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D’où vient et où va le Laos ?

vendredi 6 juillet 2012, par Robert Paris

D’où vient et où va le Laos

Comme bien des pays d’Asie, le Laos subit encore un régime stalinien issu de l’après guerre et de l’après guerre d’Indochine qui se revendique à la fois de la dictature du parti unique prétendument communiste et de l’ouverture au capitalisme, sur le modèle de la Chine et du Vietnam. Mais le Laos le fait avec encore plus de retard que les pays précédemment cités car il est bien plus pauvre.

Il faut rappeler que les mouvements staliniens qui se sont développés pendant la dernière guerre mondiale en Asie n’avaient rien de commun avec la lutte du prolétariat communiste. Ils ne se sont jamais appuyés sur la classe ouvrière, bien au contraire, et leur combat n’a été rien d’autre qu’une guerre de guérilla menant à une dictature militaire. Leur pouvoir était foncièrement anti-ouvrier. Ils se situaient durant la guerre dans le camp de la bureaucratie du Kremlin mais aussi dans le camp des impérialismes anglais et américain (Lire ici), ce qui est loin d’être révolutionnaire. Leur pérennité provient de la politique des blocs voulu par l’impérialisme et par la faiblesse de la bourgeoisie locale. L’évolution actuelle vers le capitalisme montre que leur politique stalinienne n’avait rien d’anti-capitaliste.

Le Laos n’est pas un pays d’Asie dont on entend beaucoup parler dans les pays occidentaux. Les Français ont beaucoup entendu parler du Vietnam et très peu du Laos qu’ils ont pourtant occupé, exploité, assassiné aux mêmes époques… Parce que le Laos, c’était encore un cran en dessous dans l’horreur coloniale…

Ancienne colonie de la France, cet impérialisme y faisait la pluie et le beau temps, et plutôt la pluie que le beau temps… C’était l’une des plus misérables des anciennes colonies françaises et des plus durement exploitées. Il en est résulté une arriération du pays et un défaut de développement à la fois de la classe ouvrière et de la bourgeoisie laotienne. L’exploitation, pour y avoir pris des formes archaïques et féodales, essentiellement campagnardes et paysannes, n’a pas été moindre ni moins violente. Et la domination des Blancs a été marquée dans le sang et la honte.

En voici un compte-rendu par le révolutionnaire Barta :

« En occupant le pays, ils ne l’ont pas élevé en bloc à un niveau de vie et de culture supérieur. Bien au contraire, ils ont pris sous leur protection et se sont appuyés sur la couche exploiteuse indigène la plus haïe et la plus rétrograde : la féodalité, toute puissante chez les peuplades arriérées du Laos et du Cambodge, et dont les restes, en pays annamite, ont été préservés de la liquidation complète par l’administration française.

Directement et par son intermédiaire, les capitalistes français pressurent et écrèment le pays de ses richesses. Les bénéfices qu’ils en extraient sont tels qu’il leur est possible de céder des "miettes" importantes à cette mince couche indigène privilégiée dont ils ont fait une bande de gouverneurs, d’administrateurs et de fonctionnaires-bureaucrates, valets de l’impérialisme, formant ce qu’on appelle le mandarinat.

En qualité de mandarins, ils défendent les intérêts de leurs puissants maîtres et soutiens, et leurs intérêts propres, ceux des propriétaires fonciers.

La classe laborieuse indochinoise se trouve ainsi doublement exploitée, l’exploitation capitaliste sans frein venant s’ajouter à l’exploitation terrienne féodale. Aussi, comme celle de tous les autres peuples coloniaux, a-t-elle un standard de vie bien inférieur au minimum vital.

Ainsi un ouvrier agricole ne gagne qu’un litre de riz ou 1 franc par journée de travail de 12 heures – rien de plus, sauf un "repas" à midi pour chaque journée de travail effective, et un lopin de terre avec une habitation misérable fourni par le propriétaire.

Le paysan ne peut tirer de l’exploitation de sa parcelle de quoi se nourrir et se vêtir, s’il veut payer ses impôts : impôt individuel de 35 frs, ce qui représente un mois de travail, impôt sur le "revenu", taxe sur chaque pied de tabac, sur chaque oranger, etc... qui frappe d’autant plus lourdement l’exploitation agricole qu’elle est plus petite. Et s’il survient une inondation (assez fréquente dans le delta tonkinois), si la récolte est ravagée, mais que la bicoque ne s’en aille pas complètement à l’eau et que son buffle (le cheval en France) lui reste, il faudra que le petit paysan trime encore plus dur pour payer quand même ses impôts, pour éviter la perquisition, la confiscation de ce qui lui reste ou l’emprisonnement.

