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Luttes de classes en l’Angola ?
samedi 9 janvier 2010
Avec l’accord des pays de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2010, et tout particulièrement de l’Afrique du sud, l’Angola comptait démontrer que tout allait bien désormais dans ce pays qui était sorti des guerres civiles et se prétendait en plein développement. Aujourd’hui, après le mitraillage du bus de l’équipe du Togo, le gouvernement continue à prétendre que tout va très bien ... sauf dans l’enclave de Cabinda. Tout va très bien pour une minorité de profiteurs et pour les capitalistes qui s’enrichissent sur le dos du peuple angolais, ça oui !
Entre 1997 et 2001, 774 millions de dollars issus des revenus pétroliers angolais ont été versés sur un compte à l’UBS appartenant à Abalone Investment Limited, société écran créée par l’homme d’affaires Pierre Falcone et son associé Arcadi Gaydamak. Cette somme était supposée servir au remboursement d’une dette angolaise envers la Russie. Or, seulement 161 millions de dollars ont été versés dans un compte enregistré au nom du Ministère des Finances russe. Environ 600 millions sont réapparus sur des comptes appartenant à Falcone, à Gaydamak ainsi qu’à une série d’obscures sociétés. Certains de ces comptes étaient contrôlés en dernier ressort par de hauts fonctionnaires angolais ainsi que par le président Dos Santos, selon un memo reproduit dans le journal français Le Canard Enchaîné et des documents vus par Global Witness. [1] Dans l’affaire classée par Daniel Zappelli, Falcone avait fait l’objet d’une enquête pour « blanchiment d’argent, soutien à une organisation criminelle » et « corruption d’agents publics étrangers ». Gaydamak n’a jamais été inculpé formellement. Les deux hommes nient tout détournement de fonds.
Falcone est en instance de procès en France dans le cadre de « l’affaire angolaise ». Il est accusé d’avoir participé à un trafic d’armes durant la guerre civile qui a déchiré ce pays. Il a déjà été condamné en France à quatre ans de prison pour fraude fiscale et à une année supplémentaire pour détournement de fonds public par l’intermédiaire d’une société appelée Sofremi, active dans la vente de matériel de sécurité [2].
Où va l’argent du pétrole ?
Objet de toutes les convoitises, le pays affiche des revenus records grâce aux hydrocarbures, mais demeure l’un des plus pauvres du monde.
Corrompu, sous-développé et ravagé par la guerre, l’Angola compte parmi les pays les plus pauvres de la planète. Mais aux yeux d’un expert en énergie, le pays est plutôt immensément riche, avide d’investissements étrangers et l’un des exportateurs de pétrole les plus dynamiques au monde.
À Luanda, la capitale, les chambres d’hôtel se louent à plus de 200 dollars la nuit et sont réservées, plus de deux mois à l’avance, par les compagnies pétrolières ; leurs employés peuvent effectuer jusqu’à trois fois par semaine des allers et retours avec Houston (États-Unis). Et, offshore, des dizaines de gisements pétrolifères ont été découverts et baptisés de noms aussi exotiques que Cola ou Canela.
Ces dix dernières années, ExxonMobil, Chevron, BP et bien d’autres grands groupes ont investi des milliards de dollars en Angola afin d’y faire jaillir les ressources pétrolières enfouies dans les eaux profondes du pays. Pour ces compagnies, il est temps d’en récolter les fruits.
L’Angola est récemment devenu le pays producteur d’or noir dont les ventes vers les États-Unis ont augmenté le plus rapidement. En 2010, un baril sur trois produit dans le monde viendra de l’Afrique de l’Ouest. Et en 2015, le quart des importations pétrolières américaines seront issues du continent africain, contre 15 % aujourd’hui.
Les grandes promesses de l’Angola sont nées de la découverte, à 160 km au large des côtes du pays, d’une série d’importants gisements qui lui ont permis de multiplier par dix sa production depuis le milieu des années 1970, pour atteindre 1,5 million de barils/jour ?(b/j) l’an dernier. Un chiffre qui devrait passer à 2 millions de b/j en 2008 et à 2,6 millions en 2011, soit l’équivalent de la production du Koweït.
L’Angola est aujourd’hui au cœur des problématiques géopolitiques et énergétiques mondiales. Il représente le dernier enjeu de la rivalité entre les compagnies pétrolières occidentales, russes et chinoises. Cette année, il a rejoint l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui a décidé de réduire sa production globale afin de maintenir les prix au-dessus de 50 dollars le baril. Dans sa course à la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques, la Chine mise beaucoup sur lui et n’hésite pas à lui accorder des milliards en prêts et en aide au développement. En échange de quoi l’Angola s’engage à prendre en compte les intérêts pétroliers de l’empire du Milieu.
Le gouvernement angolais a pris conscience de l’importance de cette nouvelle relation, susceptible de l’aider à résister aux requêtes des bailleurs occidentaux qui lui enjoignent d’améliorer la bonne gouvernance de son secteur pétrolier. L’an dernier, l’Angola est devenu le plus important fournisseur de pétrole de la Chine, devant l’Arabie saoudite.
