lundi 19 janvier 2015, par
Le Canard Enchainé du 14 janvier rapporte comment « archi-connus et fichés, les tueurs n’étaient plus tenus à l’œil depuis six mois. »
Au moment même où le gouvernement déclare à qui veut l’entendre qu’il faut multiplier les contrôle contre le terrorisme, que les partisans de la guerre civile islamiste en Syrie veulent étendre la guerre à la France, les services secrets, les services spéciaux policiers de l’anti-terrorisme prennent la décision que les frère Kouachi n’ont plus besoin d’être surveillés ou suivis.
« Les services ont été désarmés », s’est plaint le ministre de l’Intérieur, le 12 janvier face aux parlementaires. Et, au jité de TF1, le 9 janvier, Manuel Valls reconnaît, lui, « des failles ». Béantes.
Les frères Kouachi ont disparu des écrans policiers depuis l’été dernier. Plus d’écoutes, plus de surveillance électronique, plus de filatures, rien…
Alors que les autorités politiques et judiciaires s’alarment des risques d’attentats, la surveillance des locaux de « Charlie Hebdo » est allégée. Peu après, deux individus déboulent rue Appert, où se trouvent les bureaux de l’hebdomadaire. Ils veulent connaître l’adresse exacte et interrogent à la volée, dans la rue, un voisin, journaliste à l’agence de presse toute proche. Le ton est menaçant. A tel point que ce confrère en réfère au commissariat du XIème arrondissement. Il décrit les individus, transmet l’immatriculation de leur voiture. Un procès-verbal est dressé…. Selon toute probabilité, ces deux visiteurs étaient bien Chérif et Saïd Kouachi. D’ailleurs, lorsque les menaces physiques et verbales s’étaient faites pressantes contre les journalistes de « Charlie Hebdo », sitôt la publication des caricatures de Mahomet, les deux frères figuraient au nombre des objectifs policiers. « Ils occupaient même le haut du panier de nos cibles », reconnaît un commissaire de l’antiterrorisme.
C’est qu’ils affichent un sacré pedigree… Le 14 mia 2008, Chérif est condamné à 3 ans de prison, dont 18 mois avec sursis, dans le dossier dit « de la filière des Buttes-Chaumont », véritable tour-opérateur des apprentis djihadistes pour l’Irak. En taule, ce jeune délinquant fréquente un théologien du djihad, Djamel Beghal. Il croise également un voyou tombé dans une affaire de stups : Amedy Coulibaly, celui-là même qui, les 8 et 9 janvier, de Montrouge à Vincennes, assassine cinq personnes.
Une fois dehors, l’un et l’autre vont rendre visite à plusieurs reprises, durant l’année 2010, au même Djamel Beghal, assigné à résidence dans le Cantal. Lequel, devenu leur père spirituel, est soupçonné par la police d’être le « chef d’une cellule opérationnelle ».
Avec ses disciples, Beghal organise les préparatifs de l’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, détaille le parquet dans un réquisitoire daté du 26 juillet 2013. Celui-ci n’est pas non plus un perdreau de l’année : artificier du GIA, il a été condamné à perpète après l’attentat du 17 octobre 1995 à la station de RER Musée-d’Orsay. Durant l’enquête, les flics de l’anti-terrorisme déboulent au domicile de Chérif Kaouchi, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) : ils y découvrent de nombreuses photographies vantant le djihad, des dizaines de plans, ainsi qu’une masse de clichés pédopornographiques….
Pas sûr que ça plaise au Prophète, si un jour il tombe sur les photos immondes que détenait, en 2010, Chérif Kouachi dans son ordinateur. Des photos de petits enfants, filles et garçons. On les voit se faire violer, en tous sens, par des adultes et pratiquer des fellations… Chérif Kaouchi passe cinq mois en détention provisoire, avant d’être libéré, sous contrôle judiciaire. Et, le 29 août 2012, il est interrogé par le juge d’instruction… Le Parquet de Paris se contente de transmettre à celui de Nanterre. Dont l’enquête ne donne rien. Aucun juge d’instruction n’est désigné. Affaire classée. Dommage, ces images ajoutent une touche charmante au personnage…
En 2011, malgré son contrôle judiciaire, Chérif prend des vacances méritées. A en croire les confidences de sa propre épouse, faites ces derniers jours, à la police judiciaire, il s’est alors rendu au Yémen.