La situation des ouvriers n’est pas moins terrible. Ceux des plantations de caoutchouc, thé et café, sont pour la plupart nourris et logés par les patrons dans la dépendance complète desquels ils sont ainsi placés. La maladie les frappe d’autant plus durement que les régions de plantations sont de climat très dangereux, surtout pour des travailleurs sous-alimentés.

L’ouvrier d’usine spécialisé gagne de 5 à 10 frs par jour mais il y en a bien peu. La plupart sont des ouvriers non spécialisés dont le salaire ne dépasse pas 2,50 à 3 frs maximum par jour. Quant à l’ouvrière, avec 1,50 fr par journée de travail de plus de 10 h, elle doit pour vivre chercher à compléter ce salaire dérisoire. Hanoï, capitale du Tonkin, est ainsi renommée... pour sa place au 4ème rang dans le monde, dans le "domaine" de la prostitution ! Voilà la civilisation colonisatrice à l’œuvre...

Mille extorsions s’abattent sur la population, dont les plus connues sont peut-être celles découlant de la régie du sel et de celle de l’alcool. »

Durant la deuxième guerre mondiale, le peuple laotien, comme les autres peuples indochinois, a découvert qu’un peuple asiatique n’était pas fatalement soumis aux colons blancs occidentaux : la victoire des Japonais l’a démontré et les peuples ne l’ont plus oublié ensuite malgré la défaite japonaise. Celle-ci a marqué le lancement des guérillas menées par les nationalistes et staliniens unis. Ces luttes, menées essentiellement depuis le Vietnam, ont eu les mêmes répercussions au Laos : affrontements contre la France puis les USA. Le prolétariat des villes, surtout au Vietnam avait eu un premier mouvement révolutionnaire fondé sur des conseils de travailleurs, mais celui-ci a vite été réprimé conjointement par l’impérialisme et les guérillas nationaliste et stalinienne. Face aux prolétaires, tous ces adversaires étaient unis, des royautés aux impérialismes et des staliniens aux pro-impérialistes !

En 1941, la Thaïlande, alliée du Japon, impose à la France, après un conflit armé, de céder les territoires à l’ouest du Mékong. Jusqu’en 1945, l’Indochine française est peu touchée par les combats, mais, lorsque les Japonais prennent conscience qu’ils vont perdre la guerre, ils cherchent à empêcher le retour des puissances coloniales européennes et, après avoir maîtrisé les troupes françaises, favorisent l’indépendance des pays de l’Indochine française. Le roi Sisavang Vong, fidèle à la France, refuse tout d’abord de proclamer l’indépendance, avant de s’exécuter sous la pression le 8 avril 1945. Après la défaite japonaise, le premier ministre, le prince Phetsarath Rattanavongsa, renverse le roi pour tenter de maintenir l’indépendance et empêcher le retour des Français. Mais l’avancée progressive des troupes françaises sur le territoire laotien entraîne la chute du gouvernement Lao Issara (Laos libre) de Phetsarath. En 1946, les Français donnent au Laos l’autonomie au sein de l’Union Française, et font du pays un État centralisé, le Royaume du Laos (deux royaumes restant unis, Champassak et Luang-Prabang). Si une partie des indépendantistes, satisfaits de l’autonomie accrue accordée par la France en 1949, abandonnent alors la lutte, le prince Souphanouvong, étroitement lié au Việt Minh, le refuse. Son demi-frère Souvanna Phouma, devient, lui, premier ministre en 1951. Le mouvement de Souphanouvong, le Pathet Lao, étend peu à peu ses bases sur le territoire du royaume durant la guerre d’Indochine. En 1953, le pays est envahi par les troupes Việt Minh et en état de guerre civile : le Pathet Lao parvient en outre à se faire reconnaître à la table des négociations lors des accords de Genève.

Finalement, la guerre froide a marqué la région, l’impérialisme américain ayant choisi de considérer les régimes chinois et russe, ainsi que tous les régimes de l’est ou d’Asie qui étaient liés, comme des dangers mortels…

Le Laos a donc fait partie d’un ensemble de pays comme Vietnam, Cambodge, Birmanie qui ont connu une domination nationaliste anti-américaine suite à la guerre d’Indochine où les USA ont quitté vaincus. Il en est sorti des régimes nationalistes à coloration rouge, en fait des dictatures politiques avec parti unique, syndicat unique, aucun droit politique ni syndical pour les travailleurs…

Mais le départ de l’impérialisme ne s’est pas fait tranquillement ni pacifiquement !

