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Victor Hugo et la révolution

2 juin 2019, 07:10

Cette année, aux jours de mai, sombres anniversaires de l’hécatombe, les morts vont vite ! Trois tombes viennent de s’ouvrir :

Victor Hugo !

Amouroux !

Cournet !

Toutes trois rappellent 71 : Amouroux traîna le boulet du bagne en Nouvelle-Calédonie ; Cournet fut proscrit, et la proscription fut la portion la plus malheureuse peut-être des vaincus ; Victor Hugo offrit sa maison, à Bruxelles, aux fugitifs de l’abattoir.

C’est pourquoi l’idée de faire parler sur cette tombe M. Maxime Du Camp, pourvoyeur des tueries chaudes ou froides, me fait horreur.

Tout enfant, j’ai envoyé des vers à Victor Hugo ; je lui en ai envoyé toute ma vie, sauf depuis le retour de Calédonie. Pourquoi faire ? Le maître était fêté par tous, même par ceux qui, autrefois, étaient loin de le fêter ; je n’avais nul besoin d’assister aux jours joyeux. Mais, sur la tombe où osera parler M. Du Camp de Satory, je reviens, criant de la prison, comme les morts crieraient s’ils sentaient à travers le néant, à travers la terre : « Arrière ! les bandits ! Salut au barde qui maudissait les bourreaux ! »

AUX MÂNES DE VICTOR HUGO

« Tu peux frapper cet homme avec tranquillité. »

Victor Hugo.

Aux survivants de Mai, dans la grande hécatombe,

Il offrit sa maison ; aujourd’hui, sur sa tombe,

C’est Maxime Du Camp,

Du Camp de Satory ! qui prendra la parole.

Pourquoi, pour saluer ce barde au Capitole,

Un front marqué de sang ?

De ce sang des vaincus, qui fit horreur au maître ;

Non pas dans les combats, mais après, comme un traître.

Comme à la chasse un chien

Fait lever le gibier, ce mouchard volontaire,

Six ans nous l’avons vu, pour les conseils de guerre,

Chasser au citoyen !

Le bourreau Gallifet se montre face à face ;

On sait les quinze noms de ceux du coup de grâce ;

Dans l’abattoir sanglant

Ils n’ont fait que tuer ; lui, jetait de la boue

À ceux qu’il indiquait pour qu’on les mît en joue,

Lui, Maxime Du Camp !

Du Camp de Satory ; on peut frapper cet homme

Avec tranquillité, pas comme un autre, en somme,

Mais en le souffletant.

Car ce n’est qu’un défi, sa parole honteuse,

Comme un crachat jeté à la foule houleuse

Qui l’entoure en grondant.

Sous les arbres en fleur, au rouge anniversaire,

Comme une insulte à ceux qui dorment sous la terre,

Il ne parlera pas.

O maître ! nous veillons des tombes et des geôles ;

Sur toi ne tombera nulle de ses paroles

Et nul bruit de ses pas.

Ah ! de la part des morts, de la tombe béante,

Le peuple jettera, fétu dans la tourmente,

Le sinistre histrion.

Qu’il aille sous le vent terrible des colères,

Sous le vent qui dans l’air fait craquer nos bannières,

Qu’il aille, ce haillon !

Peut-être que ce sera au Père-Lachaise.

Maxime Du Camp de Satory parlant au Père-Lachaise ! Devant le mur blanc des fusillés ! Ce monstre, qui servit pendant plus de six ans de pourvoyeur aux bourreaux, le faisait par plaisir et non comme les misérables vulgaires, qui le font la plupart pour nourrir leurs petits. Que de choses fait faire aux misérables la nichée qui meurt de faim ! Lui, Maxime Du Camp de Satory, il faisait pour son plaisir lever les vaincus devant les vainqueurs !

Je l’avais un peu oublié, au milieu de tant de douleurs. L’épouvantable idée de le dresser devant nous aux jours de Mai m’a rappelé ses crimes.

Peut-être on trouverait là le juste châtiment s’il osait s’y montrer.

Là-bas, en Calédonie, sur un rocher énorme, ouvrant comme une rose géante ses pétales de granit tachés de petites coulées noires de lave pareilles à des filets de sang noir, est une strophe d’Hugo que j’y ai gravée pour les cyclones :

· · · · · · · ·

Paris sanglant, au clair de lune,

Rêve sur la fosse commune.

Gloire au général Trestaillon !

Plus de presse, plus de tribune,

Quatre-vingt-neuf porte un bâillon ;

La Révolution, terrible à qui la touche,

Est couchée à terre ; un Cartouche

Peut ce qu’aucun Titan ne put.

Escobar rit d’un rire oblique.

On voit traîner sur toi, géante République,

Tous les sabres de Lilliput ;

Le juge, marchand en simarre,

Vend la loi.

Lazare ! Lazare ! Lazare !

Lève-toi !

Victor Hugo.

Que cette strophe, ô maître, s’effeuille sur ta tombe !

Louise Michel, Mémoires

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