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Peur des robots ou de la barbarie capitaliste ?

mardi 26 juin 2018, par Robert Paris

édito

La peur des robots cache celle de l’effondrement du grand capital et des violences de ses bandes armées

Les robots attaquent, attaquent nos emplois, attaquent notre vie privée, attaquent notre sécurité, attaquent nos vies, c’est la nouvelle qui est diffusée partout, que ce soit pour s’en réjouir ou pour se lamenter. Big data, robots statisticiens, robots maîtres des média, robots psychologues, robots médecins, robots « intelligents », robots industriels, robots informatiques, robots conducteurs automobiles, robots traducteurs, robots rédacteurs, robots tueurs, les robots sont présentés comme prêts à remplacer l’être humain dans ses activités professionnelles, dans sa pensée comme dans son action. Le nouveau mythe est lancé, et il ressemble étonnamment à l’ancien mythe de la science fiction.

S’il faut bien reconnaître que la technologie des robots et de l’informatique est en train de faire un grand pas en avant technologique qui ferait croire que l’on entre réellement dans le monde d’Asimov, les vraies menaces pour notre société viennent d’ailleurs. Et, tout d’abord, ce n’est pas vraiment une révolution industrielle, à l’image de celle lancée par le capitalisme anglais à l’époque de la machine à vapeur, du métier à tisser et de la locomotive. Pas davantage ce n’est celle lancée par le capitalisme mondialisé, arrivé au stade de l’automobile, de l’avion, de la fusée mais aussi à celui de la rotation ultra-rapide du capital, de sa concentration par les trusts, les banques et les bourses, de la production de masse, du travail à la chaîne, de la parcellisation des tâches, etc. Ces époques connaissaient une dynamique qui n’était nullement une simple révolution technologique. Cette dynamique provenait de la croissance exponentielle des investissements productifs privés, les capitalistes n’ayant besoin d’aucune stimulation extérieure pour se lancer dans la production, en construisant des usines sans cesse plus grandes, embauchant des ouvriers en grand nombre, multipliant les produits en quantité et en nouveauté, ouvrant partout de nouveaux marchés.

Aujourd’hui, très loin de connaître une telle dynamique des investissements croissant exponentiellement, de manière spontanée et irrésistible, se concurrençant pour investir, nous sommes arrivés à une époque où le grand capital se détourne spontanément des investissements productifs, cherche des profits plus importants, plus rapides et plus sûrs, malgré les risques, en misant sur les dettes, sur les spéculations, sur les pays et sociétés qui chutent, des investissements financiers spéculatifs nécrophiles en somme…

Même dans le domaine de l’informatique et des robots, aucun trust industriel ne lance éperdument des investissements massifs s’il n’a pas la caution, l’aide, le soutien, la garantie de l’Etat et des banques centrales. Tout trust impliqué dans la robotisation et l’informatisation exige que la recherche soit payée par l’Etat, que les contrats soient cosignés par l’Etat, que les risques soient garantis par l’Etat, etc. Choisir ce domaine de production n’est donc encore qu’une manière de spéculer en se fondant sur de l’argent public ! Sans la puissance publique, sans les Etats, il n’y aurait aucune dynamique des robots et même pas de recherche dans ce domaine.

Parler à ce propos de « révolution industrielle » est donc un mensonge ou, au mieux, de la méthode Coué pour se convaincre qu’on travaille pour l’avenir, en prêtant au capitalisme un avenir extraordinaire auquel lui-même ne croit nullement. Loin d’être une époque de décollage économique, la situation actuelle du capitalisme depuis 2007 est plutôt celle d’un lourd atterrissage, qui n’a évité que très momentanément et de manière totalement artificielle un écrasement violent !

Bien sûr, les commentateurs optimistes montrent le changement technologique et les commentateurs pessimistes soulignent les suppressions d’emplois. Mais ni les uns ni les autres ne désignent l’essentiel à l’attention. Les robots et l’informatique ne sont pas la cause du développement du Big Brother mondial, c’est-à-dire de la surveillance policière généralisée et du détournement de l’information. Ce sont les classes possédantes qui défendent cette politique parce qu’elle leur est nécessaire aujourd’hui face aux risques de déstabilisation de leur pouvoir et elles le feraient avec ou sans l’informatique. Les robots et l’informatisation ne sont responsables ni de destructions ni de créations massives d’emplois, même s’ils changent bien souvent radicalement les manières de travailler, le contenu même des emplois. Ce qui cause l’avènement mondial, tous pays confondus, d’un chômage permanent de masse, c’est le fait que l’accumulation du capital a atteint, et même artificiellement fait semblant de dépasser, des limites que lui imposent les lois économiques et sociales du système lui-même, un fait historiquement nouveau qui ne s’était jamais produit dans toute l’évolution du système, même de manière courte ou conjoncturelle.

C’est au début des années 2000 que le capitalisme a buté sur cette limite, cherchant désespérément à la franchir ou à la contourner en développant des programmes d’endettements massifs pour se doper artificiellement. Le seul résultat a été un effondrement rendu encore plus catastrophique par l’endettement, celui des trusts, des banques et de la population, y compris la petite bourgeoisie des pays riches. De l’effort gigantesque des Etats et des banques centrales pour bloquer la chute mondiale de l’économie, tous les trusts et toutes les banques chutant ensemble, a été complètement artificiel et a hypothéqué l’avenir au point que jamais le capitalisme ne pourra s’en relever et que les capitalistes accusent le remède choisi en 2008 de les tuer définitivement ! Depuis, loin de se relever, le capital mondial est toujours en panne de dynamique des investissements productifs, panne qui n’est que faiblement cachée par des interventions étatiques toujours aussi massives, même si certains dispositifs de prêts à intérêts négatifs par exemple, ou de rachats massifs d’actifs pourris, ont été parfois levés. L’intervention massive de l’Etat dans l’aide au capitalisme est au plus haut niveau que jamais, sous toutes les formes, des travaux d’Etat aux subventions d’Etat et au protectionnisme d’Etat. Tout cela en pleine propagande en faveur du libéralisme et de la destruction des services publics !!! Le seul résultat, loin d’être un nouveau lancement industriel, est un accroissement massif des dettes privées et publiques, qui atteignent en 2018 mondialement trois fois et demi le total des dettes mondiales de 2007. Par contre, les banques centrales sont désormais incapables d’une intervention du type de celle de 2008, pour faire face à la prochaine crise financière mondiale, alors que le système est plus instable que jamais !!!