Au mois de juin 1962, un gouvernement d’union nationale est mis en place au Laos. Le pays demeure cependant partagé : au sud, les forces anticommunistes et neutralistes, au nord, le Pathet Lao, c’est-à-dire la guérilla nationaliste et stalinienne. À cette époque, la politique américaine dans la région consiste à garantir la « neutralité » du Laos et du Cambodge, tout en défendant activement le Sud Viêt Nam et la Thaïlande. En 1962, le président Kennedy conclut un accord avec le Nord Viêt Nam, stipulant le retrait de l’armée populaire vietnamienne et de l’armée américaine du pays.

Les États-Unis se retirent mais pas le Nord-Viêt Nam, et la piste Hô Chi Minh, qui traverse le Laos dans les zones contrôlées par le Pathet Lao, est de plus en plus utilisée pour alimenter l’effort de guerre au Sud Viêt Nam. En 1963, le Pathet Lao lance une offensive qui lui donne le contrôle d’une grande partie de l’est et du nord-est du pays. Les États-Unis renoncent à engager des forces régulières mais ils intensifient leurs activités clandestines au Laos. Des équipes des Special Forces s’infiltrent dans le sud du pays ; et la CIA entreprend d’armer les tribus montagnardes laotiennes, notamment les Hmongs. Souvanna Phouma, à nouveau premier ministre à partir de 1963, tente difficilement de maintenir la neutralité du Royaume du Laos, qui n’en demeure pas moins pris dans sa propre guerre civile, elle-même conflit annexe de la guerre du Viêt Nam.

Pendant ce temps, les bombardements prennent une ampleur grandissante provoquant un désastre, notamment dans la plaine des Jarres (où la Piste Hô Chi Minh ne passe pas). De 1964 à 1969, les États-Unis déclenchent Rolling Thunder, une opération de bombardements intensifs. Le conseiller militaire et journaliste Fred Branfman a dénoncé avec virulence la violence inutile de ces attaques dans son livre Voices from the Plain of Jars : Life under an Air War, 1972. Il a avancé le nombre de plus de 500 000 raids, soit une attaque toutes les 8 minutes pendant 9 ans. Selon les Pentagon Papers, le Laos aurait subi plus 500 attaques aériennes par mois.

La guerre civile laotienne continue jusqu’en 1973, opposant les troupes du gouvernement royal et les miliciens Hmongs soutenus par les États-Unis à la rébellion stalinienne soutenue par le Viet Cong et le Nord Viêt Nam. Un cessez-le-feu est déclaré le 22 février 1973. Le 5 avril 1974, un gouvernement d’union nationale toujours présidé par le neutraliste Souvanna Phouma, mais incluant les « communistes » du Pathet Lao, voit le jour. En 1975, après avoir étendu son contrôle en profitant notamment de la mauvaise santé de Souvanna Phouma, le Pathet Lao réalise un coup de force et prend le pouvoir. Le roi Savang Vatthana et la reine Khamphoui abdiquent le 2 décembre 1975. Le roi, la reine et l’héritier du trône meurent dans un camp d’internement.

Le prince Souphanouvong, fils du dernier vice-roi, le Prince Bounkhong, devient grâce aux staliniens, chef de l’État et Kaysone Phomvihane, secrétaire général du Parti révolutionnaire populaire lao, et aussi premier ministre. La République démocratique populaire lao (RDPL) est créée, avec un régime de parti unique, provoquant entre 1975 et 1987 l’exil d’environ 400 000 personnes, soit 10 % de la population. L’alliance, voire la dépendance, du nouveau pouvoir vis-à-vis du Viêt Nam voisin est étroite. Une période de coopération avec l’URSS est suivie à partir de 1989 d’une volonté d’ouverture à l’économie moderne et d’intégration régionale.
Le pays a normalisé ses relations avec les pays voisins comme la Thaïlande, s’est ouvert au tourisme et a lancé un grand nombre de projets à vocation régionale (ponts, routes, centrales hydro-électriques et réseaux électriques). Il est membre de l’ASEAN depuis 1997.

Le Laos s’est donc lancé dans un capitalisme à la vietnamienne et à la chinoise, surexploitant une classe ouvrière très mal payée, sous la houlette d’un parti stalinien dictatorial. Lancer des productions à prix bas a

Mais le Laos est bien moins outillé pour décoller que la Chine, bien sûr, mais aussi que le Vietnam ou la Birmanie.

