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TROUPES INTERNATIONALES ET FRANCAISES, HORS D’HAITI OU VOUS NE SEMEZ QUE DICTATURE ET MISERE !!!

11 mars 2010, 16:20, par Robert Paris

Ce qu’était la situation d’Haïti en 2004 et le point de départ de l’intervention impérialiste :

4 mars 2004
APRÈS LE DÉPART FORCÉ D’ARISTIDE
En Haïti, un Etat à reconstruire
L’Etat haïtien n’existe plus. Ce qui en restait, de plus en plus limité à sa force répressive, s’est effondré en quelques semaines. Dans la période d’incertitudes qui s’ouvre, quatre grandes forces haïtiennes tenteront de s’imposer :

— Lavalas, le parti du président déposé Jean Bertrand Aristide, est affaibli ; mais il n’est toutefois pas tout à fait hors-jeu, car il continue à être soutenu par des membres de la fonction publique et des cadres provinciaux ;

— l’opposition démocratique, formée contre M. Aristide, est constituée de plusieurs dizaines de partis politiques sans troupes et souvent sans programme. Elle est confrontée à un risque d’éclatement face à la perspective du pouvoir. Réunissant différents partis, certains de type social-démocrate, d’autres clientélistes voire macoutes, elle est dans l’impossibilité de s’unir durablement sur un programme commun, le seul élément ayant permis son rassemblement étant la volonté de chasser le despote Aristide ;

— une troisième force, beaucoup plus intéressante, a émergé depuis dix-huit mois, du côté de ce que l’on appelle la « société civile », qui exige pour fonctionner les cadres d’un Etat de droit - une première dans l’histoire d’Haïti, où la politique a toujours été monopolisée par des professionnels douteux. Cette mouvance est elle-même très hétérogène, puisque s’y retrouvent aussi bien les Eglises et une nouvelle classe patronale acquise au néolibéralisme qu’un mouvement étudiant, des syndicats paysans, des associations communautaires et un mouvement féministe en plein développement. Ces derniers étaient par exemple présents aux forums sociaux mondiaux, aussi bien à Porto Alegre qu’à Bombay. Croissant ces derniers mois, leur rôle dans la « société civile » reste tout de même minoritaire ;

— enfin, les « barbares du nord ». L’« armée cannibale » au service des basses œuvres de M. Aristide s’est retournée contre lui et a aggloméré toute la lie des régimes précédents, des « attachés » (paramilitaires) de la période de la dictature de M. Raoul Cedras (1991-1994) aux macoutes de la fin du duvaliérisme. L’ancien officier Guy Philippe, qui commande l’ensemble, est lui-même impliqué dans le trafic de drogue, et plusieurs de ses lieutenants ont été condamnés à la peine maximale pour des massacres commis dans les bidonvilles.

Le fer de lance de cette milice devenue « front de libération » est constitué des anciens du FRAPH (1), pour la plupart agents de la CIA, deux cents à trois cents hommes tranquillement réfugiés depuis 1994 en République dominicaine ou aux Etats-Unis... L’état de désespérance de la population haïtienne explique qu’ils aient malgré tout été accueillis comme des sauveurs.

Sur le plan diplomatique, deux surprises sont à noter : d’une part, les Etats-Unis ont peiné à définir leur politique haïtienne. Le puissant lobbying mené par M. Aristide à Washington - à travers le Black Caucus (2) mais aussi directement auprès de la conseillère à la sécurité nationale Condoleezza Rice - l’a longtemps préservé du pire. Par ailleurs, les Etats-Unis étaient reconnaissants au président haïtien d’avoir su les préserver d’un afflux de boat people. L’arrivée massive d’Haïtiens sur les côtes américaines est en effet le motif habituel du réveil de Washington face à Port-au-Prince. Quoi qu’il en soit, les Etats-Unis se sont assuré des soutiens dans toutes les factions, aussi bien au sein de l’opposition démocratique que des « barbares du nord ». Toute évolution de la situation peut leur permettre d’agir très vite puisqu’ils peuvent solliciter leurs alliés dans tous les camps.

D’autre part, la seconde surprise, c’est le rôle exceptionnellement actif de la France, qui n’avait plus de politique haïtienne depuis 1994, et s’était alignée - tout comme l’Union européenne - sur les résolutions de l’Organisation des Etats américains (OEA). Au-delà de la solidarité francophone, et du plus grand intérêt manifesté par le Quai d’Orsay depuis 2002, le bicentenaire de la révolution haïtienne fut l’occasion, pour l’opinion publique, d’une révélation du rôle historique de la France (notamment à travers le rapport de la commission Régis Debray sur 200 ans de relations franco-haïtiennes). On peut à ce propos s’interroger sur la place exceptionnelle donnée à Haïti par les médias français - une place que ce pays n’avait jamais eue depuis 1991 lors de l’émergence d’Aristide, son élection à la présidence et le coup d’Etat.

