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La gauche au parlement et l’extrême gauche opportuniste au syndicat sont aussi trompeurs pour le prolétariat que les réformistes de gouvernement

10 juillet 2022, 08:09, par Alex

Reconnaissons la contribution théorique de LO et de la Fraction au vocabulaire opportuniste (nous sommes d’accord concernant une politique contre la guerre impérialiste en Ukraine, mais le temps "opportun" pour une telle politique n’est pas encore venu)

Lutte Ouvrière écrit, concernant une propagande antimilitariste, qu’il faut attendre d’être en guerre pour (éventuellement) la mettre en pratique :

À ce propos, une organisation révolutionnaire doit être prête à agir de façon illégale si cela devient le seul moyen pour elle de combattre la propagande du gouvernement et de l’armée. La discipline qui règne dans les casernes comme dans les usines en période de guerre rend nécessaires, pour militer, des mesures qu’on ne peut pas définir abstraitement à l’avance, mais qu’il faut être moralement prêt à adopter.

https://mensuel.lutte-ouvriere.org//2022/06/26/les-revolutionnaires-face-la-guerre-en-ukraine_367113.html

Ce concept des "mesures qu’on ne peut pas définir abstraitement à l’avance" (de telles mesures définies abstraitement à l’avance, on en trouve à la fin du Manifeste, c’est ce qu’on appelle un programme politique, on en trouve aussi dans un programme scolaire, un horaire de bus ou de train, le mode d’emploi d’un aspirateur) est concurrencé par la Fraction qui se gausse des "phrases sur le papier" (comme les livres ?) ou des "échafaudages hors-sol" :

qui peut ignorer qu’en raison de la faiblesse de l’extrême gauche ukrainienne et internationale, les grandes lignes d’une telle politique restent des phrases sur le papier Il s’agit de se poser les problèmes, de chercher des relais et des axes pour une politique indépendante du prolétariat, mais aussi de se méfier des échafaudages hors sol.

https://www.convergencesrevolutionnaires.org/La-guerre-de-Poutine-contre-l-Ukraine-sur-fond-de-rivalites-imperialistes

Ce qu’on appelle des programmes, rebaptisés par la Fraction "des phrases sur le papier" sont envisagées par la Fraction, concernant la guerre en Ukraine, seulement pour l’Ukraine et la Russie, ce qui rend certes les choses plus difficiles. Mais bien que "l’ennemi principal est dans notre pays", les questions dues à l’armée ne se poseraient donc pas en France ? Sans parler de textes adressés aux soldats, le NPA vient de faire campagne avec LFI, plein de patriotes et défenseurs de l’armée française, il n’y a pas moyen de s’adresser à eux à propos de l’histoire de l’armée française ? Le livre de Marty sur les révoltes de la Mer Noire n’est pas à distribuer à des milliers d’exemplaires ?

La Roumanie et l’Ukraine sont en fait beaucoup moins "hors-sol" pour la population française que le Mali ou la Birmanie, voire même la Guadeloupe, car ce sont des blancs européens qui meurent ! Le soutien aux réfugiés ukrainiens en France de la part d’une partie de la population ne se dément pas, à une échelle bien plus large que le soutien (ou son absence) qu’on constate pour ceux venus d’Afrique ou d’Asie. Vêtements, nourriture sont encore distribués anonymement depuis des mois. Des maires de villes sentant cette pression continuent à prendre des mesures pour aider ces réfugiés, s’expriment sur l’Ukraine dans leur journal local.

Ce qui est répugnant dans les textes de M. Verdier pour la Fraction (car pour elle, un programme révolutionnaire n’a pas toujours été "des phrases sur le papier", alors que ça l’est pour la plupart des militants plus récents de la Fraction, qui préfèrent Netflix à Lénine) c’est de faire semblant de s’appuyer sur des raisonnements marxistes ... pour se rallier à la position du NPA . Par exemple le fait que "l’Ukraine est une démocratie et la Russie un Etat néo-fasciste", qui est un résumé de la position du NPA, est un argument avancé par le NPA contre le renvoi dos-à-dos de l’OTAN et de la Russie. Le NPA fait sans le dire une analogie avec la guerre des "démocraties contre le fascisme" de 39-45, où il fallait d’après le NPA soutenir "les démocraties" . M Verdier reprend cette position du NPA, avec un emballage marxiste pour en faire cadeau aux militants de la Fraction :

La position « Ni Poutine ni Otan » est critiquable (...) elle minorise la responsabilité de Poutine (...) on ne se retrouve en aucune façon dans un contexte de conflit inter-impérialiste où le « défaitisme révolutionnaire » s’imposerait. La situation est plus complexe.

Bref, travailleurs, tout cela est trop "complexe" pour vous ! Au lieu de sous-entendre cela des marxistes rappelleraient au passage " le défaitisme révolutionnaire fût la politique de Lénine face à la guerre impérialiste en 1914, qui permit à son parti bolchévique de mener la première révolution victorieuse du prolétariat en Octobre 1917. Ce défaitisme révolutionnaire est une théorie si complexe (sur le moment) que même Trotsky mit du temps à s’y rallier, nous vous invitons à donc lire et discuter leurs textes de l’époque. Cette théorie est assez simple pour nous car on voit comment elle a été mise en place, on connaît tout son déroulement. Nous sommes toujours d’accord avec cette théorie de Lénine et la mise en pratique qu’il en fit. Mais nous nous posons la question de savoir si elle est transposable aujourd’hui en général, à la guerre en Ukraine en particulier, puisque l’Ukraine est un champ de bataille entre les impérialismes russe et américain (en 1914 on avait en Ukraine l’impérialisme allemand contre l’impérialisme russe). " Ces rappels qui clarifieraient les choses vaudraient des coups de baguette sur les doigts de la Fraction, le bonnet d’âne lors des congrès, des blagues méchantes de la part de la camarade Mimosa (vous faites la chasses aux réformistes !) c’est pourquoi on ne les lira pas sous la plume de la Fraction.