Son ainé aussi. Selon les titres de transport, Saïd Kaouchi a séjourné à Oman entre le 25 juillet et le 15 août 2011. Les flics de l’antiterrorisme sont cependant convaincus qu’il ne s’est par arrêté au sultanat mais a rejoint, lui aussi, le Yémen voisin. Ils sont également persuadés qu’il n’a pas fait le voyage tout seul. Un certain Salim Benghalem l’accompagnait… Il se trouve actuellement en Syrie….
A leur retour de « vacances », les deux tueurs de « Charlie », eux, s’emploient à se fondre dans la masse. Ce qu’un grand flic nomme « une forme d’intégration déguisée ». Pas totalement dupe, la DCRI (future DGSI) « branche », à compter de nombre 2011, les deux futurs terroristes. Deux ans plus tard, ces interceptions de sécurité cessent : « Elles ne donnent rien », assure Bernard Suqarcini, alors patron du Renseignement… Au début de l’année 2014, la direction du renseignement de la Préfecture de Police de Paris (DRPP) prend le relais et place sous surveillance le domicile des frères Kouachi. Mais, en mai 2014, ils déménagent dans la région de Reims, hors des compétences territoriales de la DRPP. Ses responsables avisent aussitôt la DGSI. Une réunion de coordination est même organisée. En bonne logique administrative, la DGSI aurait alors dû sonner ses correspondants champenois. Cela n’a pas été le cas… »
Ici s’arrête notre citation de l’article du « Canard ».
Le dessin du Canard Enchainé
On peut se demander pourquoi ? N’est-ce pas que la DCRI était persuadée d’avoir là deux agents à elle, comme l’était sans doute Mohamed Merah, comme l’affirme le juge Trevidic ?
Comment la fiche des renseignements relative à Mohamed Merah, créée en 2006, a-t-elle pu disparaître le 30 mars 2010 pour réapparaître le 2 décembre 2011 ? Curieusement, l’homme était entretemps décrit par la DCRI comme quelqu’un de « fiable »selon un document classé secret-défense et consulté par Paris-Match. Un terme qui renvoie au jargon désignant un « indicateur », déjà en activité ou potentiel.
Des agents qui se sont finalement retournés brutalement….
En tout cas, les flics savaient que, s’il y avait un attentat à Charlie, c’était les deux frères !
Ils n’ont pas bougé pour autant.
Par contre, dès qu’on a annoncé un crime à Charlie, ils savaient dans l’instant qui c’était. Ils l’ont su tellement vite qu’il fallait justifier cette rapidité par la découverte d’une pièce d’identité dans un véhicule abandonné…
L’infiltration des milieux du banditisme, les flics le reconnaissent. L’infiltration par des agents doubles du terrorisme, ils ne la nient pas sans la reconnaitre…
En tout cas, en Syrie et en Libye, c’est plus que des agents doubles : les forces militaires françaises ont des alliés islamistes dans ces pays sous prétexte de combat contre des dictateurs !!! Criminels en France mais alliés ailleurs, comme c’est curieux…
Aux Etats-Unis, les frères Kouachi figuraient carrément "depuis des années" sur la liste noire du terrorisme américaine, a déclaré, sous couvert d’anonymat, un responsable américain, vendredi, confirmant une information du New York Times (en anglais). A ce titre, les noms de Said et Chérif Kouachi apparaissaient sur la fameuse "No Fly List", qui interdit à ceux qui y figurent de prendre des vols au départ ou à destination des Etats-Unis.
Pourquoi, alors, les services de renseignements français n’étaient-ils pas au courant ?
Ou bien étaient-ils parfaitement au courant mais croyaient-ils avoir fabriqué de parfaits agents doubles leur permettant de pénétrer les milieux islamistes et les surveiller ? Ils ne le diront certainement pas !
Comment est-il possible qu’un réseau terroriste repéré depuis longtemps (repéré depuis plus de dix ans par les autorités françaises, anglaises et américaines) ne soit plus du tout surveillé, au point que ses membres puissent voyager, au Yémen ou ailleurs dans des zones de combats, sans être remarqués, puissent s’acheter des gilets pare-balles et des armes de guerre sans susciter d’inquiétude particulière ?
