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La révolte gronde en Guyane

31 mars 2017, 08:34

Aucun recul sérieux du gouvernement, à part de belles excuses de la ministre ( !), deux jours après « la plus grosse manifestation de l’histoire de la Guyane », de l’aveu même de la préfecture. Mardi, plus de 10.000 personnes ont battu le pavé à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni, ce qui a permis de renforcer et de légitimer le mouvement des protestataires « Pou La Gwiyann dékolé » (« pour que la Guyane décolle »), qui compte des collectifs contre la délinquance et pour l’amélioration de l’offre de soins, notamment les « 500 frères contre la délinquance », connus pour leur port de la cagoule, et l’Union des travailleurs guyanais (UTG), qui regroupe 37 syndicats.

Alors que les discussions devaient commencer à 9 heures locales, le collectif des "500 frères", soutenu par des centaines de manifestants, avait d’abord exigé, et obtenu, le retrait du dispositif de sécurité érigé face à la préfecture, menaçant de se retirer des négociations. "Le combat ne fait que commencer", avait prévenu mercredi soir Mickaël Mansé, un porte-parole des "500 frères", mouvement très actif depuis le début du conflit il y a dix jours. "Quel que soit le gouvernement" qui sortira des élections, "ils nous doivent les infrastructures que tous les autres départements français ont !" a asséné Mickaël Mansé devant des centaines de personnes réunies sur un rond-point de Cayenne, qui scandaient, dans une ambiance festive, "nou bon ké sa" - "ça suffit" en créole. Et le porte-parole, très remonté contre Paris, de lister les besoins de la Guyane en termes de prison, de justice et de police.

Les seuls points validée par l’exécutif français, c’est ceux concernant la montée de la répression !!! Mercredi, le Premier ministre Bernard Cazeneuve a acté la création d’un Tribunal de grande instance et d’un centre pénitentiaire à Saint-Laurent du Maroni, la deuxième ville du territoire, ainsi que la suspension de la cession du centre médical de Kourou. Le préfet Jean-François Cordet, qui pilote une mission de hauts fonctionnaires envoyée par Paris, active depuis samedi en Guyane, avait annoncé lundi le renfort de "25 policiers, 23 gendarmes", ou "la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne". Ericka Bareigts et la ministre de la Santé Marisol Touraine ont validé mercredi une aide de fonctionnement exceptionnelle de 20 millions d’euros à l’hôpital de Cayenne, en difficulté financière.

Tout a commencé avec la dernière loi de Finances rectificative de 2016, qui a revu l’assiette de l’octroi de mer, une taxe qui finance la Région, brusquement privée de plusieurs dizaines de millions d’euros de revenus. "Vous nous reprenez d’une main ce que vous nous avez donné de l’autre", protestent alors les élus, qui mettent en garde Paris contre cette chute brutale de leur marge de manoeuvre, dans un département où la moitié des habitants ont moins de 25 ans et où le taux de RSA (revenu de solidarité active) tourne autour de 16 %, alors qu’elle est à 13 % en Seine-Saint-Denis...

Lorsque Ségolène Royal débarque à Cayenne, à moins de trois mois de l’élection présidentielle, pour lâcher un peu de lest, il est trop tard. Une brochette d’hommes cagoulés, membres du collectif dit des "500 frères" (de simples citoyens, mais aussi d’anciens gendarmes ou policiers, voire même des fonctionnaires en exercice, rassemblés sur le mode de la milice), font irruption dans la salle où s’exprimait la ministre et entrent en coup de vent dans l’histoire de la Guyane. Ils dénoncent la flambée des vols à main armée, des viols et des règlements de comptes (dont le nombre par habitant ferait de Marseille une cité paisible), mais ce sont tous les maux du département qui surgissent sur le tapis. Et toute l’autosuffisance de l’Etat qui se retrouve pointée du doigt, lui qui aura tergiversé de trop nombreuses heures avant de concéder à envoyer ses ministres sur place - le malheureux préfet dépêché en urgence, Jean-François Cordet, malgré toute la bonne volonté du monde, a été snobé dès ses premiers pas hors de l’aéroport de Cayenne.

"La mèche était allumée", témoigne Patrick Karam, qui se souvient d’un scénario à peu près similaire, sous Nicolas Sarkozy, en 2008. Les élus avaient alerté sur la flambée du prix de l’essence. Yves Jégo, chargé des Dom-Tom au sein du gouvernement de l’époque, les avait fait recevoir par son directeur de cabinet. Les Guyanais étaient aussitôt descendus dans la rue et le pouvoir avait cédé au bout de quelques jours. Dans la foulée, la surenchère s’était emparée de la Guadeloupe qui avait été bloquée pendant un mois. Et quand la rue prend le pas, le retour au calme finit toujours par coûter plus cher au gouvernement. Ce qui risque de se reproduire aujourd’hui, d’autant que d’autres départements d’Outre-mer pourraient "bouger" à leur tour, prédit Patrick Karam. Et faire part de leurs revendications à ce pouvoir socialiste pour lequel ils avaient massivement voté et qui leur a promis un bel avenir avec la grande "loi égalité". Un avenir radieux, mais bien trop lointain au regard des urgences auxquelles ils doivent faire face.

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