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Egypte : les grèves ouvrières se propagent…

28 février 2014, 19:41

Durant quinze jours, aucun bulldozer n’a franchi le portail de cette entreprise située dans la banlieue nord du Caire. La demande des ouvriers est claire : l’instauration du salaire minimum fixé par les autorités à 1 200 livres (135 euros). « Nos conditions de travail sont très dures et nos heures supplémentaires restent impayées », détaille Ahmed Qotb, 31 ans, porte-parole du mouvement. « Même le salaire minimum, c’est encore trop peu ! Il faudrait 2 000 livres au moins pour vivre décemment. » Jeudi 27 février, les ouvriers de Nile ont obtenu une revalorisation de 35 % de leur salaire de base, sachant que celui-ci ne dépasse pas 300 livres, le reste étant constitué de primes.

Présentée comme la mesure sociale phare du gouvernement intérimaire, issu du coup d’Etat militaire de juillet 2013 contre les Frères musulmans, la loi sur le salaire minimum devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014. Ironie du sort, le premier ministre Hazem Al-Beblawi a annoncé sa démission lundi 24 février, geste politique en partie imputé à la crise sociale qui traverse le pays.

« Contrairement à ce qui était annoncé à l’automne, le salaire minimum ne concerne pas l’ensemble des acteurs du public, mais les fonctionnaires seulement », précise Dalia Moussa, chercheuse du Centre pour les droits économiques et sociaux au Caire. « La loi a été élaborée dans l’opacité la plus totale, avec les chefs d’entreprise et le Syndicat national, acquis au gouvernement. Du coup, elle a été vidée de sa substance. » A la demande du patronat, la mesure ne s’applique pas non plus au secteur privé.

Selon les dispositions finales du texte, un employé du secteur public sur cinq est concerné par le salaire minimum. La demande ne date pas d’hier : elle était l’une des revendications des 22 000 ouvriers de l’usine nationale de textile de Mahalla, située dans le Delta, qui exigeaient, en 2007, un revenu plancher à 1 200 livres.

Les révolutionnaires du 25 janvier 2011, qui demandaient du pain et de la justice sociale, se sont heurtés à un mur. Trois ans et trois régimes plus tard, le montant du salaire minimum est dérisoire dans un contexte d’inflation galopante où les loyers atteignent facilement les 600 livres dans les quartiers les plus populaires de la capitale.

La grogne sociale a gagné de nombreux acteurs du public, tous d’accord sur l’urgence d’une revalorisation des salaires. Médecins, postiers, éboueurs, ouvriers : ils sont plusieurs dizaines de milliers à avoir rejoint la mobilisation ces deux dernières semaines. Récemment, ce sont les chauffeurs de bus du Caire qui ont débrayé. Un mouvement de grève que le ministère de la défense s’est employé à briser. Mardi, l’armée a affrété des dizaines de bus, assurant vouloir faciliter le quotidien des usagers et désengorger la capitale.

Malgré un contexte social explosif, il n’est pas sûr que les grévistes soient entendus. Le nouveau premier ministre, Ibrahim Mahlab, les a appelés à « contribuer à la construction et non à la démolition du pays ». Partisan de réformes ultralibérales, issu des milieux d’affaires qui tenaient l’Egypte sous Hosni Moubarak, cet ancien PDG d’Arab Contractors, première entreprise publique de construction, ne semble pas vouloir se démarquer de ses prédécesseurs.

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