Comment se fait-il que l’émir fondateur du réseau se retrouve en train de faire un stage d’aide-soignant alors que détenteur d’un casier judiciaire il ne pourra pas exercer dans la profession ?
Comment se fait-il que le ministre de l’intérieur, après une série d’attentats, puisse dire que les auteurs étaient « probablement surveillés », comme s’il existait une catégorie intermédiaire entre surveillés et pas surveillés ?
Comment se fait-il qu’un partisan du terrorisme intégriste, arrêté et accusé d’avoir comploté la libération de l’auteur des attentats à la bombe dans le RER, ne soit brutalement plus surveillé ? Comment se fait-il que son acolyte ne soit même pas poursuivi ? Comment se fait-il qu’un des auteurs des attentats, pris à partie par la foule soit immédiatement relâché par la police sans autre contrôle d’identité ni vérification des faits ? Se peut-il que, dans ces personnes, il y ait des agents doubles, des terroristes embauchés par les services spéciaux ?
L’identification des auteurs présumés de l’attentat soulève plus de questions qu’elle n’en résout. Cherif Kouachi en particulier est connu de la police et des services secrets en France et aux Etats-Unis. En 2005, le New York Times a rapporté qu’il avait été arrêté en France parce qu’il aurait essayé d’envoyer des Français en Irak combattre l’occupation américaine. Condamné sur des accusations de terrorisme en 2008, il a écopé d’une peine de trois ans pour avoir prétendument tenté d’envoyer des musulmans français en Irak. A l’époque, il a dit à l’Associated Press qu’il avait été poussé à agir par des images de torture à la prison américaine à Abu Ghraib.
Kouachi a passé 18 mois en prison ; après, il est resté sous la surveillance étroite des services secrets français. L’Etat français devra expliquer comment un pareil individu, s’il est avéré qu’il était en fait le tireur qui a dirigé l’attaque, a pu obtenir un lance-grenades et des kalachnikovs, puis organiser une attaque professionnelle et mortelle au coeur de Paris, sans se faire détecter...
Le contre-espionnage français (DCRI) peut-il commettre des bavures, consistant à croire manipuler des terroristes et être manipulés ou lâchés ensuite par eux, et peut-il cacher ensuite ses erreurs en les faisant passer pour de simples attentats ?
Mohamed Merah agent double ? C’est l’avis du juge d’instruction antiterroriste Marc Trévidic, mais pas celui du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, qui n’est pas favorable à la déclassification de certains documents estampillés confidentiel-défense. Vendredi, le magistrat de la galerie Saint-Éloi a lancé un pavé dans la mare sur le blog de Frédéric Helbert, un journaliste d’investigation spécialiste du renseignement. "Ils (les agents de la DCRI, NDLR) ont tenté un coup particulier, risqué, mais qui à leurs yeux valait la peine et qui aurait pu se montrer gagnant. Ils ont tenté de recruter [Mohamed Merah], tout simplement. De faire une infiltration. D’en faire un agent double." C’est la première fois qu’un membre d’une autorité prend publiquement une telle position, aux antipodes de celle de l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini.
Le 20 septembre 2012, lors de son audition devant les juges d’instruction chargés du dossier Merah, l’ex-patron de la DCRI avait affirmé, pour démontrer que ses services n’avaient pas tenté de retourner Mohamed Merah, qu’une "veille opérationnelle" sur "le tueur au scooter" avait été effectuée après son débriefing, en novembre 2011, par des agents toulousains du renseignement intérieur qui l’entendaient à propos de son séjour au Pakistan. Pour récupérer les informations recueillies lors de cette "veille", les magistrats antiterroristes ont réclamé, le 5 octobre dernier, au ministre de l’Intérieur Manuel Valls de nouvelles déclassifications de documents de la DCRI.
Selon une enquête publiée sur le site McClatchy, un ancien agent des services secrets français, dont l’identité n’a pas été rendue publique, opérerait désormais dans les rangs du groupe terroriste fondé par Oussama ben Laden. Il aurait même été parmi les cibles de la première vague de frappes aériennes menée par les Américains le mois dernier en Syrie. Les États-Unis avaient alors frappé huit positions tenues par Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda. Mais l’agent aurait survécu à l’assaut, qui comprenait le lancement de quarante-sept missiles de croisière.