L’entrée du pays dans l’Opep montre bien qu’il souhaite peser davantage dans les décisions concernant l’approvisionnement pétrolier de la planète. Mais les compagnies occidentales affirment, elles, que son adhésion ne devrait rien changer à leurs investissements. « L’Angola veut nous dire qu’il fait désormais partie d’un club conscient des objectifs du marché à long terme », explique Christophe de Margerie, le directeur général de la compagnie française Total. « Le pays est dans une période de pleine croissance. Il a besoin de se développer et donc d’argent. Je ne vois pas alors pourquoi il se tirerait une balle dans le pied. »
Le fait que l’Angola puisse être l’une des dernières grandes régions inexploitées de la planète a incité les compagnies pétrolières à jouer gros. La société italienne ENI a fait l’an dernier une offre incroyable de 902 millions de dollars - le montant le plus élevé jamais payé par une compagnie pétrolière - pour acquérir des droits de forage offshore. « À l’époque, l’offre a paru complètement fou, lance Paolo Scaroni, le patron d’ENI. En réalité, nous pensons qu’elle n’avait rien d’extravagant. L’Angola possède d’énormes réserves. Il s’agit d’une région d’Afrique où la production ne peut que s’accroître et nous voulons en tirer profit. » Renchérissant sur cette offre, Sinopec, une compagnie pétrolière chinoise publique, et la société angolaise Sonangol, ont conjointement proposé 2,2 milliards de dollars pour deux autres blocs offshore.
Mais tout en se félicitant de l’accueil que le gouvernement angolais réserve aux investisseurs étrangers, les compagnies pétrolières sont beaucoup plus circonspectes lorsqu’on aborde les questions de corruption et de manque de transparence dans le pays.
L’Angola a été pendant vingt-sept ans le théâtre d’une guerre civile dévastatrice, et le symbole des champs de bataille périphériques de la guerre froide où s’affrontaient Soviétiques et Occidentaux. Lorsqu’elle a pris fin en 2002, la plus longue guerre civile d’Afrique avait tué environ 500 000 personnes et laissait le pays en ruine.
Aujourd’hui, le gouvernement bat toujours des records de corruption et se situe tout en bas de l’échelle de la quasi-totalité des indicateurs de développement. L’Angola a gagné plus de 30 milliards de dollars grâce à ses exportations pétrolières l’an dernier. Mais selon un récent rapport de la Banque mondiale, 70 % de sa population vit avec moins de 2 dollars par jour, la majorité de ses habitants n’a pas accès aux services médicaux les plus élémentaires et près de un enfant sur quatre meurt avant son cinquième anniversaire.
Le président Eduardo dos Santos ne semble guère pressé d’améliorer la transparence des comptes du secteur pétrolier. Le mois dernier, son gouvernement a fait arrêter Sarah Wykes, une militante britannique de l’ONG Global Witness, qui effectuait une tournée dans la province pétrolière de Cabinda. Wykes, dont l’organisation avait fait pression sur les compagnies pétrolières et les pays producteurs de pétrole pour qu’ils publient leurs résultats, a été gardée trois jours en prison et accusée d’espionnage. Elle a été libérée depuis, mais elle ne peut toujours pas quitter l’Angola.
Rien ne garantit que l’Afrique de l’Ouest sera un jour un producteur de pétrole plus stable que le Moyen-Orient. Au Nigeria par exemple, la production nationale a été réduite d’un quart, soit 600 000 barils par jour, du fait de la violence qui sévit dans le Delta du Niger. Un bilan qui fait suite à des années de négligence, de mauvaise gestion et de corruption aussi bien de la part des autorités nigérianes que des compagnies pétrolières. Pour les consommateurs, dépendre de régions du monde aussi explosives, où les institutions démocratiques sont faibles et la supervision des recettes pétrolières limitée, peut avoir de graves conséquences.
Depuis la fin de la guerre civile, le gouvernement angolais a pourtant fait quelques progrès pour améliorer sa transparence. Il publie davantage de détails sur ses revenus pétroliers et sur sa production. Et délivre également certaines informations, le plus souvent dépassées, sur le site Internet de son ministère des Finances.
Le pays refuse toujours, en revanche, de s’expliquer sur la façon dont il dépense son argent ou son budget. Rien d’étonnant alors de le trouver au 142e rang (sur 163) du classement annuel de Transparency International sur la perception de la corruption dans le monde. « L’Angola n’a aucun intérêt à la transparence et, jusqu’à présent, il n’existe aucun moyen de pression extérieur sur le gouvernement », explique Monica Enfield, analyste à PFC Energy, un cabinet de consultants spécialisé sur les questions énergétiques basé à Washington. « Avec leurs revenus pétroliers, les Angolais n’ont pas besoin du Fonds monétaire international ni de la Banque mondiale. Ils peuvent faire jouer les Chinois contre les Américains. »
Messages
1. Luttes de classes en l’Angola ?, 30 janvier 2016, 07:28
En Angola, les employés de l’entreprise nationale de transports publics de la capitale Luanda TCUL entament leur 13e jour de grève. En cause : le non-paiement de leurs salaires depuis neuf mois.