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Les leçons d’octobre

2 mars 2015, 17:24

« Avec le recul de l’histoire, l’insurrection d’Octobre apparaît beaucoup plus planifiée et monolithique qu’elle ne le fut en réalité. Il ne faut pas voir, en réalité, une insuffisance dans les hésitations, dans la recherche de voies parallèles, ni dans les initiatives fortuites qui n’ont pas eu de développement ultérieur. Ainsi, à la réunion improvisée du comité central du 16 octobre, on prit la décision de remplacer le conseil constituant l’état­-major de l’insurrection par le « centre » auxiliaire du parti, composé de Sverdlov , Staline, Boubnov, Ouritsky, et Dzerjinsky . Au même moment, à la session du conseil de Petrograd, fut créé le comité militaire révolutionnaire, qui développa, dès le début de son existence, une activité si résolue dans la préparation de l’insurrection, que le « centre »dont le projet avait été formé la veille fut complètement oublié, y compris par ses propres membres. Nombre d’improvisations semblables ont sombré dans le tourbillon de ce temps ! Staline n’est jamais entré au comité militaire révolutionnaire, il ne s’est pas montré à Smolny, c’est‑à‑dire à l’état‑major de la révolution, il n’a été lié en rien aux préparatifs de l’insurrection, mais est resté à la rédaction de la Pravda, écrivant des articles ternes, que peu de gens lisaient. Personne, au cours des années qui ont suivi, n’a évoqué le « centre pratique ». Dans les mémoires rédigées par des acteurs de l’insurrection ‑ et il n’y a pas d’oublis dans ce genre d’écrits ‑, le nom de Staline n’est jamais cité. Staline lui-même, dans un article publié dans la Pravda du 7 novembre 1918, à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution d’Octobre, énumérant tous les organismes, et toutes les personnes ayant pris part à la révolution, ne dit pas un mot du « centre pratique ». Et pourtant, un vieux procès‑verbal de protocole, découvert par hasard en 1924 et assorti d’un commentaire mensonger, a servi de base à la légende bureaucratique. Dans tous les ouvrages de référence, les notices biographiques, et même dans la dernière édition des manuels scolaires, figure le « centre » révolutionnaire, avec, à sa tête, Staline. Personne, en l’occurrence, ne s’est soucié, ne serait-ce que par décence, de nous expliquer où et quand siégeait ce centre, quels ordres il donnait, et à qui, s’il a établi des protocoles, et où ils se trouvent. Nous avons là tous les éléments des procès de Moscou. »

Léon Trotsky, Art et révolution, 1938

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