lundi 17 octobre 2016, par
Edito
« Nous sommes en guerre », « Vous êtes en guerre », « Ils sont en guerre », c’est sur tous les tons, sur tous les modes, dans tous les registres que le répètent sans cesse tous les gouvernants, ceux de France, ceux des USA et tous ceux de la planète, en même temps qu’ils multiplient les guerres aux quatre coins du monde comme à l’intérieur de leur pays. Les uns se disent en guerre contre le terrorisme, contre l’intégrisme, contre des dictatures, contre la Russie ou contre la Chine, contre les migrants aussi, d’autres contre l’impérialisme US, contre l’Iran ou contre la Corée du nord, d’autres encore contre les Kurdes, contre les Caucasiens, et on en passe… En tout cas, tous les Etats du monde, même ceux qui se disaient tout à fait pacifiques et s’interdisaient toute intervention armée étrangère, se disent aujourd’hui en guerre et leurs motifs affichés sont aussi nombreux que mensongers… Tous prétendent lutter pour la paix, pour la sécurité, pour le bien-être et pour la liberté des peuples et… ils mentent ! Ils mentent parce qu’ils se moquent des peuples et ils mentent aussi parce qu’ils cachent leurs vrais buts, sur leurs véritables amis et leurs véritables ennemis, et sur leurs vraies craintes.
Les Etats les plus puissants de la planète n’ont jamais eu peur de soutenir des dictatures féroces, comme les USA en Amérique latine et en Asie, ou les Etats européens en Afrique et en Asie. Les voir afficher leur haine de régimes comme celui de Saddam Hussein, de Kadhafi, de Gbagbo ou de Assad devrait susciter une vaste rigolade, vu qu’ils soutiennent la dictature « islamiste » moyennageuse d’Arabie saoudite et celles des émirats du pétrole, ou celle d’Indonésie, la dictature du Centrafrique ou encore celle de Bongo au Gabon, pour ne citer que celles-là ! Tous les dictateurs ont été, un temps au moins, leurs amis, leurs alliés, leurs agents éventuellement.
Et il en va de même des grands groupes terroristes qui ont tous, à un moment ou à un autre, reçu le soutien des grands Etats qui dominent le monde, à commencer par ceux du monde occidental. Ben Laden était agent de la CIA et c’est elle qui encadrait son action en Afghanistan contre les Russes, y compris pour former son armée « islamiste » Al Qaïda. Al Nosra, branche syrienne d’Al Qaïda, est encore soutenue par la France et les USA pour mener la guerre en Syrie, à la fois contre Assad et l’Etat islamique. Ce dernier reçoit le soutien de l’Arabie saoudite et d’Israël et cela n’empêche pas les USA et la France de soutenir politiquement, militairement, par des fournitures d’armements et de finances, aussi bien Israël que l’Arabie saoudite.
Le terrorisme, qui consiste à terroriser et massacrer des civils innocents, ce n’est pas seulement le fait des groupes terroristes : c’est justement la méthode même des grandes puissances. Ont-elles fait autre chose en Ukraine en soutenant le massacre de civils désarmés au lance-flamme par des milices fascistes dont elles ont également appuyé l’entrée au gouvernement, sous prétexte de lutter contre l’influence russe sur un territoire qui faisait partie de son pays ? Que soutiennent-elles d’autres en appuyant Israël dans ses actions terroristes contre le peuple de Gaza, bombardant massivement écoles, hôpitaux et populations civiles, sous prétexte de lutte contre le terrorisme de groupes armés palestiniens ? Les Etats occidentaux, à commencer par les USA, la France et l’Angleterre font-ils autre chose en Irak où ils débutent par exemple une campagne de bombardements de masse sur la ville de Mossoul ? Ont-ils fait autre chose en Afghanistan ou en Irak, où ils prétendaient bombarder pour reconstruire, massacrer les peuples pour les sauver, détruire une dictature pour en construire en fait une autre, libérer les femmes pour les enchainer à nouveau… Et la paix n’arrive jamais, la guerre ne s’arrête jamais dans ces pays détruits, démolis, aussi bien matériellement que moralement ! La guerre n’entraîne que de nouvelles guerres, la prétendue destruction du terrorisme que de nouveaux terrorismes !