Un démarrage économique sérieux ne peut être envisageable sans le développement des infrastructures actuellement axé sur le réseau routier et les télécommunications. L’ensemble du réseau d’infrastructures reste cependant modeste : presque pas de réseau téléphonique, peu de routes, pas de chemin de fer, la ligne Bangkok/Vientiane s’arrête à la frontière lao/Thai (Thanaleng).

Le Laos s’est ouvert en 1986 aux « nouveaux mécanismes économiques ». Le Code des Investissements a été promulgué dans la foulée en 1988, suivi du premier Programme d’ajustement structurel adopté en 1989 avec le soutien du FMI et de la Banque mondiale. Les investissements étrangers restent modestes et se portent sur les métiers du tourisme (hôtellerie, restauration, les services) si l’on excepte les grands projets comme le barrage hydroélectrique de Nam Theun 2, dont Électricité de France est l’un des principaux partenaires. Une bourse des valeurs, la bourse de Vientiane, a ouvert en octobre 2010 ; elle a commencé ses cotations en 2011.

La stabilité macroéconomique en termes de change et d’inflation semble se maintenir et le Laos bénéficie actuellement de l’assistance technique de la Banque asiatique de développement (ADB) pour entreprendre les réformes du secteur bancaire. Le revenu par habitant est de 300 dollars. Le Laos est un des pays les plus pauvres du monde. L’aide internationale assure 10 % du PIB en 2009.

Toutefois, le sous-sol du Laos est très riche en matières premières (charbon, zinc, cuivre) et le secteur minier contribue à plus de la moitié des exportations totales. La foresterie, les terres agricoles, l’hydroélectricité et les minéraux représentent plus de la moitié de la richesse totale du Laos. Le tiers de la croissance économique du pays entre 2005 et 2010 s’est appuyée sur l’hydroélectricité et les mines.

Le gouvernement du Laos a décidé de suspendre jusqu’à fin 2015 les concessions de terre pour des projets miniers et l’hévéa...

En 2005, un petit groupe minier, une junior, découvrait un beau gisement de cuivre et d’or à Sepon dans le centre du Laos. Depuis, le Laos est devenu une sorte d’eldorado minier, d’autant qu’il regorge aussi de gypse, de potasse, de charbon, de fer, de saphirs et autres pierres précieuses. Un eldorado, avec toute la liberté qu’offrait le Far West américain au XIXe siècle, mais cette fois, dans le Far East.

A l’opposé de ce qui se pratique dans les pays voisins, Cambodge et Vietnam, où il est très difficile pour les investisseurs étrangers d’exploiter des gisements ou des plantations agricoles, les autorités de Vientiane n’ont jamais été très regardantes sur les concessions autorisées dans le pays. Des concessions aux sociétés australiennes, mais surtout aux compagnies des pays voisins. La Thaïlande, le Vietnam et la Chine prennent un peu le Laos pour leur réserve personnelle de ressources naturelles et de main-d’œuvre bon marché. Ils y font en particulier l’acquisition de terres par centaines de milliers d’hectares pour y planter de l’hévéa et produire du caoutchouc.

Les études d’impact social et environnemental sont quasi-inexistantes ; les autorisations sont octroyées de manière anarchique à la fois par l’Etat, les provinces et les districts. Avec à l’arrivée un imbroglio foncier qui crée des conflits avec les communautés villageoises. Sans compter que certains investisseurs accaparent des surfaces pour y geler ensuite toute activité.

Le gouvernement de Vientiane a déjà monté le ton, sans mettre en œuvre ses menaces de moratoire des investissements étrangers. Le nouvel avertissement sera-t-il suivi des faits ? La Banque mondiale est en tout cas venue rappeler la veille au Laos, qui fait partie des pays les moins avancés, que son aide était conditionnée à une gestion durable des ressources du pays.

Adhésion à la zone de libre-échange de l’Asean, accession à l’OMC en 2013, réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015, sortie de la catégorie des PMA d’ici 2020 : les objectifs définis par le 7e plan quinquennal de développement socio- économique du Laos confirment son choix d’une économie ouverte et intégrée dans la région et dans le monde. Il mise sur son positionnement stratégique et ses ressources naturelles qu’il négocie en octroyant des concessions sur les mines, les terres, les ressources hydriques. Petit pays enclavé, sous-peuplé (six millions d’habitants), le Laos est attractif pour les investisseurs, notamment des pays voisins (Vietnam, Chine). Illustration de cette ambition, le Laos accueille le 9e sommet Asie Europe (Asem), avec pour slogan Friends for Peace, Partners for Prosperity. Mais cet essor économique s’accompagne aussi d’inégalités, d’injustices et de risques non négligeables. Le Laos, qui souhaite devenir la « batterie du Sud-est asiatique », prend le risque de mettre en péril les ressources halieutiques et la sécurité alimentaire de ses populations. Les concessions et la promotion du « agriculture contractuelle », système de contrat entre une entreprise agroalimentaire et un agriculteur parfois imposé par les autorités locales, présentent un risque élevé de fragilisation et de désappropriation des villageois. L’accès et la consolidation des droits des villageois au foncier et aux ressources naturelles constituent des défis de taille.

