samedi 5 juillet 2014, par
Boko Haram, force armée fasciste sous couvert de religion
Travailleurs du pétrole
Grève générale
A lire la presse, on pourrait penser que tout ce que la planète compte de puissances, d’Etats, de services de sécurité est mobilisé pour dénoncer et mener la lutte contre les terroristes qui enlèvent 200 lycéennes au Nigeria, les torturent, les esclavagisent ou les tuent, en prétendant agir au nom de l’Islam ! Rassurez-vous, si les lycéennes n’ont toujours pas été retrouvées, ce n’est pas à cause de la totale incompétence des services de sécurité mondiaux mais parce qu’ils ne sont nullement mobilisés par cette affaire. Au contraire même, ils comptent bien la laisser traîner pour s’en servir, comme on va le voir….
Non seulement les lycéennes enlevées le 14 avril 2014 n’ont pas été retrouvées, même si on a prétendu les avoir une fois localisées, mais d’autres lycéennes ont été enlevées et des populations tuées, blessées, martyrisées, sans aucune intervention des forces de l’ordre, une fois encore prévenues à l’avance et inutilement. A noter également que jamais les chefs d’Etat, qui ont fait semblant de s’émouvoir, n’ont noté cette absence de la police et de l’armée aux côtés des populations et n’ont critiqué l’Etat du Nigeria. Vous avez dit bizarre…
Tout d’abord, il faut rappeler que les forces de l’ordre du Nigeria, qui sont restées totalement inactives lors du rapt, avaient été prévenues plusieurs heures avant l’attaque et qu’elles n’ont rien fait. Elles sont bien connues pour ne jamais intervenir quand les populations sont menacées par ce groupe terroriste. Là encore, ne vous inquiétez pas : ce n’est pas un manque de moyens. L’armée du Nigeria est une des plus fortes d’Afrique et le pays un des plus actifs sur le plan économique, même si la région concernée est déshéritée et laissée à l’abandon (on verra dans la suite que cela a un lien avec la montée fasciste-terroriste). Le sous-sol est riche en ressources naturelles parmi lesquelles le pétrole et le gaz constituent la principale source de revenu du pays. Le pays est le premier producteur d’or noir d’Afrique. Le Nigeria produit également un certain nombre de métaux (étain, fer, plomb, zinc…) ainsi que du charbon. Mais la richesse est monopolisée par des classes dirigeantes du sud du pays et le nord est laissé à l’abandon. L’essentiel des revenus tirés de l’exploitation du pays le quittent chaque année pour être stockés à l’étranger. Les riches du Nigeria paient extrêmement peu d’impôts par rapport aux bénéfices énormes réalisés. Leur fortune est quasi exclusivement investie hors du pays… Le niveau de vie moyen est, au Nigeria, dans la moyenne des pays d’Afrique alors que le PIB du Nigeria en fait l’un des pays les plus riches du continent.
Mais, surtout, il convient de rappeler qu’il y a un lien entre ce groupe terroriste et les classes dirigeantes locales, celles de l’Etat de Borno (l’Etat car le Nigeria est une fédération de 36 Etats). Ce sont des riches hommes d’affaire du Borno, richissimes bien que dans un Etat extrêmement pauvre, qui ont financé et aidé la bande de terroristes de Boko Haram.
Le chef de cet Etat, le sultan de Borno, Alhaji Umar Garbai lui-même, est dans le coup. Or, il est actuellement le chef attitré des Etats musulmans du Nigeria (le « National Hajj Commission of Nigeria ») ! Les attaques terroristes de Boko Haram, qui se sont poursuivies avec d’autres meurtres massifs dans la même région et d’autres enlèvements de jeunes filles, ne visent pas seulement à terroriser les populations mais à déstabiliser l’équilibre du pouvoir.
