lundi 18 décembre 2017, par
Editorial
Bien sûr, on imagine les raisons qu’ont les gens de penser que le monde capitaliste peut changer mais ne peut pas disparaître : il a déjà subi tout ce qui est possible, crises, krachs, guerres civiles, révolutions, fascismes, dictatures, guerres, guerres mondiales, sans disparaître pour autant alors qu’il était plusieurs fois donné pour mort. Et chacun se souvient d’épisodes particulièrement tendus dans le monde, notamment le face à face de la « guerre froide » dont ils pensent que le monde capitaliste, appelé par lui-même « monde libre » s’est tiré vainqueur avec la « chute du mur de Berlin », le retour des pays de l’Est dans le giron capitaliste et la chute de l’URSS. Tout cela prouve que le capitalisme a su changer, a su se défendre, a évité les dangers. On fête actuellement le centenaire de la révolution d’Octobre qui a été le début de la vague révolutionnaire en Europe. Là encore, le capitalisme s’en est tiré comme il s’est tiré de tous les épisodes révolutionnaires, ceux qui ont précédé la révolution russe comme la Commune et ceux qui l’ont suivi comme la révolution espagnole de 1936.
Si le stalinisme a perduré, malgré le recul révolutionnaire des prolétaires russes, isolés dans un pays détruit par la guerre civile menée par toutes les armées capitalistes du monde, c’est parce que le stalinisme convenait au monde capitaliste comme force contre-révolutionnaire, disposée à mener partout dans le monde la guerre sanglante aux militants révolutionnaires, en particulier aux militants qui rejoignaient Trotsky.
Le capitalisme a fait mine de s’opposer violemment au stalinisme mais ne l’a jamais combattu directement ni n’a soutenu les travailleurs et les peuples qui se sont battus contre lui, à commencer par les travailleurs des pays de l’Est, de Hongrie et de Pologne notamment. Il n’a pas levé le petit doigt pour les aider dans leur lutte et a même craint qu’ils ne triomphent en 1956, dans les années 70 et 80. Parce que l’ordre stalinien faisait partie de l’ordre capitaliste mondial. Et aujourd’hui, l’ordre stalinien qui règne en Chine en fait toujours partie, sans que cela gène nullement le capitalisme américain ou mondial. Ils ne sont gênés ni par le monopole politique du parti stalinien (pour ne pas dire communiste) chinois, ni par la dictature militaire, ni par l’absence totale de liberté, ni encore par l’existence d’un goulag (véritable enfer où périssent des millions d’hommes et de femmes), ni par la totale absence de droits des travailleurs.
Les capitalistes occidentaux ne craignent en fait qu’une seule chose : la crise du capitalisme chinois car, si celui-ci chute, le monde capitaliste entier risque de chuter !!!!
Et ce n’est pas impossible, loin de là ! Lors de la dernière crise capitaliste en Chine, la seule manière qu’ait trouvé le pouvoir capitaliste chinois (eh oui ! capitaliste, même s’il se dit « communiste » !), a été d’interdire toute vente d’actions des sociétés menacées d’effondrement. Le fait que l’Etat chinois soit le plus grand capitaliste du pays et de loin, qu’il dispose d’une masse considérable de capitaux, lui a permis ensuite d’intervenir à la hauteur de la chute financière et de la retarder. Mais cela n’a pas réglé le problème pour autant et les organismes qui dirigent le monde capitaliste s’inquiètent à nouveau pour l’économie chinoise…
Et ils ont bien des raisons de le faire : banques en faillite, spéculations de toutes sortes, économie qui ne fonctionne plus que grâce à l’aide étatique, tout cela peut devenir explosif à la moindre étincelle. Et c’est vrai également de toute l’économie mondiale qui en est à craindre le « bitcoin », cette monnaie bidon qui connaît un énorme succès spéculatif.
Les spéculations en tous genres misent toujours essentiellement sur les dettes privées et publiques : dettes immobilières, dettes des communes, dettes des étudiants mais surtout dettes des Etats… Et l’aide publique à l’économie capitaliste qui n’a pas baissé ne permet pas une véritable reprise des investissements productifs même si les gouvernants font mine de le prétendre. Trump ou Macron ne peuvent, en y mettant tous les moyens financiers publics, que faire durer un peu l’illusion…
Le fait que la classe capitaliste soit sur le déclin se voit à bien des symptômes : le déclin du niveau de vie des plus pauvres, la chute de la santé publique, la baisse de tous les services publics, la hausse de toutes les violences, des guerres, des terrorismes. L’exemple le plus frappant est actuellement celui du Moyen Orient où les classes possédantes n’ont pu canaliser les printemps qu’à coups de barbarie comme au Yémen et en Syrie, de dictature sanglante comme en Egypte et en Turquie, de bombardements comme en Irak, au Pakistan et en Afghanistan. Le blocus et la guerre soutenus par le monde occidental sont particulièrement remarquable par leur horreur inhumaine : bombardements d’écoles et assassinats massifs d’enfants par la faim et l’absence de médicaments font frémir.
Une société qui est conduite à de telles horreurs organisées par sa classe dirigeante n’est pas une démonstration de force. L’exemple de la Libye est démonstratif, parlant d’un pays qui a connu une intervention armée de la France et des USA qui a réussi… à mettre en place un ordre des bandes armées terroristes qui exploite les migrants, les met en prison, les viole, les tue, les exploite, les vend… Les hommes politiques français, de Sarkozy à Hollande, ont tous cautionné l’intervention militaire en Libye et ils se gardent bien de rapporter ce qui s’y passe maintenant, même si les média ont montré un peu la situation des migrants.
