mercredi 28 septembre 2016, par
A entendre média et gouvernants, suivis par les opinions publiques, l’Europe serait victime d’une invasion menaçante dont les agresseurs seraient ces migrants, ces civils désarmés, affolés, démunis de tous, pacifiques et qui avaient seulement pris pour argent comptant les discours de solidarité des dirigeants européens.
En un petit nombre d’années, la question des migrants est devenue une question centrale en Europe, en même temps que la question du terrorisme et que la multiplication des guerres extérieures dites antiterroristes, et qui marque toute la vie politique, dans les média comme dans les prises de position de tous les partis bourgeois, alors qu’elle n’était présente jusque là que dans la phobie de l’extrême droite et dans sa démagogie raciste.
Un nombre considérable d’Européens a commencé d’estimer, suite aux déclarations de la gauche comme de la droite et de l’extrême droite, que ce qui les menaçait en premier, ce serait cet afflux de migrants en Europe, en nombre impressionnant, une migration comme on n’en avait pas connu depuis la dernière guerre mondiale. Des personnes qui n’étaient ni racistes ni fascistes ni d’extrême droite se sont mises à craindre ou à détester les migrants et à penser qu’ils devaient se protéger contre eux derrière des frontières et derrière des forces policières et militaires, nationales ou européennes.
« La France ne sera pas un pays de campements de migrants », a déclaré Hollande, tout en parquant les migrants dans des camps, en les expulsant avec sa police et en les traitant en parias… En même temps, Sarkozy et Le Pen affirment vouloir leur interdire l’entrée du territoire français et les laisser crever dehors. Cela n’empêche pas les uns et les autres d’affirmer que les guerres que mène la France, comme les autres grandes puissances, seraient guidées par la défense des mêmes peuples, c’est-à-dire les Syriens, les Irakiens, les Afghans, les Libyens ou les Yéménites sans parler des Tunisiens ou des Pakistanais. Car si ces gouvernants européens ne donnent pas le droit à ces migrants de rentrer en France ou en Europe pacifiquement, ils se donnent eux le droit d’entrer dans leurs pays, y compris sans l’accord du gouvernement du pays, de l’envahir les armes à la main, d’y bombarder les populations civiles, de détruire des villes entières, toutes leurs infrastructures, de terroriser les peuples et de contribuer à les contraindre de fuir sans leur apporter, ni sur place ni dans leur pays, le moindre secours en retour.
Le plus impressionnant n’est pas le nombre de ces migrants mais le fait que ce soient eux qui soient les accusés et que ces victimes soient désignées du doigt par certains des coupables eux-mêmes ! Car les migrants ne fuient pas d’abord Daesh mais d’abord les guerres menés par des gouvernements et des armées régulières. Et même Daesh, comme Al Qaïda ou Al Nosra et autres armées terroristes, est financée et armée par des gouvernements amis des gouvernants européens et américains comme les Emirats, l’Arabie saoudite et la Turquie.
Oui, les victimes ce ne sont pas d’abord les Européens mais ces peuples terrorisés par les bombardements et ces migrants qui sont blessés, qui meurent en route, victimes de bandes armées, de passeurs, des agressions policières et militaires de l’Europe ou des autres pays de passage, victimes aussi de noyades en mer Méditérannée, pendant que les forces armées européennes les y laissent crever comme des bêtes. Il est remarquable que le pays qui se prétend le plus accueillant d’Europe vis-à-vis des migrants, l’Allemagne, se soit permis de les parquer dans l’ancien camp de la mort nazi d’Auschwitz !
Hollande, Merkel et Juncker ont bien étonné le monde quand, après des années de blocage militaire violent des migrants aux portes de l’Europe via l’armée dite Frontex, ils ont affirmé conjointement leur « Bienvenu aux migrants syriens » ! Mais on a pu constater très vite que l’Europe était loin de suivre cette déclaration, que la France n’avait pas l’intention non plus de passer des discours aux actes. Et on a même constaté que cette déclaration mensongère a surtout eu pour résultat d’affoler les populations, de les pousser brutalement dans les bras l’extrême-droite, ce qui était sans doute le résultat recherché, y compris par des gouvernants qui se disent très hostiles à cette extrême droite.
Quant à l’Allemagne, son air accueillant pour les migrants syriens est très relatif. L’Allemagne est aussi la première à avoir poussé l’Europe à signer un accord avec la Turquie, selon lequel elle peut renvoyer les migrants qui ont atteint l’Europe, vers ce pays, bien que celui-ci soit de plus en plus dictatorial et tout ce qu’il y a de moins respectueux des droits de l’homme et de ceux des migrants en particulier. Cela ne témoigne nullement d’un souci humanitaire et cela montre déjà que la politique des classes dirigeantes allemandes, incarné par Merkel, n’est nullement à but humain ou moral… L’Allemagne s’apprête à accueillir 800.000 demandeurs d’asile en 2015, quand la France n’en attend que 60.000. Depuis quatre ans, 348 540 réfugiés syriens ont obtenu l’asile vers Europe, un chiffre plutôt faible au regard des quatre millions de Syriens ayant quitté la Syrie. Les autres migrants syriens hébergés à l’étranger se trouvent dans des camps de réfugiés souvent gérés les Nations Unies. Ils sont 1.9 million en Turquie, plus d’un million au Liban. Viennent ensuite la Jordanie, l’Irak avec 249 463 réfugiés syriens. L’Europe, qui proteste et affirme être envahie, est très loin d’être la principale destination des migrants. Cela n’empêche pas certains pays européens d’accueillir les migrants à coups de matraques et de grenades lacrymogènes, de mettre en place des murs et des miradors, de développer des milices fascistes anti-migrants.
