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Luttes de classe en Chine

18 octobre 2018, 07:54, par Éric Meyer

Une méthode de revendication sans précédent vient d’apparaître en Chine pour piéger la police. Le 7 juin dernier, les camionneurs ont appelé par le biais des réseaux sociaux à la grève. Date prévue : le 10 juin. Or, le jour dit, ils ont annulé leur mouvement, non sans avoir lancé entre-temps des actions à travers dix provinces, impliquant des milliers de semi-remorques bardés de slogans comme « Halte au diesel cher » et bloquant les avenues en klaxonnant, selon des témoignages recueillis par le « China Labor Bulletin ». En dépit de la censure et de l’interdiction de se constituer en syndicat libre, les organisateurs ont réussi à faire entendre leurs doléances au-delà de leurs espérances.

Hausse du prix du diesel

Derrière l’action des routiers se trouve une hausse du prix du carburant de 25% en une année, à 1 fr. 08 le litre. Une multitude de taxes et de péages insupportables se sont accumulés, comme des amendes arbitraires prélevées en cash et sans reçu. Les camionneurs les plus chanceux se protègent en roulant avec de « vraies fausses » plaques militaires. Les autres ne parviennent à joindre les deux bouts qu’en roulant en surcharge et en vivant à bord de leur camion.

Le gros de la colère s’élève contre le groupe Manbang, un monopole organisé par l’État. Manbang « fédère » 5,2 millions de chauffeurs en leur distribuant leurs courses sur leurs smartphones. Quatre jours avant l’annonce de la grève, Manbang avait lancé un système adjugeant les courses par « enchères négatives ». « Dès lors, déclare Tan Jiangying, chercheur en conflits du travail en Chine, des millions de camionneurs ont perdu leur pouvoir de négociation. Sur l’écran de leur téléphone portable, ils ont découvert les courses disponibles et étaient obligés d’offrir le tarif le plus bas pour pouvoir travailler. » Or, un sondage réalisé en 2016 est formel : 71% des routiers sont propriétaires de leur camion, endettés jusqu’au cou et tremblent de voir la banque le saisir à défaut de remboursement.

Cette manifestation nationale avait un petit air de déjà-vu : à la fin du mois d’avril, des milliers de grutiers avaient bloqué leurs engins dans vingt provinces en employant la même tactique. Dans le cas des grutiers comme des camionneurs, la police a donc agi avec prudence, craignant une explosion de violence chez ces professionnels poussés au désespoir et dont certains auraient pu lancer leurs véhicules contre des édifices publics ou dans la foule.

Ces grèves sauvages l’illustrent : plusieurs catégories de travailleurs commencent à s’organiser contre le patronat et l’État. Leurs actions de défense syndicale deviennent une condition de survie, et les autorités, malgré la censure, ne peuvent plus les en empêcher. Signe d’un accroissement de la tension sociale, d’autres mouvements sociaux couvent. Après les grutiers et les camionneurs, la prochaine grève pourrait venir des livreurs de repas. Ils sont sept millions à travers la Chine, très mal payés et en colère.

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