Accueil > ... > Forum 43554

Scandales industriels : qui empêchera les trusts de mentir, de nuire, de détruire, de tuer ?

27 novembre 2018, 06:30

L’inertie des pouvoirs publics agace les associations de victimes. "Des chirurgiens ont dit lors de réunions avec les autorités : ‘Vous ne pourrez pas dire qu’on ne savait pas  !’, raconte Joëlle Manighetti, une ancienne cadre de santé victime de l’affaire PIP. Malgré ça, il ne se passe rien, on attend…", se désole-t-elle.

Laurent Lantiéri est encore plus critique à l’égard des autorités sanitaires. "On fait des réunions tous les ans pour constater la même chose que l’année précédente. Je pose la question : à quoi servent ces réunions  ? On nous présente des PowerPoint, les uns derrière les autres, et l’année suivante on a de nouveau un PowerPoint qui nous dit ‘on a ça, on a ça’ et il ne se passe rien. Mais rien du tout  !", peste le chirurgien.

Comme d’autres femmes qui ont eu des complications après la pose d’implants PIP, Joëlle Manighetti se bat auprès des autorités sanitaires pour la mise en place d’un moratoire sur les prothèses, le temps de mener des études épidémiologiques de grande ampleur. "Quand j’ai dit ça lors d’une réunion du comité de suivi des victimes de PIP, un chirurgien esthétique m’a répondu  : ’Si on décide d’un moratoire sur les implants mammaires, nous, on fait quoi pendant ce temps-là  ?’, raconte Joëlle Manighetti. C’est vrai que c’est leur deuxième intervention la plus lucrative et la plus répandue, je peux entendre qu’ils ne veulent pas être au chômage..."

Joëlle Manighetti raconte la suite de l’échange avec ce chirurgien : "Je lui ai dit  : ’Ça ne vous dérange pas en tant que médecin d’implanter dans des corps de femmes des dispositifs qui risquent de leur poser des problèmes de santé  ?’ Il m’a dit  : ’Non. Il faut mesurer le bénéfice-risque. Moi, je leur fais du bien dans la mesure où elles sont contentes d’avoir retrouvé un corps qui leur plait et de se sentir bien dans leur peau.’ Peut-être, mais ces femmes n’étaient pas malades avant, dit gravement Joëlle Manighetti. Maintenant, elles sont malades."

Interrogé par les médias français partenaires de l’ICIJ, Jean-Claude Ghislain, le directeur adjoint de l’ANSM nous a annoncé le 16 novembre que la sûreté des implants mammaires serait réévaluée début 2019 à l’issue d’auditions publiques sur le sujet. Quelques jours plus tard, au moment où nous bouclions nos enquêtes dans le cadre du projet "Implant Files", l’ANSM décidait finalement de prodiguer des recommandations aux chirurgiens plastiques, leur demandant de préférer poser des implants lisses plutôt que des texturés, dans l’attente des auditions publiques du mois de février.

De son côté, la Société française de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SoFCPRE) a également pris position à l’ouverture de son congrès annuel, préconisant aux chirurgiens de ne plus utiliser la prothèse macrotexturée Biocell de la marque Allergan. Selon les chiffres avancés par cette société savante, cet implant mammaire à l’enveloppe hyper rugueuse se retrouverait dans l’historique des implantations chez 85% des femmes ayant développé un lymphome. Mais pour la SoFCPRE, il n’y a pas lieu, en l’état actuel des données, de suspendre la pose des prothèses mammaires texturées en France.

D’ailleurs, la plupart des chirurgiens que nous avons pu interroger lors de ce congrès nous ont avoué qu’ils ne suivront pas les recommandations de l’ANSM et qu’ils continueront à poser des implants microtexturés voire macrotexturés. Car, Allergan mis à part, il n’y aurait pas de doute à avoir sur l’ensemble des fabricants. "Si vous mettez tout le monde dans le même sac, il y aura quelques fabricants qui seront incriminés dans l’arrivée du lymphome et tous les autres, qui n’ont rien à voir dans l’histoire, et auront été incriminés par erreur, prévient Sébastien Garson, président du Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (SNCPRE). Moi, je continuerai à utiliser des microtextures et des macrotextures qui donnent des réponses thérapeutiques satisfaisantes."

Montré du doigt par les chirurgiens, le groupe Allergan semble vouloir minimiser. "Il est important de noter qu’en raison de la faible fréquence du lymphome anaplasique lié aux implants mammaires, la SoFCPRE ne recommande pas l’ablation des implants macrotexturés chez les patients qui en ont déjà", nous répond le géant des cosmétiques par mail. Et il l’assure : "La sécurité des patients est la priorité absolue d’Allergan".

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.