lundi 10 décembre 2018, par
Si une insurrection sociale peut désormais éclater dans un des pays dominants de la planète capitaliste, comme cela vient de se produire en France avec le mouvement des gilets jaunes, ce n’est pas dû à un « hasard malencontreux » qui aurait amené le provocant et arrogant Macron à la présidence et l’aurait poussé à exaspérer sans cesse les exploités, au point que l’une des mesures antisociales violentes finisse par entraîner la révolte fiscale et mener à la révolution sociale. Dire cela, ce serait non seulement rester en surface des choses mais se refuser à mesurer le caractère bien plus profond des causes et la signification historique du moment que nous vivons.
Si tout le monde a rappelé que l’événement insurrectionnel français faisait surtout penser à une révolution sociale, et même à la révolution de 1789-1793, ce n’est pour que nous n’examinions pas pourquoi le système dominant capitaliste peut ressembler à ce point à l’Ancien régime, pouvoir du système nobiliaire. En effet, tant que le système fonctionne, on ne voit pas pourquoi les exploités seraient des ferments d’insurrection !
Certes, nous ne savons pas plus que qui que ce soit quels seront les suites des événements, pas plus que ne le savaient tous ceux qui participaient à une révolution sociale. Mais ce que nous savons, c’est que le mouvement actuel n’est nullement une protestation sociale classique, telle que ce pays ou d’autres pays dits riches et dominants en a connu.
Si l’explosion sociale a eu lieu dans un pays riche et dominant de l’Europe capitaliste et impérialiste, c’est bien que tous les amortisseurs sociaux qui y garantissaient le calme social, services publics, aides sociales, négociations, et pour finir rôle réformiste des syndicats ont été shuntés, détournés ou supprimés par la classe possédante depuis l’effondrement de 2007-2008. Les syndicats ne négocient plus que des reculs comme ils sont en train de le faire par exemple sur les retraites et l’Unédic. Leur encadrement social est d’autant moins crédible qu’ils n’obtiennent plus rien, pas même de modérer les attaques, qu’ils n’ont plus le droit de faire semblant de lutter, et s’interdisent par exemple des grèves reconductibles comme autrefois, y compris dans une SNCF livrée à la privatisation et s’interdisent même un quelconque mouvement à La Poste privatisée…
Le fait que, dans le mouvement des gilets jaunes, mouvement explosif des travailleurs les plus exploités et les plus opprimés, les syndicats soient absolument eet rigoureusement absents et même que leurs dirigeants n’interviennent que pour dénigrer le mouvement, pour le déconsidérer, pour appeler à… ne pas y participer, pour dresser des contre-feux, pour annuler des grèves, est frappant.
Toutes les institutions de la société bourgeoise, dont il est clair que les appareils bureaucratiques des syndicats font partie, sont appelées par à soutenir le pouvoir face à l’insurrection et toutes s’y plient, plus ou moins poussées par les injonctions des gouvernants, menaçant les responsables politiques, économiques et sociaux qui feraient des déclarations de caution de la révolte sociale.
Si la révolution sociale frappe à nouveau à la porte en France, pays classique des grandes révolutions sociales et politiques, ce n’est pas accidentel, ce n’est pas conjoncturel, ce n’est pas un effet de tel ou tel gouvernant, de telle ou telle politique momentanée, et encore moins d’une maladresse du pouvoir, c’est bien plus profond, bien plus fondamental, bien plus incontournable et cela ne concerne pas seulement la France. C’est un signal général : nous sommes entrés, aussi dans les pays riches et impérialistes, dans la crise révolutionnaire produite par la fin du système d’exploitation, par le fait que ce système a atteint ses limites et qu’il est incapable de les franchir mais incapable aussi d’en rester là.
En effet, la chute de 2007-2008 a été produite par un facteur bien plus considérable que l’accroissement massif des dettes et des spéculations qui n’est qu’un effet. Elle a été produite par le succès du capitalisme, qui lui a permis d’atteindre son plus haut sommet : le plus haut niveau historique de son accumulation du capital au cours des années 2000.
Si les milliardaires sont plus riches que jamais dans le monde, en France comme ailleurs et même parfois plus qu’ailleurs, cela ne signifie pas que le capitalisme soit en pleine progression. Car cela dépend sur quelles bases se font ces fortunes : est-ce en investissant dans la production, en donnant des bases nouvelles à l’accroissement du profit par l’augmentation de la plus-value extraite du travail humain, celui des prolétaires, ou est-ce au contraire en ponctionnant les revenus globaux issus du travail productif, celui-ci devenant de plus en plus réduit par rapport à la quantité totale des capitaux accumulés ? La réponse est simple : les investissements productifs baissent par rapport au total des capitaux et ils baissent même dans l’absolu ! Si on a voulu nous faire croire que les fermetures d’usines provenaient des délocalisations, ce mensonge tombe de lui-même quand on sait qu’aucun pays au monde ne connaît actuellement une augmentation de ses activités productives !!!
Pourquoi le capitalisme aurait-il atteint ses limites alors que jamais auparavant cela ne s’était produit ? Eh bien, si la technologie ne limite nullement l’augmentation des capacités productives, si la quantité d’énergie ne la limite pas non plus, si le capitalisme ne peut théoriquement qu’être favorable au maximum d’investissements rentables possibles, c’est le cadre de la propriété privée des moyens de production qui est une limite et celle-ci empêche maintenant tout développement des investissements productifs. En effet, tous les palliatifs qui ont été employés dans les années 2000, comme l’augmentation des dettes et la titrisation de celles-ci, ont permis au système de perdurer mais ont continué de ponctionner la plus-value produite et de repousser les possesseurs de capitaux de la sphère productive en les attirant davantage dans celle des prêts financiers, des spéculations et des jeux boursiers de toutes sortes.
Si la révolution sociale redevient d’actualité dans les pays riches et développés et plus seulement dans les pays pauvres, c’est que le cœur même du système d’exploitation est mortellement atteint. C’est pour cela que le monde bruit de guerres, de guerres civiles, de répressions sanglantes, de fascismes, de dictatures, d’agressions en tous genres, de régressions aussi bien dans les domaine sociaux, sociétaux, politiques qu’économiques.
Alors que les USA annonçaient sortir de la crise, les bourses reconnaissent que la crise est plus profonde que jamais et que l’effet financier des aides aux capitalistes en termes d’impôts de Trump n’ont fait que camoufler très brièvement la réalité : la chute générale est proche.
Les exploités et les opprimés de France en prenant la parole, en s’organisant eux-mêmes, en imposant leurs propre programme revendicatif et leurs méthodes d’action, en se passant pour cela des cadres habituels et institutionnels, en ne respectant pas les règles édictées par la bourgeoisie et son Etat ont fait le premier pas historique d’un événement nouveau : la montée de la révolution prolétarienne mondiale !!!