Accueil > ... > Forum 53198

De la défensive à l’offensive. Les prolétaires de Guadeloupe et de Martinique nous montrent la voie. Suivons-la.

7 décembre 2021, 05:46, par Agathe

Aux Antilles françaises, en Guadeloupe et en Martinique, un mouvement social explosif est en marche depuis des semaines. Tout a commencé par de grandes manifestations cet été lorsque le gouvernement a imposé la vaccination obligatoire sur les lieux de travail et l’institution d’un laissez-passer sanitaire. Mais ce qui a déclenché une révolte populaire tous azimuts, c’est la suspension d’environ 2 000 agents de santé et pompiers, qui ont refusé de se faire vacciner. Aux Antilles, la situation doit être comprise dans les termes existant dans les territoires coloniaux qui font formellement partie de la France. La méfiance à l’égard du gouvernement est fondée sur un fond de litanie d’insultes et de traitement de citoyens de seconde zone ; la situation était une poudrière attendant une étincelle. Pendant la pandémie, le gouvernement a économisé de l’argent en laissant les hôpitaux sans le strict nécessaire tandis que le personnel était obligé d’aller travailler sans équipement de protection. Désormais, forcer les gens à se faire vacciner pour protéger la santé de la population relève de l’hypocrisie totale. A cela s’ajoute un énorme scandale en Guadeloupe et en Martinique autour de l’utilisation du chlordécone dans toutes les Antilles, un pesticide cancérigène utilisé dans les bananeraies. Du fait de son utilisation généralisée, plus de 90 % de la population adulte de Guadeloupe et de Martinique a été empoisonnée, et les Antillais ont le taux de cancer de la prostate le plus élevé au monde. Son impact nocif était bien connu dans les années 1970, et interdit aux USA en 1976. Il n’a été interdit en France qu’en 1990 mais le gouvernement français l’a autorisé par dérogation aux Antilles à la demande des grands planteurs de leur donner il est temps de vendre leur stock ! Le pesticide persistera dans le sol pendant encore 700 ans. Comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi actuellement un scandale d’approvisionnement en eau et une crise qui en résulte alors que les habitants de l’île sont confrontés à des pénuries d’eau potable… au milieu d’une pandémie. Pendant des décennies, le système d’eau n’a pas été entretenu. Les opérateurs ont réalisé des bénéfices sans effectuer les travaux de maintenance nécessaires. Résultat, 60 % de l’eau potable s’écoule dans le sol et la population est confrontée à des robinets qui tarissent régulièrement. Dans ce genre de contexte, la parole des autorités gouvernementales en matière de santé publique ne vaut pas grand-chose dans l’esprit des travailleurs et des masses pauvres des îles. Alors que la vaccination est un moyen puissant de lutter contre l’épidémie, les méthodes autoritaires pour l’imposer ne réussiront pas. En Guadeloupe et en Martinique, les revendications initiales opposées à la vaccination obligatoire et aux cartes sanitaires ont rapidement été dépassées par les revendications économiques. La situation économique est terrible, et bien pire qu’en France métropolitaine : 17 % de chômage et près de 50 % de jeunes au chômage, et 34 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, bas salaires, petites pensions de retraite, et prix très élevés – beaucoup plus élevé qu’en métropole. Le résultat est une situation explosive. Depuis le 15 novembre avec l’appel à la grève générale de la plupart des syndicats et organisations politiques populaires, les deux îles sont paralysées par des blocus et des grèves. Une liste de 32 revendications a été dressée, dont la fin de la vaccination obligatoire, des augmentations massives des effectifs des hôpitaux, des ressources matérielles pour la santé, et bien d’autres revendications économiques. Dans un premier temps, la réponse du gouvernement a été d’envoyer des forces répressives pour lever les barrages et arrêter les jeunes qui incendiaient des voitures et des magasins. Mais face à l’indignation, la répression gouvernementale commence à reculer. A l’heure où nous écrivons ces lignes (1er décembre), le gouvernement a déjà légèrement cédé sur deux points : il a repoussé la date de vaccination du personnel au 31 décembre et annoncé la création de 1 000 emplois aidés pour les jeunes, ainsi que le cancer de la prostate enfin reconnu comme maladie professionnelle, une demande populaire depuis des décennies. C’est une première victoire, mais pas la quasi-totalité de ce pour quoi la population se bat. Lundi 29 novembre, le ministre français des Outre-mer s’est envolé pour la Guadeloupe, soi-disant pour négocier avec les organisations de travailleurs. Mais il a exigé par avance que ces organisations condamnent la violence des manifestants, ce qu’elles ont bien sûr refusé de faire. Quatre porte-paroles syndicaux ont simplement remis le programme de revendications au ministre et ont exigé qu’il rencontre tous les délégués syndicaux ensemble plutôt que seulement six d’entre eux, comme il le souhaitait. La discussion a duré 10 minutes. Depuis, une réunion a été annoncée entre les syndicats, les organisations professionnelles et le représentant de l’Etat, pour tenter de trouver des réponses à la crise. À ce stade, les blocus et les grèves se poursuivent.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.