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Egypte : le pouvoir continue d’être conspué, de réprimer et de tomber

jeudi 3 mars 2011

Le Premier ministre égyptien, Ahmed Chafik, a démissionné jeudi, annonce le Conseil suprême des forces armées (CSFA), répondant favorablement aux demandes de remaniement formulées par des artisans de la révolution.

L’armée au pouvoir, qui a publié un communiqué en ce sens sur sa page Facebook et en a confirmé la teneur à Reuters, a chargé Essam Charaf, un ancien ministre des Transports, de former un nouveau gouvernement.

Ahmed Chafik avait été nommé par Hosni Moubarak quelques jours avant le départ du "raïs" le 11 février, à l’issue de 18 jours de révolte populaire. Mais des manifestations se sont poursuivies pour réclamer sa démission.

Un conseiller de Chafik a déclaré que cette démission, selon lui "choquante et prématurée", visait à prévenir de nouveaux rassemblements massifs vendredi, journée de prières régulièrement choisie par les manifestants pour faire valoir leurs revendications.

"On a eu peur des rassemblements du vendredi et de leur ampleur. (Chafik) voulait, en fait, partir avant cette semaine et ne souhaite pas provoquer d’agitation", a ajouté ce conseiller.

Essam Charaf, ancien professeur et ingénieur, a participé à des manifestations contre Hosni Moubarak sur la place Tahrir du Caire. Il a été membre du gouvernement entre 2004 et 2006 avant de revenir enseigner à l’université du Caire.

TECHNOCRATES

Le CSFA, qui avait maintenu à leurs postes tous les ministres régaliens nommés par Moubarak avant son départ, était sous forte pression de la rue pour procéder à un remaniement.

Selon une source proche de l’armée, les ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Justice devraient être rapidement remplacés.

Nabil Fahmy, un ancien ambassadeur à Washington, et Magid Abdel Fattah, représentant permanent de l’Egypte à l’Onu, pourraient hériter du portefeuille des Affaires étrangères, dit-on de source gouvernementale.

On juge en revanche hautement improbable que le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, qui dirige également le Conseil suprême des forces armées, soit remplacé.

Les protestataires réclament la formation d’une équipe de technocrates dans l’attente du transfert du pouvoir aux civils.

Une réforme constitutionnelle sera soumise à référendum le 19 mars, en prélude à des élections législatives en juin et présidentielle six semaines plus tard.

La démission d’Ahmed Chafik a été accueillie avec joie et soulagement par les manifestants qui continuent de camper sur la place Tahrir, épicentre de la révolution égyptienne. Ils ont applaudi la décision de l’armée.

"C’est un changement en pire, pas en mieux", estime Hassan Nafaa, un politologue de l’université du Caire qui a activement fait campagne pour le départ du président Moubarak. "Chafik est parti mais celui qui le remplace n’a aucune vision politique ni rien à voir avec la politique. Ce sont d’autres intérêts qui sont protégés et menacent le changement."

Ahmed Chafik, un officier de l’armée de l’air, avait été cité par une source militaire comme un éventuel candidat à la prochaine élection présidentielle.

Depuis le 11 février dernier, date de la démission du président Hosni Moubarak, une junte militaire est au pouvoir en Egypte : le Conseil suprême des forces armées composé d’une vingtaine de militaires, autour du ministre de la Défense, Mohammed Hussein Tantaoui.

Ce Conseil a suspendu la Constitution dès le 13 février et a demandé le 15 février à une commission composée de huit juristes, dont un issu du mouvement des Frères Musulmans, de proposer des amendements, notamment de réviser cinq articles concernant les conditions de participation à l’élection présidentielle.
Dimanche 27 février, la commission présidée par le magistrat Tarek al-Beshry, reconnu pour son indépendance, a annoncé entre autres que les règles pour créer un parti seraient assouplies, et que le mandat présidentiel serait réduit à quatre ans au lieu de six ans, et renouvelable une seule fois, alors qu’il l’était indéfiniment sous Hosni Moubarak, qui terminait son cinquième mandat lorsqu’il a démissionné.