Alors que 80% de la population dépend de produits forestiers (alimentation, énergie, artisanat), les forêts ne couvrent plus que 40% du territoire contre 70% en 1940. En cause : le développement des concessions et des plantations agro-industrielles et l’agriculture sur défriche-brûlis, qui perdure par absence d’alternatives proposées aux communautés rurales, progressivement dépossédées de leurs droits sur les forêts et sur les terres. Pourtant, gérées durablement et articulées avec des filières commerciales stables, les forêts naturelles constituent une source pérenne de revenus pour les villageois. Le Gret appuie la mise en œuvre de la stratégie provinciale de développement du secteur bambou de la Province de Houaphan dans 40 villages de trois districts. Il a testé une méthode participative d’élaboration de plans d’utilisation de sols (PUS), et neuf villages ont désormais des plans de gestion forestière (PGF), élaborés sur des massifs de forêts naturelles de bambou (1400 hectares et 475 familles concernés). Ces plans sont obligatoires pour que les villageois puissent exploiter les forêts. Les revenus des familles se diversifient et s’accroissent tout en préservant les ressources naturelles : en 2011 par exemple, 22 groupes de producteurs d’artisanat ou de meubles, regroupant 350 familles, ont vendu leur production pour 35 000 euros.

Le tourisme est un secteur économique en plein essor au Laos, avec 2,5 millions de touristes –majoritairement originaires de la zone Asie Pacifique- et 380 millions de dollars de revenus en 2010. Cet essor présente toutefois des risques en termes d’impact pour les ressources naturelles et les populations. Depuis 2010, le Gret appuie les acteurs locaux publics, privés et les communautés rurales de la province de Khamouanne dans la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de développement touristique responsable et solidaire impliquant les communautés rurales dans la gestion des sites touristiques, et encourageant le développement d’activités économiques. En 2012, le Gret finalise un plan concerté de préservation, d’aménagement et de gestion du site touristique de la grotte de Konglor, associant les villages de Konglor et Natane. Un fonds de développement des activités touristiques dans le village de Natane propose aux femmes des crédits pour lancer des activités génératrices de revenus (tissage, vannerie, location de vélos).

Tous ces développements ne signifient nullement que l’essentiel de la population en ait profité. Il suffit de rappeler que 50% de la population en zones urbaine et semi-rurale n’a pas accès à l’eau potable.

Le gouvernement laotien prétend pour calmer la montée des luttes, qui se développent au Laos comme au Vietnam ou en Chine, qu’il « prévoit d’augmenter le salaire des fonctionnaires » à partir d’octobre prochain, leur permettant de mieux faire face à la hausse des coûts de la vie et d’assurer leurs conditions de vie dans un temps d’incertitude économique, apprend-on de l’Agence de presse lao (KPL).

Le salaire actuel est de 3.500 kips par indice basé sur différents niveaux, selon leurs qualifications, expérience et position. Le gouvernement accordera également une allocation de 760.000 kips par mois et par personne en couvrant les coûts de l’électricité, de l’eau, et des vêtements.

Actuellement, le salaire mensuel des fonctionnaires se situe entre 500.000 et 1,5 million de kips. L’augmentation de leur salaire sera de 3.500 à 4.800 kips par indice en 2012-2013, soit 37% à 6.700 kips par indice en 2013-2014 (91%), et à 9.300 kips par indice (une hausse de 156,7% par rapport au niveau actuel).

Le ministre laotien des Finances Phouphet Khamphounvong a récemment déclaré que la collecte des recettes au Laos était en augmentation chaque année et qu’il pensait que son ministère pourrait fournir un budget assez large pour couvrir la hausse des salaires.

Cette nouvelle politique salariale durera jusqu’en 2015. En 2007, l’année précédant la crise financière mondiale, le gouvernement a augmenté de 20% les salaires des fonctionnaires de l’État.