La terreur monte dans le monde mais elle n’est pas le fait de bandes armées marginales : elle est nécessaire à la classe possédante et la raison est profonde, c’est la crise historique du fonctionnement de l’économie.
Le capitalisme n’a jamais eu aussi peur de la crise systémique. Il est sans cesse en train d’examiner l’état de ses banques et les rapports qu’il diffuse à ce sujet montre que la peur ne descend pas, malgré les discours rassurants des Trump et des Macron.
Qu’est-ce qui fragilise comme cela le capitalisme, alors que ce système a été jusque-là capable de tenir dans bien des tempêtes ? C’est le moteur qui est cassé depuis les années 2000 ! La dynamique du capitalisme a toujours été fondée sur l’investissement productif car c’est le fait que les capitaux se réinvestissent qui permet au système d’étendre sans cesse la taille de ses profits et des activités. Pour distribuer des revenus du capital sans cesse plus importants, le capitalisme n’a cessé que très épisodiquement d’investir, dans certaines phases de ses crises économiques. Mais, il n’y a jamais eu une période longue durant laquelle les capitalistes se détournaient de l’investissement productif. C’est pourtant ce qui se produit, durablement et à l’échelle mondiale !
Bien sûr, certains peuvent croire qu’on peut produire des revenus du capital ne investissant dans la spéculation, dans les entreprises financières, mais c’est faux : cela permet seulement de redistribuer les plus-values mais pour les produire, il est indispensable d’exploiter la main d’œuvre productive, les prolétaires.
Alors, qu’est-ce qui empêche de le faire si c’est là le moyen clef pour engranger des profits ? Les capitalistes sont-ils fous, sont-ils suicidaires, sont-ils à courte vue ? Non, ils se contentent de faire ce qu’ils ont toujours fait : rechercher la voie qui rapporte le plus et actuellement ce sont les spéculations financières. Et plus ils se livrent à celles-ci, plus elles deviennent rentables à court terme.
Pourtant, la spéculation n’est en rien une nouveauté et jamais jusque là elle n’avait été jusqu’à casser tout élan des investissements productifs ! Oui, mais intervient le point essentiel : le succès du système capitaliste a atteint un seuil. On ne parvient pas à dépasser un certain niveau d’investissements productifs sans perdre en taux de profit. Il n’y a pas une capacité du capitalisme de produire à l’infini, même si ses capacités de production actuelles sont très inférieures aux possibilités techniques. Le capitalisme a atteint ses limites qui ne sont pas celles des forces productives mais celles des investissements productifs. Il n’ira pas plus loin car les capitalistes individuels, même si la survie de leur système en dépend, n’ont pas vocation d’investir à perte et même pas d’investir dans un secteur un peu moins rentable. Au contraire, ils ont toujours couru après l’investissement le plus rentable. Cela a longtemps favorisé l’investissement productif qui a ainsi construit des richesses apparemment sans limites en capitalisant les plus-values extraites du travail humain, celui des prolétaires. Eh bien, aujourd’hui ce système a atteint son plus haut succès et ne peut que chuter !
Les violences sans nombre que le système de domination mondiale est en train de faire subir aux peuples est une preuve supplémentaire qu’il n’est plus capable que d’attendre le séisme économique et social, le tremblement de terre qui cassera la vieille baraque toute vermoulue. L’optimisme que les gouvernants font semblant d’afficher, faisant semblant de prendre la hausse des sommes distribuées au capital pour une reprise économique viable, n’efface pas les rapports alarmistes des institutions économiques et la peur panique des banques. La violence des bandes armées, étatiques ou pas, est aussi la marque de cette peur panique des classes dirigeantes devant la révolution sociale, comme l’est aussi l’empressement des Etats de casser les droits démocratiques et sociaux partout dans le monde, y compris dans les pays riches.
La véritable question n’est pas de savoir quand et comment le système capitaliste va chuter mais de combattre contre les thèses des réformistes, appuyés par tous les média et par l’opinion petite-bourgeoise, thèses selon lesquelles il y aurait bien des moyens de réformer le capitalisme, de résoudre les problèmes, en ayant la « bonne politique » au pouvoir d’Etat, en prenant les « bonnes mesures » politiques, économiques et sociales. Mais, bien entendu, aucun de ces réformismes ne nous dit ce qu’il proposera de faire face au prochain tsunami économique !
Eh bien, tant pis pour les réformistes, ne regrettons pas le passé prospère du capitalisme qui ne reviendra pas, et cherchons plutôt les voies et moyens de construire l’avenir prolétarien du monde. Certes, nombre de travailleurs n’entendent toujours pas un tel programme, mais c’est la réalité qui tranchera et qui démontrera ceux qui ouvrent des perspectives réelles et ceux qui n’ont qu’un discours idéologique.
Pendant que les bases de l’effondrement à venir s’approfondissent (diminution des investissements productifs privés, suppressions massives d’emplois, destruction de l’économie, hausse de la spéculation et des dettes privées et publiques, faillites des Etats et des banques centrales, etc.), celles de la crise sociale et politique le font également, rendant inévitable la révolution sociale : accroissement explosif des inégalités, discrédit des institutions, déstabilisation de tout l’édifice social.
La maladie qui frappe le système capitaliste n’est pas une maladie pour laquelle un médicament existe, c’est la mort due au caractère limité du développement enfermé dans les barrières étroites de la propriété privée des moyens de production.
La seule question qui se pose maintenant n’est pas : quelle solution vont-ils trouver pour pérenniser le système mais qui remplacera le capitalisme : socialisme ou barbarie ?!!!