Aux peuples occidentaux qui se demandaient d’où venait que des terroristes les attaquent, les grandes puissances ont répondu qu’ils étaient haineux contre « notre civilisation », contre « notre démocratie », contre « nos valeurs », contre « notre culture ». Voilà des terroristes qui sont bien idéologiques, au point de détruire leur propre existence seulement en fonction de buts aussi abstraits. En réalité, ces groupes terroristes massacrent d’abord et avant tout des peuples ayant les mêmes origines qu’eux, la même religion qu’eux, le même mode de vie qu’eux, la même société qu’eux, la même histoire qu’eux. Ainsi, les victimes de ce groupe qui s’intitule mensongèrement « l’Etat islamique », et qui se moque parfaitement de religion même s’il se drape dedans pour cacher ses vrais buts et les véritables racines de sa formation, sont pour l’immense majorité des musulmans d’Irak et de Syrie. Les victimes d’Al Qaïda, elles aussi, sont essentiellement des musulmans vivant dans la même société. Tous ces groupes n’existeraient pas sans d’énormes financements extérieurs qui ne sont pas le fait des croyants mais celui de grands Etats. Et les puissances occidentales qui prétendent mener une guerre contre les groupes terroristes ne veulent même pas dire un mot contre les Etats qui arment et financent les terroristes pour la simple et bonne raison que ces puissances elles-mêmes arment et financent certains groupes terroristes ! L’essentiel des reproches que les USA et l’Europe font à l’intervention armée de la Russie en Syrie, c’est de bombarder , notamment à Alep, le groupe terroriste Al Nosra, filiale locale d’Al Qaïda qui se drape elle aussi dans l’intégrisme prétendument musulman, armée et financée par eux, sous le doux nom de « résistance syrienne contre Assad » ! La lutte du peuple syrien contre la dictature d’Assad n’avait rien à voir avec ces bandes armées. Elle était populaire, pacifique et révolutionnaire, comme tout le « printemps arabe », comme les soulèvements égyptien et tunisien. Et les grandes puissances ne risquaient pas de soutenir ces « printemps », elles qui avaient soutenu jusqu’au dernier instant les dictateurs Ben Ali et Moubarak ! Les puissances occidentales ont également soutenu la « Coalition arabe » autour de l’Arabie saoudite et des Emirats qui ont écrasé militairement les « printemps », notamment au Bahrein et au Yémen. Rappelons-nous que les USA de Bush avaient même cessé leur guerre contre Saddam en Irak lorsque les peuples d’Irak s’étaient eux-même soulevés pour le renverser. Ils avaient même rendu à Saddam sa garde présidentielle pour lui permettre de les écraser !
Les mauvais traitements que subissent les migrants syriens, afghans ou irakiens, eux qui sont contraints de fuir leurs pays détruits, bombardés, déstabilisés durablement, devenus de véritables enfers pour les peuples, de la part des puissances occidentales, de leurs armées et de leurs polices, y compris des armées et des polices spéciales contre les migrants, toutes ces violences montrent à quel point ces puissances ne mènent nullement toutes ces guerres pour sauver les peuples de ces pays, ni pour leur offrir paix, démocratie, développement et sécurité. D’ailleurs, il est parfaitement mensonger de faire croire que les guerres avec des bombardements massifs auraient pour but la défense de la démocratie, de la sécurité et de la paix.
Aucun peuple n’a rien de bon à attendre du développement mondial des guerres et de la menace de la guerre mondiale qui pèse de plus en plus sur le monde.
Les terroristes ont tout intérêt au discours selon lequel ce serait une guerre de religion qui mobilise le monde, ou une guerre de civilisation, ou une guerre de races… En effet, il n’y a pas mieux pour imposer à tous les peuples de choisir entre deux terrorismes, pour imposer aux peuples d’origine musulmane de choisir entre musulmans et anti-musulmans, d’imposer aux Orientaux de choisir le prétendu camp oriental comme aux Occidentaux le prétendu camp occidental.