Selon la Banque de la RDPL, le taux d’inflation monétaire moyen au Laos en 2011 était de 7,58%. Cette année, le taux d’inflation a diminué, mais demeure relativement élevé à 6,69% en janvier, 6,11% en février, et 5,33% en mars.

Le sort des travailleurs

Ce qui suit est exposé par des syndicalistes réformistes mais est suffisant pour imaginer l’absence de toute liberté pour les travailleurs. Le Laos est une prison pour les travailleurs. Tout mouvement syndical indépendant est combattu férocement de même que toute grève ou toute tentative d’organisation des travailleurs. Seuls 4% des travailleurs sont syndiqués et encore dans des syndicats acceptés par le pouvoir !

Le Laos a cependant connu plusieurs vagues de grève. Par exemple en 1974 d’importantes vagues de grève ont parcouru à la fois le secteur public et privé et amené des changements importants. De nombreux responsables les ont payé de leur place.

Ce qui suit est donc le point de vue de la fédération syndicale LFTU :

Des élections de pure forme n’ont rien changé à la réalité du Laos : une absence totale de liberté syndicale et la répression de toute contestation. Le seul syndicat demeure étroitement lié au Parti révolutionnaire populaire laotien, le seul parti politique ayant existence légale.

Si la Constitution garantit certaines libertés aux citoyens laotiens, la législation n’accorde pas beaucoup de place aux activités syndicales. Les syndicats doivent être affiliés à la Fédération des syndicats du Laos (LFTU), qui est directement sous la tutelle du parti au pouvoir. La loi interdit, en outre, aux adhérents de syndicats d’organiser un « regroupement, un rassemblement ou une protestation et des actes illégaux » susceptibles de nuire non seulement au syndicat mais aussi aux intérêts de l’État ou à l’intérêt collectif. Les personnes qui adhèrent à une organisation qui incite à la contestation, à la manifestation et à d’autres actions susceptibles d’entraîner des « conflits ou des troubles sociaux » sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller d’un à cinq ans. Qui plus est, la loi réglemente strictement l’organisation interne des syndicats et limite le droit de s’affilier à un syndicat aux seuls ressortissants laotiens.

Bien qu’elle garantisse la protection contre le licenciement antisyndical, la loi ne protège pas les travailleurs contre les représailles à défaut de licenciement comme, par exemple, la mutation pour « motifs disciplinaires. » Aux termes de la législation du travail, le rôle des organisations syndicales n’est reconnu que lorsqu’il s’agit de désigner les travailleurs qui feront l’objet de mesures de licenciement collectif, de la possibilité de négocier les niveaux de salaires et d’assister individuellement des travailleurs/euses dans le règlement de conflits du travail. Le système de règlement des conflits n’offre aucune possibilité d’appeler légalement à la grève, attendu que tout conflit doit être réglé par un recours à la négociation, à la médiation, à l’arbitrage ou au Tribunal populaire.

Vu le lien étroit qui existe entre la Fédération des syndicats du Laos (LFTU) et le Parti révolutionnaire populaire laotien (LPRP), dans les faits, la LFTU constitue plutôt un organe permettant au parti unique de contrôler les travailleurs/euses. Dans ses déclarations officielles, la LFTU évoque fréquemment son rôle de collaboration avec le gouvernement pour ce qui est de l’application de la législation du travail, lequel consiste à veiller à la protection des droits des travailleurs et des employeurs et à élaborer des textes légaux et réglementaires dans le domaine du travail. Cette fonction quasi officielle de la LFTU suppose un rôle double, à la fois de contrôle et de protection éventuelle du monde du travail.

Les représentants de la LFTU dans les usines sont généralement des membres du LPRP et/ou font partie de la direction d’entreprises. Rien n’indique que la LFTU soit réellement en mesure de protéger les droits des travailleurs, en particulier dans les entreprises privées.

Pour l’essentiel, en ce qui concerne les droits des salariés, aucun grand changement ne s’est produit au Laos, l’un des rares pays staliniens restants dans le monde et l’un des plus pauvres pays d’Asie. La législation du travail de 1994 ne protège pas adéquatement les droits syndicaux. La seule organisation syndicale est étroitement liée au parti politique unique, et agit principalement comme bras auxiliaire du parti par rapport aux travailleurs. On observe une non-application systématique des dispositions de la loi qui n’offre presque pas de protection aux travailleurs.