Il faut ajouter à cela le fait que les forces armées américaines sont fortement impliquées sur d’autres terrains, et que la campagne présidentielle s’annonce plus difficile que prévu pour le président George W. Bush. Le problème haïtien pèse en effet sur le vote de cet Etat déterminant qu’est la Floride, où réside une forte minorité haïtienne et où la population (floridienne et cubaine) fait preuve d’une forte hostilité à la perspective d’un nouveau flux d’immigration.

Cependant, ce sont aujourd’hui les Etats-Unis qui vont former le nouveau pouvoir. M. Boniface Alexandre, le gouverneur par intérim, est un homme de paille. Les élections seront très difficiles à organiser dans un délai de moins de trois mois, et il ne serait pas étonnant que des « gouvernements provisoires » se prolongent. L’opposition démocratique, après avoir juré le contraire, semble prête à faire sa place, de manière officielle ou occulte, à M. Guy Philippe, l’homme fort du nord. Ce type d’alliance paraît contre-nature, et constituerait un nouveau et dramatique retour aux vieilles habitudes de la « gouvernance » haïtienne. Un gouvernement mariant les contraires ramènerait Haïti aux pires ornières de son histoire.

Mais certains secteurs de la société civile, et surtout les centaines de journalistes de radio, très mobilisés et très ouverts sur les pratiques démocratiques hors d’Haïti constituent l’un des meilleurs remparts contre les dérives envisageables. Dans un pays analphabète comme Haïti, un seul média pèse vraiment, les radios, accessibles partout. Elles étaient d’ailleurs la cible préférée d’Aristide au cours des deux dernières années.

L’intervention militaire des Etats-Unis, du Canada et de la France ne paraît pas avoir fixé clairement ses objectifs. Certes, il s’agit de « sécuriser » le pays livré à des bandes plus ou moins contrôlables. Il s’agit aussi d’éviter une catastrophe alimentaire - Haïti étant complètement dépendante de l’aide extérieure. Mais pour le moyen terme, quelles pressions communes faut-il exercer sur la constitution d’un nouveau pouvoir ? Les Etats-Unis d’une part, et les autres membres de la communauté internationale n’ont peut-être pas des pratiques démocratiques souhaitables la même conception.

Pour le secrétaire d’Etat Colin Powell, il s’agit de faire émerger « une nouvelle culture politique en Haïti ». Il s’agirait d’un changement de cap, quand les Etats-Unis n’ont cessé, depuis la chute de Duvalier, d’essayer de prolonger les vieilles pratiques. N’oublions pas qu’ils ont participé au coup d’Etat contre Aristide (1991), qu’ils l’ont ramené au pouvoir (1994), soutenu contre tous (2002-2003), et enfin enlevé et chassé manu militari (2004). Ce que les quinze pays membres de la Communauté économique de la Caraïbe (Caricom) dénonçaient, le 3 mars, en se déclarant « extrêmement déçus » de l’implication des « partenaires occidentaux » en lieu et place des soldats de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Les grandes puissances devront rapidement décider si elles se contentent d’une opération de « police » et d’aide humanitaire, ou si elles entendent renouer avec le travail mené par l’ONU entre 1995 et 1997 pour créer les fondations d’un Etat de droit : police, justice et administration. Si elle veut alors pouvoir s’appuyer sur des forces locales, la communauté internationale devra soutenir les mouvements communautaires, seuls capables d’amorcer une démocratie participative - et surtout de contrôler les fonds qui pourraient être injectés dans le pays.

Dans ce cas, une intervention de longue haleine avec des forces nombreuses sera nécessaire. Sa composition - pour la rendre crédible - devra comporter le moins possible d’éléments américains. Ce qui sera toujours difficile à faire accepter dans une zone considérée à Washington comme son arrière-cour.

Christophe Wargny
(1) M. Louis-Jodel Chamblain, notamment, fut l’un des dirigeants du Front pour l’avancement et le progrès en Haïti (FRAPH), milice paramilitaire au service de M. Cedras. Ces escadrons de la mort se sont rendus coupables de nombreux assassinats sous la direction d’Emmanuel « Toto » Constant, lui aussi de retour en Haïti.

(2) Le groupe des parlementaires afro-américains.

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