La Fraction en rajoute une couche en sous-entendant que si vous prenez cette position "Ni OTAN, ni Poutine" (qui est pourtant juste, si on le dit du point de vue du marxisme, du défaitisme révolutionnaire), vous faites comme le régime Algérien, comme les dictateurs africains (oui les marxistes défaitistes sont mis dans le même panier !) le jeu de l’extrême droite. Car cette position

“Elle est adoptée par des régimes de « pays du sud » comme l’Algérie, par une certaine « gauche » en France (PCF ou LFI) comme par une partie de l’extrême gauche dans le monde, et elle minorise la responsabilité de Poutine, exprime un « anti-américanisme » largement partagé sur la planète mais qui n’a rien à voir avec un positionnement de classe, qui exprime en réalité un nationalisme qui peut être « de gauche » comme de droite ou d’extrême droite.”

Voilà, M. Verdier donne le moral aux militants de la Fraction : nous menons bien la lutte contre LFI et le PC grâce à notre rejet si subtil (le marxisme est complexe) du "défaitisme révolutionnaire" de Lénine : nous sommes bien une aile gauche du NPA qui en fera ce qu’il ne veut pas être : un parti révolutionnaire se démarquant du PC, de LFI et du Tiers-Mondisme. Le NPA ex-LCR a justement toujours soutenu ces types de courants, mais c’est exactement contre ces type de courants que nous luttons, tout en cautionnant complètement le NPA. Nous démontrons grâce au marxisme qu’objectivement, le NPA a des positions sur l’Ukraine qui l’opposent à LFI et au PC !

Avec de tels tours de passe-passe pseudo-marxistes, la Fraction risque, collectivement, de détrôner Martov dont Trotsky disait :

Je doute qu’il y ait jamais un politique socialiste qui aura su exploiter le Marxisme avec autant de talent pour justifier sa propre fuite et ses trahisons envers la doctrine. Sous ce rapport, Martov peut être considéré comme un virtuose. D’autres plus instruits que lui, tels que Hilferding, Bayer, Renner et même Kautsky n’étaient que des « sous-maîtres », comparés à Martov sur le plan de la falsification politique du Marxisme, c’est-à-dire en représentant la passivité et l’esprit de capitulation comme les formes suprêmes de l’impitoyable lutte des classes.

Oui, c’est le moment de rappeler que le “défaitisme révolutionnaire” (qui fût longtemps "des phrases sur le papier", une théorie "hors-sol", puis conquis 1/6ème des terres émergées du globe) est un acquis théorique et pratique du marxisme révolutionnaire, pas une “abstraction définie à l’avance” comme le prétend LO (pour ne pas se faire exclure des listes CGT aux élections professionnelles) . En ne rappelant pas ce fait (pour ne pas se faire exclure du NPA), les discussions de la Fraction sont du bla-bla centriste. Car c’est un procédé des centristes, de se référer en permanence au marxisme, pour se poser en "experts en marxisme" utile aux réformistes, sans préciser s’ils sont partisans eux-mêmes des théories marxistes auxquelles ils font référence. M. verdier adopte ce style, en faisant une référence savante au défaitisme révolutionnaire de Lénine ... sans rappeler si la Fraction est Léniniste ou ne l’est plus. C’est évident que M. Verdier est encore Léniniste ?

Le “défaitisme révolutionnaire” ne s’applique pas en Ukraine d’après la fraction ? Ca c’est une innovation théorique ! Au lieu d’un vague “La situation est plus complexe”, ce type de reniement d’un des points fondamentaux du programme révolutionnaire en cas de guerre inter-impérialiste mériterait un article entier. Car oui les choses sont complexes, l’Ukraine est comme une colonie de la Russie depuis en gros les traités de Pereiaslavl (1654) et Androunoussovo (1667), on ne peut donc pas renvoyer dos-à-dos Russie et Ukraine. Mais Zelenski ne mène pas une guerre de libération nationale, il fait de son armée une division de l’impérialisme. Oui la situation est complexe, le socialisme doit être scientifique, on le sait depuis Marx et Engels.

M. Verdier ne fait que s’aligner subtilement sur la position du NPA (qui reprend le discours pro-ukraine, anti-russe de l’impérialisme des USA) au détour d’une phrase. Le NPA sait lire, c’est une capitulation théorique de la Fraction qui est à lire entre les lignes. Car M. Verdier est une des militantes de LO qui dans les années 90 a écrit des kilomètres de thèses, excellentes, sur la nature de l’URSS (bourgeoise à partir de 1990), c’est ce qui donnât naissance à la Fraction dans LO. Pourquoi ne justifie-t-elle pas par de longs articles ce point fondamental : abandon du renvoi dos-à-dos des différents impérialismes ? Nous lirions avec intérêt ces textes de la Fraction. Mais la Fraction a abandonné la lutte pour les idées. De la part de groupes qui comme la Fraction n’osent plus parler de dictature du prolétariat, des soviets, de défaitisme révolutionnaire, d’abolition du salariat, de la guerre de libération de l’Ukraine menée par Lénine et Trotsky (conclue par le Traité de Riga, 1921), qui reste notre modèle pour une potentielle guerre de libération de l’Ukraine aujourd’hui (le prolétariat seul pouvant en prendre la tête), il n’ y a pas à attendre grand-chose malheureusement.

En restant clairement sur un terrain marxiste, au lieu du contraire, la Fraction pourrait initier des discussions parmi les marxistes, ces discussions qui manquent, entre groupes qui peuvent avoir des analyses différentes malgré leurs références communes.

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