Quant au chef de l’Etat de la fédération du Nigeria, Goodluck Jonathan, il évite tout simplement de parler de Boko Haram et même de l’affaire des lycéennes ! Il s’occupe de tout sauf de cela…
Une fois encore, l’apparition et le développement d’un groupe fasciste n’est pas indépendante de la crise économique, sociale et politique de la domination des classes dirigeantes. C’est en 2002 que le mouvement intégriste musulman « Boko Haram » est née à Maiduguri, dans l’Etat du Borno. Tout est parti de groupes de jeunes un peu violents, dirigés par Mohamed Yusuf, et développant une démagogie anti-occidentale, dénonçant la culture occidentale, les élites et les mœurs occidentales. Le mouvement refuse l’éducation occidentale : « Boko Haram » signifie que lire des livres est pêché. Preuve du caractère purement démagogique de l’idéologie du mouvement : Yusuf roule en Mercédès, utilise des téléphones portables, lance des activités commerciales comme une compagnie de motos-taxis. Et surtout, la secte qui dénonçait les élites, les corrompus et les profiteurs est devenue leur auxiliaire, une force supplétive dans les affrontements sociaux et politiques comme dans les campagnes électorales. En 2006, Mohamed Yusuf fait l’objet d’une enquête pour activités supposées illégales, mais l’instruction est abandonnée. Il est arrêté à plusieurs reprises, notamment le 13 novembre 2008, pour « rassemblements illégaux » et « troubles à l’ordre public », mais relaxé sur décision de la cour.
Lorsque Yusuf est devenu un prédicateur musulman important de Maiduguri, le sénateur Ali Modu Sheriff s’est lié à Yusuf pour se faire élire sénateur de Borno. Après la mort de Yusuf en 2009, son successeur Abubakar Shekau se manifeste sur YouTube, pourtant un symbole médiatique occidental. Cette bande disciplinée et organisée s’est mise à travailler avec des politiciens du nord du Nigeria.
Le 26 juillet 2009, une nouvelle série de violences débute après une attaque simultanée des islamistes dans quatre États du nord du Nigeria (Bauchi, Borno, Yobe et Kano). Le gros des combats oppose les troupes gouvernementales aux membres de l’organisation à Maiduguri et dure cinq jours (l’armée n’est intervenue qu’au bout du quatrième jour après avoir constaté l’inefficacité de la police ; ainsi les combats contre l’armée n’ont pas duré plus d’une journée ; ce sont ceux contre la police qui ont duré cinq jours). Après l’échec de leur insurrection, d’août 2009 à août 2010, et l’assassinat de sont leader, de nombreux membres de Boko Haram se sont enfuis au Niger et au Tchad, la secte reste discrète et se réorganise en secret à Maiduguri, dans la région de la forêt de Sambisa. En septembre, elle refait surface de façon spectaculaire en prenant d’assaut la prison de Bauchi réussissant à libérer 700 prisonniers dont 150 adeptes.
L’organisation salafiste et terroriste Boko Haram est devenue une force reconnue et crainte dans tout le Nigeria en août 2011 quand le mouvement a lancé une action terroriste dans la capitale de la fédération du Nigeria, Lagos.
Noël 2010 est l’occasion d’intensifier la lutte contre les chrétiens, attaques, incendies et assassinats ciblés font plusieurs dizaines de morts, notamment un attentat à Jos faisant à lui seul quatre-vingts victimes. Depuis, le caractère anti-chrétien du mouvement a été largement développé : attaques de villages chrétiens, d’églises et d’écoles chrétiennes avec enlèvements et assassinats. Les deux principales religions sont le christianisme et l’islam, réparties à part presque égales de la population totale. Le Nord du pays est à majorité musulmane tandis que le Sud est à majorité chrétienne.
La volonté affichée du gouvernement à partir de juillet 2011 de négocier avec Boko Haram n’empêche pas celle-ci de poursuivre la lutte armée et de revendiquer l’attentat kamikaze contre la représentation des Nations unies à Abuja le 26 août 2011 au cours duquel 18 personnes trouvent la mort.