Liberté syndicale inexistante : La liberté syndicale n’existe pas au Laos. Aux termes du Code du travail de 1994, « les travailleurs et les employeurs ont le droit de s’organiser et d’adhérer à toute organisation collective et sociale qui a été créée légalement ». Toutefois, les syndicats doivent être affiliés à la Fédération des syndicats du Laos (LFTU), autorisée par le gouvernement. Cette organisation est directement contrôlée par l’unique parti politique, le LPRP. Les congrès de la LFTU qui se tiennent tous les quatre ans et les élections de la direction syndicale sont organisés avec l’autorisation du LPRP. Les représentants de la LFTU dans les usines sont généralement des membres du LPRP et/ou font partie de la direction d’entreprises d’État ou des entreprises du secteur privé. La constitution stipule que le rôle de la LFTU est « d’unir et de mobiliser l’ensemble… de la population en vue de sa participation aux efforts de défense et de construction ». La Constitution limite encore un peu plus les droits syndicaux en établissant que les citoyens laotiens peuvent uniquement créer des associations ou organiser des manifestations qui ne sont pas « contraires à la loi » – faisant ainsi des syndicats indépendants des organismes non constitutionnels. La législation du travail fait écho à cette formulation en indiquant que les travailleurs et les employeurs ne peuvent appartenir qu’à une organisation « qui a été constituée légalement ».

Les agents de la fonction publique employés dans les organes administratifs de l’État et les employés des entreprises de l’État constituent toujours l’écrasante majorité des membres de la LFTU. Les agents de la fonction publique sont exclus du champ d’application de la législation du travail de 1994.

L’article 11 dispose que toutes les entreprises couvertes par la loi doivent établir un syndicat « conformément aux réglementations spécifiques relatives au secteur concerné ». Toutefois, des représentants du ministère du Travail et de la Protection sociale (sigle en anglais : MOLSW) ont reconnu auprès de l’Assemblée nationale que la loi ne prévoit aucune sanction pour les employeurs qui ne remplissent pas cette condition. Les organisations de travailleurs sont supposées être libres d’établir leurs propres statuts et d’élire leurs propres représentants, mais leurs « fonctions et activités » sont fixées par réglementation.

Protection contre la discrimination antisyndicale : Selon la législation du travail du Laos, il est interdit à un employeur de congédier des employés en raison de leur participation à des activités syndicales organisées « avec l’accord préalable de l’employeur ou en dehors des heures de travail » ou parce qu’ils ont porté plainte contre l’employeur pour une atteinte à la législation du travail.

Fortes limitations à la négociation et au droit de grève : La législation du travail de 1994 est supposée établir certaines normes minimales du travail. Bien que les syndicats aient le droit de s’engager dans des négociations salariales avec un employeur, il n’existe aucune disposition obligeant les employeurs à engager la moindre négociation avec le syndicat.

Bien que les grèves ne soient pas illégales, le droit de grève est fortement limité et cette restriction est assortie de peines dissuasives. Le Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller de un à cinq ans contre les personnes qui adhèrent à une organisation, qui encouragent des protestations, manifestations et autres actions qui peuvent entraîner de « l’agitation ou de l’instabilité sociales ». La législation du travail n’autorise pas les grèves en cas de « conflits d’intérêts », tandis que les conflits en matière de droits doivent être arbitrés par le biais de procédures donnant lieu à une décision finale qui ne peut pas faire l’objet d’un appel. Par conséquent, il n’y a aucun moyen de mener légalement une grève aux termes de la loi, ce qui signifie que toutes les grèves sont de facto illégales et passibles de sanctions.

Aux termes du Code du travail, les différends doivent être résolus par le biais de comités d’entreprise regroupant les employeurs, les représentants du syndicat local des travailleurs et les représentants de la LFTU. La décision finale revient au MOLSW. Pour sa part, la LFTU affirme également jouer un rôle de conciliation pour la résolution de différends éventuels entre les travailleurs et les employeurs.

Vu le lien étroit qui existe entre la LFTU et le LPRP, la protection des droits des travailleurs par le syndicat n’est pas effective. Il s’agit plutôt d’un organe permettant au parti unique au pouvoir de contrôler les travailleurs. En effet, le président et les deux vice-présidents de la LFTU bénéficient d’un statut égal à celui d’un ministre et vice-ministre du gouvernement, et le présidium ainsi que les hauts responsables de la LFTU sont payés par le gouvernement. En mars 2001, le président de la LFTU, Venethong Luangvily, a déclaré dans un discours au 7e Congrès du parti au pouvoir que la LFTU agissait « sous la direction du parti » et conformément à la politique du gouvernement. Il n’y a eu, durant l’année, aucune indication selon laquelle la relation entre le gouvernement et la LFTU s’était modifiée.