Ce n’est pas l’enthousiasme artificiel pour les robots et l’informatique, et pas plus la propagande sur la révolution de la génétique ou sur la conquête de l’espace, avec notamment les voyages sur la lune ou sur mars, qui vont changer cette situation. Loin d’être en train de se révolutionner, le capitalisme est à l’agonie ! Il n’est même pas capable de se réformer modérément pour éviter que la prochaine chute soit trop dramatique ! L’essentiel des milliers de milliards que ses institutions centrales font cadeau au capital privé servent à ce dernier pour spéculer et non pour investir dans la production et c’est pour cela que les emplois ne se relèvent pas, que la économique croissance ne repart pas, que les Etats se lancent dans le protectionnisme, développent des stratégies guerrières, préparent les guerres locales, régionales, et même la guerre mondiale en relançant la course aux armements. Les robots soldats, les drones, la robotisation et l’informatisation de la guerre fait davantage partie de la contre-révolution programmée par les classes possédantes dans l’optique d’un effondrement mondial irrépressible et des risques sociaux, ceux de la classe prolétarienne, que par une quelconque dynamique économique ou d’une révolution technologique.

La science du monde capitaliste, elle aussi, témoigne non d’un saut vers l’avenir mais d’une régression. Les finances en faveur de la recherche sont en berne quasiment partout dans le monde. La côte idéologique de « la science » est au plus bas. La pensée du monde capitaliste est moins scientifique que jamais. La jeunesse n’est pas du tout portée vers la science et l’informatique qui a la côte n’est qu’une partie de la technofinance et non d’un bond en avant scientifique. Parler dans ces conditions d’une nouvelle révolution capitalisme, c’est carrément inverser la situation. On nage en pleine contre-révolution, sur le terrain de la science comme sur celui de la société, au plan économique, social et politique.

L’époque est au développement… des bandes armées ultra-violentes aux quatre coins du monde, que ce soit sous prétexte de religion, d’antiterrorisme, de migrants, de Roms, de quartiers pauvres, de nationalisme ou de micro-nationalisme. Le caractère dictatorial des Etats se renforce partout, y compris sous le prétexte de combattre des dictatures. Les interventions guerrières n’ont plus besoin d’aucun prétexte et les Etats impérialistes projettent leurs armées partout, se moquant même désormais d’avoir ou pas le quitus de la fameuse « communauté internationale », de l’ONU par exemple, ou du Conseil de sécurité. Les anciennes alliances entre nations, au plan économique, politique ou militaire, volent en éclat, comme le fait actuellement l’Europe. Cela témoigne à quel point les classes possédantes ne sont pas en train de se préparer à un bon en avant mais à un bond en arrière massif et historique.

Partout, la bourgeoisie capitaliste aiguise ses couteaux ! Elle ne se bat pas pour conquérir des marchés mais pour développer partout les haines nationales, ethniques, raciales, religieuses et autres, pour détourner les peuples de la lutte des classes, pour empêcher que l’effondrement du capitalisme entraîne la révolution sociale et prolétarienne, que la colère sociale mène les exploités à en finir avec le système mondial d’exploitation, avec la propriété privée des myens de production et des capitaux.

Et, dans ce but, les moyens les plus violents sont bons : les milices fascistes se multiplient partout dans le monde. En Ukraine, elles agressent les Roms, elles violentent les quartiers populaires. En Turquie, elles agressent les Kurdes, elles violentent les quartiers populaires. Et ainsi de suite, du Brésil au Nicaragua, de l’Europe de l’Est à la Grèce, de la Russie au monde arabe et à l’Afrique. Partout, les classes possédantes sèment les haines violentes, provoquent des massacres de plus en plus impressionnants. Du Yemen à Gaza, de l’Irak à l’Afghanistan en passant par la Libye ou la Syrie, toute une zone de la planète subit les destructions massives, les violences extrêmes de toutes les bandes armées des classes possédantes. Et cela pour éradiquer les risques de révolution sociale !

Ce n’est encore qu’un avant-goût de ce que nous réserve le capitalisme et qui n’est nullement une avancée technologique, économique et sociale mais une barbarie jamais encore atteinte, avec des tueurs officiels et officieux, possédant des armes technologiquement performantes pour tenter de sauver un système économique et social qui n’est plus du tout performant !!!

Ce n’est ni pour ni contre les robots que se tournera la révolution sociale mais contre le grand capital et sa domination, totalement dépassée par l’Histoire, et qu’il faut absolument renverser, avec tous ses pouvoirs d’Etat pour que l’humanité poursuive son chemin.

Messages

  • Quand on en est au stade de vouloir remplacer les médecins par des systèmes experts, et de passer plus de temps, à échanger, avec des machines qu’avec des humains, qu’on demande à des machines ce qu’on doit penser, sentir et aimer, on peut vraiment dire : "le mort saisit le vif" !

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