Les nombreuses attaques de Boko Haram, essentiellement dans le nord du Nigeria et contre des chrétiens, ont fait plus de 1000 morts depuis la mi-2009.
Si le mouvement Boko Haram a pu aisément recruter, c’est grâce à l’existence de masses petites bourgeoises révoltées du nord du pays qui ne bénéficient d’aucun développement et voient leur avenir bouché et c’est aussi grâce à l’aide financière des bourgeoisies du nord du Nigeria qui veulent obtenir une part plus grande des profits pétroliers réalisés au sud et une part plus grande du pouvoir politique fédéral.
Le Nigeria est aujourd’hui, et de loin, le pays le plus peuplé d’Afrique avec une population évaluée à plus de 100 millions d’habitants sur un territoire qui couvre un peu moins du double de surface que la France. Situé sur le Golfe de Guinée, sur la côte ouest de l’Afrique, il a échappé, contrairement à la plupart de ses voisins, au morcellement résultant des rivalités entre empires coloniaux, et cela essentiellement parce que pendant plus d’un siècle il fut le territoire privé d’une puissante compagnie britannique, la Royal Niger Company, plus connue aujourd’hui sous le nom d’Unilever. Les classes dirigeantes ont cependant morcelé ce pays en petits morceaux confiés chacun à des chefs ethniques et religieux et des féodaux bourgeois divers. L’arriération actuelle de la bourgeoisie mondiale est tout entière dans cette construction étatique et sociale du Nigeria. La bourgeoisie actuelle n’a plus rien de progressiste. Elle ne vit que de multiplication des oppressions et des oppresseurs....
Mais, au-delà de ces particularités locales, essentiellement il faut que la situation du Nigeria nous éclaire : plus les classes dirigeantes vont être aux abois, dans n’importe quel coin du monde, plus elles vont lancer leurs chiens enragés, affoler les populations et les jeter les unes contre les autres pour éradiquer les risques de révolution sociale par des guerres civiles fratricides qui n’auront rien de spontané. La classe ouvrière est une très grande force au Nigeria et c’est bien ce que craint le régime au moment où, du fait de la crise mondiale, l’Etat et les classes dirigeantes sont appauvries et affaiblies. Les travailleurs ont maintes fois montré leur force dans ce pays, par exemple lors des deux mois de grève générale de 1994 contre la dictature d’Abiola. Ce sont les travailleurs qui peuvent offrir une autre perspective que les bains de sang que préparent les classes dirigeantes !
Les classes dirigeantes vivent sur une tonne d’or (notamment grâce et l’exploitation du pétrole) et c’est le deuxième pays le plus riche de l’Afrique et, en même temps, l’un des plus pauvres. Seul son produit intérieur brut (PIB) par habitant le situe dans la moyenne africaine, mais il reste largement en dessous du niveau d’avant l’indépendance. Environ deux tiers de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté absolue (1 $ par jour), contre 43 % en 1985.
Mais cette pauvreté signifie aussi pour les classes dirigeantes un risque social énorme car les travailleurs peuvent être les premiers d’Afrique à lancer la lutte révolutionnaire pour le pouvoir. C’est cela qui pousse ces classes dirigeantes à créer un dérivatif violent ethnique et religieux.
Il n’y a qu’une alternative : socialisme ou barbarie et la situation nécessite qu’une issue soit trouvée de manière urgente ! Quand on est face à un chacal qui a faim (et les classes dirigeantes nigérianes sont toujours prêtes à en croquer), c’est ou lui ou vous... Assez écouté les faiseurs d’arrangements, de "solutions" négociées. Les travailleurs doivent absolument se défaire de cette classe dirigeante. C’est une question de vie ou de mort. Et ils ne pourront que déclencher la révolution socialiste à l’échelle du continent tout entier. Ce sera certainement dur mais c’est la seule perspective viable...