Le gouvernement fixe unilatéralement les salaires des employés de l’État et cette décision ne fait pas l’objet d’une convention collective. Pour les employés du secteur privé, la législation du travail octroie aux syndicats le droit de négocier les niveaux salariaux avec l’employeur. Toutefois, aucune disposition de la législation du travail n’oblige l’employeur à négocier, ni n’impose de sanction lorsque l’employeur ne négocie pas. Il n’y a eu aucun signe pendant l’année d’une quelconque conclusion de conventions collectives dans le secteur public ou privé.

Des observateurs d’ONG internationales et d’ambassades à Vientiane indiquent que la non-application de la législation du travail par le MOLSW, en particulier dans les entreprises du secteur privé, est la norme. Une enquête a révélé qu’au niveau central le ministère du Travail ne comptait au total que 18 agents de la fonction publique et aucun inspecteur du travail proprement dit.

Le fait que la LFTU ait un accès limité aux usines et qu’elle doive fournir une notification préalable aux autorités la prive largement de tout pouvoir d’intervention pour la protection des travailleurs qui portent plainte. Quant au recours à la procédure de conciliation, celui-ci ne fonctionnerait, apparemment, que dans les cas les plus graves.

’Lao Federation of Trade Unions’ organise les syndicats de travailleurs du secteur privé pour garantir le respect de leurs droits.
Au Laos, 85% de la population vit encore de l’agriculture paysanne. Le pays a amorcé depuis quelque temps un virage vers une société plus moderne et industrialisée. Grâce à une politique ambitieuse, le gouvernement laotien espère faire sortir son pays de la liste des pays les moins avancés. Pour accompagner ce changement, notre partenaire Lao Federation of Trade Unions (LFTU) soutient les nouveaux travailleurs du secteur industriel afin de leur permettre de s’organiser et de défendre leurs droits.

La croissance économique qui accompagne ce changement de cap n’a pas que des effets positifs. La recherche de ressources naturelles affecte de façon importante les conditions de vie des communautés locales. L’exode rural vers les villes laotiennes ou vers la Thaïlande en sont les premières conséquences visibles. En effet, les paysans et petits commerçants n’ont bien souvent pas d’autre choix que de venir grossir les rangs de ceux qui viennent chercher du travail dans les usines. La quantité de travail disponible est encore faible, mais croît à mesure que le pays s’industrialise. Entre-temps, ils sont souvent actifs dans le secteur informel.
La plupart de ces nouveaux travailleurs ne sont pas informés de leurs droits et ne sont pas véritablement organisés. En outre, les dispositions légales existantes ne sont que très peu respectées. Dans un contexte d’industrialisation et de concurrence croissante, ces travailleurs deviennent de plus en plus vulnérables.
Ces divers enjeux ne sont pas passés inaperçus aux yeux de la LFTU, le seul syndicat reconnu par le gouvernement pour représenter les travailleurs. Au niveau national, il regroupe toutes les unions syndicales et organisations de travailleurs enregistrées au Laos.
Malgré une expérience limitée dans le secteur privé (jusqu’à présent, LFTU travaillait surtout avec des fonctionnaires), l’organisation cherche à organiser les travailleurs dans les usines. Environ 15.000 travailleurs, regroupés en unions syndicales dans des entreprises situées dans les provinces de Savannakhet et de Khammouane et dans la région de la capitale de Vientiane, sont concernés.

LFTU est partenaire d’Oxfam-Solidarité depuis 2007. Ce partenariat qui s’est déjà concrétisé via la mise en place d’unions syndicales à l’échelle de 70 entreprises, ainsi que via la négociation de conventions collectives entre ces entreprises et ces unions syndicales concernant de multiples aspects comme la santé et la sécurité au travail, les salaires, les heures supplémentaires et la sécurité sociale. La négociation de ces conventions collectives au niveau de l’entreprise permet de faire pression sur les employeurs afin qu’ils respectent la législation du travail. LFTU espère ainsi également créer un effet de levier permettant de forcer des changements à un niveau plus élevé.
Le développement économique ne suffit certainement pas à assurer un avenir meilleur aux travailleurs. La région du Mékong en est une parfaite illustration. "Hidden Costs" est un rapport d’Oxfam Australie sur le prix payé par les minorités ethniques pour la rapide croissance économique de la région du Mékong. Il démontre qu’une augmentation des revenus moyens ne correspond pas toujours à une meilleure qualité de vie pour les plus pauvres.

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