« Amender la constitution n’est pas suffisant »

Hossam Eissa est professeur à la faculté de Droit au Caire. Il a activement participé au mouvement de la révolution du 25 janvier dernier. Selon lui, la Constitution doit être totalement remise à plat, et pas simplement amendée, car elle était taillée sur mesure pour l’hyper président Moubarak. « On ne peut pas réviser une Constitution qui est déjà tombée, ce n’est pas possible. Il faut refaire une nouvelle Constitution. Deuxièmement, même si on accepte la légalité de la Constitution actuelle, on a refusé de changer les nombreux articles qui donnent au président de la République des pouvoirs qui n’existent nulle part dans le monde. Le prochain président aura exactement les mêmes pouvoirs que Hosni Moubarak. C’est une manière de contourner ou de mettre fin à la révolution, et je crois que nous n’allons jamais permettre cela ».

Une révolution « confisquée »

Certains pensent qu’ils se font confisquer leur révolution. Pourtant le nouveau gouvernement a fait des annonces plutôt positives ces derniers jours, mais trop tardives selon les manifestants. En effet, la justice égyptienne a annoncé que l’ancien président Hosni Moubarak et ses proches ont désormais interdiction de sortir d’Egypte et leurs avoirs sont gelés. Mais cette annonce a été faite dix jours après sa démission. Habib El Adly, l’ex-ministre de l’Intérieur détesté de tous car représentant la machine répressive du régime, a été déféré lundi 28 février devant un tribunal pour corruption. Son procès devrait débuter le 5 mars. Mais ce n’est pas suffisant selon Bahey Eldin Hassan, directeur de l’Institut du Caire pour les droits de l’Homme.« Oui, Moubarak est parti, ses avoirs sont sous contrôle, et il a interdiction de quitter le territoire, mais c’est toujours le même régime qui est en place, et avec les mêmes visages odieux et aucune enquête sérieuse n’a été lancée, ni sur ce qui s’est passé après le 25 janvier dernier, ni avant cette période. Le ministre de la Justice est toujours en place, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, ce sont deux des visages les plus odieux de ce régime ».

Prisonniers politiques et disparus

Autre constat : l’état l’urgence n’a toujours pas été levé. En vigueur depuis l’assassinat du président Anouar el-Sadate en 1981, cette législation d’exception a régulièrement été prolongée. En outre, Bahey Eldin Hassan de l’Institut du Caire pour les droits de l’Homme insiste sur le fait que la question des prisonniers politiques n’est pas réglée. « La plupart des personnes qui ont été arrêtées après le 25 janvier ont été relâchées, mais la situation n’est pas claire en ce qui concerne les disparitions. Il y a eu beaucoup de cas de disparus ou des cas de personnes dont on est encore sans nouvelle ».

Six mois, insuffisant pour assurer une transition démocratique

Autre sujet de discorde, c’est la période de transition de six mois qui est annoncée pour organiser des élections législatives en juin et présidentielle en septembre, largement insuffisante après plus de 30 ans de dictature, comme le souligne le professeur de droit Hossam Eissa. « C’étaient des bandits qui gouvernaient l’Egypte pendant 30 ans. On ne peut pas ouvrir des horizons qui étaient fermés en seulement trois mois. Ce n’est pas possible, quatre élections en six mois, c’est criminel ! Comment se préparer ? Comment donner leur chance aux nouveaux visages pour se faire connaître et obtenir la confiance du peuple ? Ces élections vont se terminer par un duel entre les Frères musulmans et l’ancien Parti National Démocrate (PND) de Moubarak. Ce sont les seuls représentations qui existent actuellement sur la scène politique ».
Le Conseil suprême des forces armées a annoncé un calendrier préliminaire lundi 28 février, les amendements de la Constitution doivent faire l’objet d’un référendum le 19 mars prochain.