Ces oppositions sont parfaitement factices, les classes dirigeantes d’Orient n’étant pas plus dans le camp des exploités et opprimés orientaux que les classes dirigeantes d’Occident ne sont du côté des travailleurs et des peuples qui vivent en Occident !
Les terrorismes, ceux des bandes armées comme ceux des Etats, grands et petits, ne défendent aucun peuple, aucune liberté, aucune civilisation, aucune culture, aucune démocratie, mais seulement des intérêts des exploiteurs et des oppresseurs du monde, de la bourgeoisie capitaliste, locale, nationale ou internationale. Les armées américaine, française ou anglaise ne défendent pas plus la liberté, la démocratie, la paix, la sécurité des peuples que les armées russe, chinoise, saoudienne, irakienne ou syrienne.
Si le monde bascule massivement dans les guerres et, demain peut-être, dans la guerre mondiale, ce n’est pas à cause d’une montée des opposition entre religions, entre civilisations, entre races, entre cultures et autres mensonges, c’est à cause du fait que le système capitaliste est en panne depuis sa crise de 2007-2008, qu’il bute contre un mur et ne risque pas de franchir cet obstacle car c’est celui de son propre développement. Ce sont les bases même du capitalisme qui l’amènent à être incapable de dépasser cette limite.
Il est en effet impossible au système capitaliste de demander aux capitalistes individuels d’agir a contrario de leurs intérêts immédiats, d’investir de manière contre-productive, fût-ce momentanément. Or, au début des années 2000, le monde capitaliste a atteint ses limites en termes de capacités d’investir dans la production de manière rentable, c’est-à-dire en tirant une plus-value et en pouvant la réinvestir dans la production. Du coup, c’est seulement grâce à l’intervention massive des Etats et des banques cnetrales, à coup d’argent public tiré des impôts comme volé aux épargants et aux peuples, que les pouvoirs centraux ont pu retarder l’effondrement programmé en 2008 et maintenir au moins la fiction d’un maintien du fonctionnement capitaliste alors que la chute était inévitable, dès lors que l’on distribue des profits sans accumuler de la plus-value.
Dans ces conditions, alors que le capitalisme est définitivement acculé dans une impasse, la politique dite antiterroriste est devenue un moyen de détourner la colère des masses populaires, et ce aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres. Et elle rejoint entièrement la politique terroriste, dans ses buts et dans ses moyens.
En effet, quelle est la politique terroriste sinon un détournement des colères populaires des pays musulmans pour empêcher le développement des printemps arabes et une contrainte exercée contre tous les peuples pour leur imposer de choisir entre deux maux : l’impérialisme occidental ou l’intégrisme oriental !
Quel est la politique de ce dernier ? Exactement la même !
Voilà pourquoi ils se renforcent et se radicalisent mutuellement, chacun s’appuyant sur les horreurs et les exactions de l’autre !
Pas étonnant que les Bush, père et fils, aient misé sur une telle politique pour renforcer la domination du grand capital, à l’intérieur des USA comme à l’extérieur. Rien d’étonnant si Obama ait poursuivi la même politique. Rien d’étonnant si Hollande-Valls aient suivi la même politique, sur les pas de Sarkozy. Rien d’étonnant non plus si Cameron-May suivent sur ce plan Blair. Et si le gouvernement allemand s’engouffre dans la politique de guerre dite antiterroriste. Car c’est l’ensemble de la grande bourgeoisie qui a intérêt à opposer ainsi les peuples, au nom d’une prétendue opposition des religions, des civilisations, des mœurs, des peuples, des conceptions du monde…
Il y a une seule réponse possible à ces politiques ultra-violentes des bourgeoisies capitalistes : l’unité des peuples travailleurs pour révolutionner le monde et le libérer de la propriété privée des moyens de production et des capitaux !