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Luttes de classe en Chine

22 avril 2018, 08:48

Début avril, une centaine de nettoyeurs de rue ont effectué un sit-in de quatre jours devant un bâtiment administratif à Shanghai, pour protester contre une baisse de leur salaire. En mars, ce sont les employés d’une usine de Guangzhou produisant des sacs à main pour la marque de luxe Michael Kors qui ont fait grève durant huit jours. Ils ont exigé un salaire minimum de 3500 yuans par mois (532 francs), ainsi que le paiement rétroactif de cotisations sociales que leur employeur avait omis de verser.

Les grèves sont devenues plus sophistiquées. Les employés s’organisent et coordonnent leurs actions avec l’application WeChat.

Les nettoyeurs de rue sont en général engagés avec des contrats temporaires, reçoivent de maigres paies et font un métier dangereux, risquant à tout moment de se faire renverser par une voiture.

Phénomène plus large : la hausse du nombre de grèves à l’échelle du pays. Sur les trois premiers mois de l’année, il y en a eu 457, contre 233 durant la même période en 2017, soit une hausse de 96%, selon un recensement effectué par le China Labour Bulletin. En 2011, il y en avait eu moins de 200 sur l’ensemble de l’année. La majorité a eu lieu dans les grandes villes côtières, notamment dans les hubs industriels de Guangzhou et Shenzhen.

Mais un nombre croissant de grèves se déroulent dans les provinces intérieures du pays, comme le Henan, le Shanxi et l’Anhui, où de nombreuses usines se sont installées ces dernières années pour profiter des salaires plus bas », souligne Geoffrey Crothall. L’industrie des services (restaurants, hôtels, parcs d’attractions, livreurs) compte également de plus en plus de travailleurs mécontents.

Dans 80% des cas, les revendications portent sur le non-paiement de salaires ou de cotisations sociales, comme la caisse de pension ou la subvention au logement que chaque travailleur est en droit de toucher. « En Chine, très peu d’employeurs prennent la peine de verser ces contributions », indique Geoffrey Crothall. De même, de nombreuses start-up se créent dans des domaines saturés, comme la livraison à domicile ou les vélos partagés, débouchant sur des faillites et des salaires non payés.

Le niveau des salaires est également source de disputes : ils ont fortement augmenté il y a une dizaine d’années mais stagnent depuis, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter », explique Jonathan Isaacs, un avocat spécialisé dans le droit du travail chinois. Certains travailleurs touchent à peine 3000 yuans par mois (456 francs), ce qui n’est pas assez pour survivre dans une grande ville chinoise.
Lorsque les producteurs de biens à faible valeur ajoutée, à l’image des vêtements, des chaussures ou des jouets, quittent la Chine au profit de destinations moins onéreuses comme le Vietnam, le Bangladesh ou l’Indonésie, cela génère aussi des mouvements de protestation.
Les travailleurs qui décident de faire grève doivent se débrouiller tous seuls. « Les syndicats officiels sont contrôlés par le Parti communiste et cherchent plutôt à éviter la confrontation », souligne Jonathan Isaacs. Mais un réseau d’ONG et d’activistes a vu le jour ces dernières années pour conseiller les travailleurs. « Les grèves sont devenues plus sophistiquées, dit l’avocat. Les employés s’organisent et coordonnent leurs actions avec l’application WeChat. Ils pointent aussi avant de faire grève, ce qui rend difficile l’identification des participants.

Quant aux autorités, elles laissent le patron trouver une solution avec ses employés, ce qui débouche en général sur une solution hâtive qui ne règle pas le problème de fond. Mais si les travailleurs en colère se mettent à bloquer une rue ou à protester au centre-ville, le gouvernement intervient, en envoyant la police et en procédant à des arrestations. Aux yeux de l’Etat, tout signe de contestation sociale doit en effet être étouffé dans l’œuf pour ne pas donner des idées à d’autres citoyens.

De nombreuses ONG d’aide aux travailleurs ont également été interdites et leurs employés arrêtés. Les récits et les vidéos des participants à ces mouvements de contestation, publiés sur les réseaux sociaux, sont aussitôt effacés par les autorités. « Pour contourner la censure, certains protestataires se sont mis à remplacer le mot grève par des synonymes comme arrêt de travail.

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