Il faut aussi se souvenir que l’Allemagne de Merkel, qui est parvenue à faire de la question des migrants le centre de la vie politique allemande, est un pays qui a connu récemment les plus grandes luttes de classes depuis des décennies, les travailleurs de toutes les professions et de tous les secteurs se mobilisant plus nombreux que jamais sur la question sociale. Il est évident que les classes dirigeantes allemandes comptent bien que la montée de l’extrême droite et de la question migratoire serve à détourner la population d’une radicalisation sociale et politique dans un sens prolétarien.
Après des années d’intervention armée, de bombardements massifs, d’occupations militaires impressionnantes, quel est le résultat d’opérations armées affirmant vouloir amener la démocratie et combattre le terrorisme : c’est encore plus de dictature, plus de terreur, et même de plus en plus de terrorisme ! Mieux, les gouvernants affirment qu’à chaque fois qu’ils ont des succès contre les bandes armées terroristes, celles-ci augmentent leurs actions dans les pays occidentaux eux-mêmes ! Et aussi plus les Etats européens frappent les migrants, développent des armées européennes contre les migrants, mettent en place des législations contre eux, plus la migration grandit, parce que ses causes ne sont pas combattues, parce que les Etats augmentent en proportion leurs bombardements qui terrorisent les populations civiles.
Les Etats occidentaux se sont bien gardés, par contre, de frapper les gouvernants qui arment et financent le terrorisme et interdisent même de les dénoncer publiquement et de les condamner politiquement. Ils se gardent de nous expliquer que ces bandes armées fascistes, se couvrant de l’intégrisme religieux, sont nées dans des pays où les peuples étaient eux-mêmes en train de renverser des dictatures par des révolutions sociales et politiques. Ils ne nous disent pas qu’eux-mêmes sont en train de favoriser le radicalisme raciste pour éviter la montée d’un radicalisme social qui pourrait se retourner contre les classes dirigeantes.
Beau résultat pour cette prétendue « guerre au terrorisme » que l’augmentation et l’extension mondiale du terrorisme. Et aussi, sous prétexte de lutte contre le terrorisme et les dictatures, le terrorisme et la dictature gagne progressivement les nations occidentales dites démocratiques.
L’ « état d’urgence », la suppression progressive des droits démocratiques, du droit de manifester, de faire grève, de dénoncer la politique gouvernementale, d’informer contre elle, sont le résultat de la prétendue lutte pour défendre la démocratie ! N’est-il pas légitime de se demander si ce résultat, la fin de la démocratie dans les pays occidentaux, n’était pas le but recherché par les gouvernants occidentaux au moment même où la crise du système capitaliste mène les peuples à des « printemps » c’est-à-dire à des révoltes sociales et politiques ?!!!
La prétendue « crise migratoire » est le complément de la « crise terroriste » pour faire basculer l’ensemble du monde dans une « guerre mondiale » qui se déroulerait prétendument entre des peuples, soi-disant pour défendre une civilisation, pour défendre la démocratie, pour défendre des valeurs morales et politiques alors qu’en réalité, il s’agit, au contraire, de développer la barbarie des bandes armées officielles, de la dictature, du fascisme…
Ce qui fait basculer le monde dans la violence, ce n’est ni une invasion de migrants, ni les dictatures de Syrie, d’Afghanistan, de Libye ou d’Irak, ce n’est pas davantage les bandes terroristes de ces pays : c’est l’effondrement économique du système capitaliste commencé en 2007-2008 et qui n’a pas cessé depuis, effondrement mondial, qui a été initié non dans le monde arabe mais dans les métropoles impérialistes occidentales à commencer par les USA !
L’intégrisme violent, développé par les classes dirigeantes arabes et occidentales face à la vague des « printemps » des peuples contre les dictatures et contre la misère, est une extrême droite fasciste utilisée contre les peuples révoltés et qui sert maintenant à développer, en miroir, dans les pays occidentaux une extrême droite raciste et fasciste anti-arabe.
C’est sciemment que les classes dirigeantes qui dominent le monde ont fait ces choix violents. Leurs politiques ne font pas que suivre des « crises », qu’elles soient migratoires, terroristes, guerrières ou dictatoriales. Elles suivent d’abord et avant tout la crise, mondiale et historique, du système capitaliste.
Cela signifie que cette vague de violence est d’abord et avant tout un bain de sang et une vague de haine entre les peuples qui vise à détourner les risques révolutionnaires et prolétariens engendrés par l’effondrement économique du système.
Face à une économie capitaliste mondiale incapable de relancer ses investissements productifs privés malgré des aides de milliers de milliards de dollars publics, les classes dirigeantes, qui attendent la peur au ventre le prochain effondrement économique mondial, n’ont aucune solution économique ou sociale et n’ont d’autre « solution » politique que de jeter les peuples les uns contre les autres, de déclencher ce que Bush appelait « la croisade du monde occidental contre le monde musulman ».
Oui, les classes dirigeantes sont en « guerre intérieure et extérieure », comme nous le rappellent sans cesse Hollande et Valls, et cette guerre est dirigée contre les travailleurs et les peuples, de l’intérieur comme de l’extérieur ! C’est une guerre de classe que tous les gouvernants du monde mènent contre la classe exploitée du monde, contre les prolétaires. Ils espèrent ainsi détourner la colère des peuples et des masses populaires et la diriger contre nos frères, prolétaires des autres pays. A nous de ne pas nous laisser ainsi diviser, tromper, enrégimenter dans les nouveaux massacres fascistes et guerriers qu’ils nous préparent et de développer notre conscience de nos solidarités réelles, qui ne nous lient pas aux classes dirigeantes mais à nos frères prolétaires du monde.