L’attaque de l’armée vendredi 25 février inquiète …

L’assaut donné vendredi dernier par l’armée à coup de pistolets électriques (Taser) et de matraques pour déloger des manifestants de la place Tahrir au Caire, qui réclamaient le départ du Premier ministre Ahmed Chafik, nommé par Moubarak le 29 janvier, est un signe très négatif selon Bahey Eldin Hassan. « Ce qui s’est passé sur la place Tahrir vendredi soir est très inquiétant, car c’était la première fois que l’armée attaquait les manifestants. Et même les excuses que l’armée a faites ne sont pas très convaincantes, Depuis quand l’armée peut-elle attaquer sans en avoir reçu l’ordre ? Et si c’était le cas ce serait encore plus inquiétant pour le futur ». Selon Chayma Hassabo, chercheuse au Cedej (Centre d’Etudes et de Documentation Economiques Juridiques et Sociales), qui se trouvait vendredi soir sur la place lors de l’attaque de l’armée, les contestataires ont perdu leur confiance dans l’armée jusque là considérée comme « unie au peuple », selon leurs propres slogans.

… et la mobilisation continue place Tahrir.

L’armée avait fait ses excuses en utilisant le réseau social Facebook pour mieux se faire entendre des jeunes, à l’origine de la contestation en Egypte. Mais dès le lendemain de cet assaut, alors que la place Tahrir avait été soigneusement nettoyée et balayée par les manifestants eux-mêmes, des tentes ont été à nouveau érigées en signe de protestation. Vendredi 4 mars, après la grande prière, une forte mobilisation est attendue sur la place de la Liberté (Tahrir) au centre du Caire. Les contestataires réclament notamment la démission du premier ministre Ahmed Chafik, la nomination d’un Conseil présidentiel pour assurer une transition sur au moins un an, la libération des prisonniers politiques, et la condamnation des auteurs de la répression du 28 janvier dernier.

Messages

  • Le Premier ministre égyptien, Ahmed Chafik, a démissionné jeudi, annonce le Conseil suprême des forces armées (CSFA), répondant favorablement aux demandes de remaniement formulées par des artisans de la révolution.

    L’armée au pouvoir, qui a publié un communiqué en ce sens sur sa page Facebook et en a confirmé la teneur à Reuters, a chargé Essam Charaf, un ancien ministre des Transports, de former un nouveau gouvernement.

    Ahmed Chafik avait été nommé par Hosni Moubarak quelques jours avant le départ du "raïs" le 11 février, à l’issue de 18 jours de révolte populaire. Mais des manifestations se sont poursuivies pour réclamer sa démission.

    Un conseiller de Chafik a déclaré que cette démission, selon lui "choquante et prématurée", visait à prévenir de nouveaux rassemblements massifs vendredi, journée de prières régulièrement choisie par les manifestants pour faire valoir leurs revendications.

    "On a eu peur des rassemblements du vendredi et de leur ampleur. (Chafik) voulait, en fait, partir avant cette semaine et ne souhaite pas provoquer d’agitation", a ajouté ce conseiller.

  • Moubarak a rejoint Ben Ali...

    Prison dorée des rois déchus...

    Le président égyptien déchu, âgé de 82 ans, reçoit un traitement médical pour un cancer du colon et du pancréas sur une base militaire de Tabouk en Arabie saoudite : c’est en tout cas ce qu’affirme le journal égyptien « al-Akhbar » qui précise que son épouse Suzanne et leurs deux fils se trouvent à ses côtés. Hosni Moubarak est censé résider dans sa villa de Charm el-Cheikh sur la mer Rouge. Lundi, les autorités égyptiennes ont décrété une interdiction de sortie du territoire égyptien pour l’ancien président et sa famille proche, et décidé de geler leurs avoirs en Egypte.

  • Des manifestants ont été blessés vendredi par balle lors d’un rassemblement réclamant la dissolution des services de sécurité d’Etat à Alexandrie, la grande ville du nord de l’Egypte. Des coups de feu ont été tirés de l’intérieur du siège de la sécurité d’Etat après que des manifestants eurent tenté de jeter des cocktails Molotov sur le bâtiment. Au moins trois ambulances ont transporté des blessés vers des hôpitaux, a indiqué une source médicale, sans pouvoir préciser le nombre exact de personnes atteintes.

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