L’ancien patron de la DGSE n’exclut pas pour autant la piste d’une désertion. "Un certain nombre d’agents ont été affectés au soutien des rebelles syriens modérés. Il y en a toujours un qui peut avoir pété les plombs avant de passer à l’adversaire. Ce serait une première depuis la guerre d’Algérie."
Une première ? Ou la quatrième fois avec Merah et les deux frères Kouachi ?
Il y a sans doute bien plus de bavures des services secrets qu’on ne le croit. Le Canard publiait le 30 décembre 2014 (p.3) un article intitulé " La dernière ballade d’un danger public " comment un individu surveillé et considéré très dangereux par la DGSI, "susceptible de commettre un attentat", a échappé à sa surveillance dans Paris, alors qu’il n’aurait " jamais du quitter son domicile ".
Sur Arte, le 23 mars 2012, un journaliste du Figaro, Yves Tréad, nous apprend que Mr Merah avait le tampon d’un visa d’entrée pour ISRAËL !!!
Sur la plateau se trouvait un membre de la DCRI, Yves Bonnet.
Sachant que Merah a aussi séjourné en Syrie, au Pakistan, en Afghanistan, le journaliste en déduit qu’il avait deux passeports.
Qui peut circuler avec deux passeports, tout en étant suivi par les services d’espionnages français ?
Sachant que Mr Merah était en contact direct avec la DCRI, d’après un autre journaliste du nouvel observateur, il nous apprend que Mr Merah lors de son séjour en Pakistan, avait téléphoné à la DCRI pour leur dire ou il se trouvait et leur dire quand il rentrait précisément. Il aurait été repéré comme un agent par son comportement, par très islamique, et à chaque fois n’est pas resté plus de 15 jours.
Le responsable de la DCRI confirme que Merah est bien rentré à la date convenue.
Tous ces éléments laissent clairement entendre que Mr Merah était un jeune informateur de la DCRI, corroboré par sa conduite, il sort en boîte de nuit, boit de l’alcool et se livre à des rodéos pour épater ses copains, violente sa voisine qui porte plainte et n’est pas inquiété par la police et la justice !!!
On s’interroge alors. Un responsable de la DCRI vient donc révéler au grand public que Mr Merah a le prototype classique d’un informateur au sein de la mouvance fondamentaliste !
Allons-nous apprendre un de ces jours que les frères Kouachi ont appris à tirer sur ordre de la DGSI pour devenir ses agents doubles et se sont entraînés en faisant un carton sur la rédaction de Charlie Hebdo ?
Les justifications données pour avoir arrêté de surveiller les frères Kouachi sont lacunaires. Officiellement, selon des informations policières, judiciaires et gouvernementales recoupées, « la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) a refusé de prolonger en juin 2014 ces écoutes réclamées par la DGSI parce que le contenu des conversations ne laissait rien apparaître de suspect en rapport avec le motif de risque d’atteinte à la sûreté de l’Etat invoqué ». Un officier résume la position de la CNCIS : « C’est calme, donc ce n’est pas légal, alors on arrête. »
Le cas d’Amedy Coulibaly, relâché en mai et sans surveillance de la police depuis lors, révèle une attitude curieuse de la DGSI ou une apréciation selon laquelle elle avait retourné le terroriste.
Le criminologue et spécialiste du terrorisme Alain Bauer estime que « les services de renseignement ont fait leur travail mais se sont fait avoir »...
Le minimum que l’on puisse dire, c’est que dans cette affaire dire que les services policiers ont été des héros est notoirement insuffisant : il faudrait dire soit qu’ils ont été des zéros soit qu’ils sont des manipulateurs de génie, capables de retourner tout le climat social et politique pour retourner une situation de crise sociale en période d’unanimité nationale...
Comment des individus connus et surveillés sont devenus des assassins professionnels équipés et armés ?
Est-ce qu’il l’aurait aidé à se faire embaucher par son petit copain Squarcini ?
Théorie du complot ?
Non ! Il n’y a pas besoin d’une « théorie du complot ». Il suffit de penser que la bourgeoisie mène une politique face à la classe ouvrière et aux milieux populaires, politique consistant à diviser ses adversaires dans la situation critique de crise mondiale et à penser que les méthodes policières font partie des moyens d’action d’un Etat au service des classes dirigeantes !