insurrection ? » Même des leaders de l’extrême gauche ont reculé en direct devant de telles accusations, craignant de se retrouver solidaires des blacks blocks, des provocateurs ou de militants d’extrême droite violents ! C’est ainsi que le pouvoir agit pour obliger les gens à reculer et à se désolidariser du mouvement. Mais chacun peut constater que cette campagne active du pouvoir et des média (qui sont soi à la solde du pouvoir, soit à celle des trusts ce qui ne vaut pas mieux) n’a pas suffi à détruire le mouvement des gilets jaunes dans l’opinion ni dans sa mobilisation, et n’a fait qu’augmenter le discrédit des gouvernants.
Il y a les petits calculs mais il y a aussi les grands calculs, de pus grande ampleur et à plus long terme…
Quand on approche des effondrements économiques inévitables, la situation sociale et politique se tend inévitablement. Bien sûr, il y a encore quelques leaders politiques modérés chargés de calmer le « bon peuple » mais ils sont de moins en moins entendus, alors il faut que la classe possédante dispose d’une matraque de plus en plus entraînée à frapper, à terroriser, voire à tuer et cela ne se prépare pas en un jour.
On avait déjà constaté que les forces de répression devenaient plus violentes d’année en année. Maintenant, elles sont très ouvertement appelées à « y aller », à « se lâcher », à « voler dans les plumes ». Finis les états d’âme des flics quand ils n’avaient pas touché d’augmentation de salaires, peut-être pas, mais ils y vont ! Si certains ont encore des réticences, ils voient bien que cela ne sera plus toléré et qu’être flic n’est plus ce que c’était. Les forces de l’ordre n’ont jamais été pacifiques, le nombre de tués par eux en témoigne, mais là on sent qu’il s’agit d’autre chose, d’une évolution de fond de l’Etat capitaliste, qui devient le dernier rempart face à une insurrection.
Même si les adversaires du mouvement ne cessent de faire semblant d’envisager qu’il recule de lui-même et de dresser cela comme perspective, leurs actes disent le contraire et affichent qu’il va falloir frapper de plus en plus dur contre les mouvements sociaux.
Les classes possédantes ont, comme nous, vu que le système économique s’effondre, qu’il n’est plus capable de perdurer malgré les aides massives des Etats et des banques centrales, qu’il est atteint aux fondements même de ses bases économiques. Ce n’est pas seulement des bourses qui font le yoyo, c’est qu’elles le font alors qu’elles sont aidées massivement à se redresser. Pas question pour les Etats de plaider que les caisses sont vides : ils sortent les milliards sans compter, sans rechigner, dès qu’il s’agit de « sauver le système » ! C’est avec une grande violence qu’ils jettent les milliards aux financiers, aux spéculateurs, pour sauver ou pour faire durer encore un petit peu leur système qui se noie…
Eh bien, il en va de même de l’emploi de la violence d’Etat, dans la répression, il s’agit de faire durer un système qui prend l’eau de manière évidente, qui n’a plus le soutien de la population qui travaille, qu’elle soit salariée ou pas, retraitée, chômeuse ou active, le système n’a plus la caution de la population.
Certes, personne ne peut encore dire ce qui sortira de ce mouvement, tant les forces les plus opposées essaient de le tirer dans un sens et dans l’autre, mais on voit déjà ce qui en est sorti : une leçon de choses pour toute la classe ouvrière, celle déjà en gilets et les jaunes et aussi les autres. Cette leçon, c’est que ce qui était présenté comme notre faiblesse par les dirigeants syndicaux et politiques réformistes ou opportunistes, y compris ceux de la gauche et même de l’extrême gauche, mentaient : il a suffi de sortir des fausses mobilisations, partielles, par journées, corporatistes, organisées par en haut et désorganisées en bas, de passer des promenades syndicales à l’insurrection en masse, à l’auto-organisation des luttes pour voir les mêmes classes dirigeantes s’affoler, reculer même partiellement alors qu’elles ne l’avaient jamais fait devant les prétendues « actions syndicales » ou « votes politiques de protestation ».
Ni les urnes ni le réformisme syndical ne nous ont montré un tel exemple de renversement de la peur sociale : ce sont les possédants qui se terrent et sont craintifs et même qui reprochent à Macron d’avoir provoqué l’incendie !
C’est même la bourgeoisie mondiale qui reproche à Macron d’avoir ainsi donné une nouvelle perspective aux travailleurs du monde, d’avoir amené les travailleurs à renouer avec une tradition française, celle de la révolution !
Ce que montre la violence de la répression, c’est que les fausses perspectives pacifiques et progressives ne mènent à rien : le pouvoir ne recule momentanément que pour mieux préparer ses forces à la contre-révolution violente. Il ne suffit pas d’agiter des élections, des votes, des consultations, des rédactions de cahiers de doléances, il va bien falloir en venir à l’affrontement direct entre le Capital et le Travail.
Le grand capital, lui, s’y prépare. La classe ouvrière est encore marquée par des années de domination pacifique et par des années de direction syndicale réformiste. Mais elle discute maintenant. Elle apprend des événements faut d’apprendre de son organisation politique, puisqu’elle n’en dispose pas.
La course de vitesse est engagée entre les deux forces, entre le Capital et le Travail, et ce qui est certain, c’est que le consensus pacifique précédent est mort…
Si le monde du Travail s’organise et discute en masse, c’est lui qui est le plus fort, s’il ne le fait pas, ce sera, d’une manière ou d’une autre, la nuit sombre pour toute la société...