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Brexit : sortie de l’Europe ou fin de l’Europe, début de la nouvelle crise financière et des affrontements entre nations ou vers la sortie… du capitalisme ?

29 juin 2016, 10:44

La crise de 2007-2008 a révélé le caractère structurellement déficitaire du capitalisme financier. Sa survie à l’état de zombie depuis 9 ans exige un assistanat considérable et permanent par les QE (Quantitative Easy, formule américaine pour les injections de liquidités par les banques centrales). Pour cela, il faut trouver de nouveaux gisements de réduction de la masse monétaire globale afin d’éviter l’inflation. Trois nouvelles sources de dégonflement monétaire se sont révélées cette année : « l’uberisation » du travail, la baisse brutale des cours des matières premières et, enfin, la politique des taux négatifs par les banques centrales.

Soulevons d’abord le point du lancement de l’ « uberisation » des sociétés occidentales.
L’affrontement Uber vs taxis a fait l’actualité dans plus d’une dizaine de nations développées. Ce conflit emblématique et médiatique est l’expression de la formidable tension pour contrôler le nouveau monde en réseau qui émergera inéluctablement, comme le sait pertinemment le capital financier mondialisé. Il s’agit donc de le maîtriser. Visiblement, le choix est de verrouiller les flux numériques en possédant les HUB, les carrefours stratégiques, en faisant de ces plate-formes des passages obligés permettant aux individus, isolés en particules élémentaires, de travailler. La plate-forme possédée par le capital financier maîtrise l’encaissement et la clef de répartition entre la part du travail et la part du profit réservée au Capital. La part du capital, très importante dans le modèle d’Uber par exemple, est justifiée par l’organisation du dispositif du travail, le contrôle et la sécurité financière et du personnel. Cette nouvelle organisation du travail est possible uniquement par une aliénation totale, une sorte d’auto-contrôle permettant une exploitation sans intervention extérieure. Nous sommes au début d’un processus, sans d’ailleurs savoir si cette forme de rapport social peut être efficiente pour le capital à long terme. Nous assisterions, peut-être, à l’émergence du monde « bio politique » annoncé par Michel Foucault. Ainsi, l’extorsion de la plus-value serait intériorisée grâce à la disparition progressive du salariat et de son caractère coercitif archaïque. Cette forme d’aliénation serait subtile, impliquant une sorte d’évaporation du concept même de Travail, conduisant d’ailleurs à l’émergence d’un travail gratuit, dont la plate-forme serait la seule bénéficiaire en terme de profit. Sur ce dernier point, gageons que la prochaine étape du travail gratuit « à la mode Ikea » serait sans doute de faire réaliser la programmation, c’est-à-dire l’écriture des lignes de codes, par les internautes eux-mêmes. Notons que les systèmes scolaires des pays développés, notamment en France, ont décidé de mettre en place cette formation pour les élèves en fin d’école primaire.

Certaines études, peut-être commanditées à des fins promotionnelles, estiment que 30 à 40 % de la population active sera « uberisée » dans les vingt ans.

L’uberisation de la société est tendanciellement récessive et peut entraîner, à terme, une réduction des investissements par une réduction de la production d’objets de consommation. En effet, elle provoque une rétractation de la masse monétaire en circulation …d’où sa promotion actuelle par le capital financier. La mise en place des plate-formes numériques détruit du capital, en l’occurrence des taxis pour Uber bien sûr, mais elle limite aussi son développement en maximisant l’utilisation des objets, par exemple celle des automobiles. Ainsi, l’évolution de la crise et sa tentative de contrôle par la finance ouvrent des espaces nouveaux et des possibilités d’innovation. De manière dialectique, la destruction de capital entraîne le développement de nouvelles technologies et du futur monde en réseau.

L’uberisation en période de crise et de récession a pour conséquence d’ouvrir à d’autres formes de maximisation d’utilisation de l’objet automobile. Partage d’utilisation, co-voiturage, parking partagé… se développent et tendent à faire passer le temps d’utilisation d’un véhicule individuel X de 5 % en moyenne aujourd’hui à 6, 8 ou 10 % ou plus dans l’avenir. Ainsi, l’industrie automobile risque de connaître des jours difficiles dans son expansion ! En “uberisant” la société, le capital financier participe à l’élargissement des bases économiques objectives d’un nouveau monde. La formule de Lénine « le capital vendrait la corde pour se pendre » trouve ici tout son sens.

Autre événement important de l’année entraînant une rétractation de la masse monétaire globale, la baisse phénoménale du prix du pétrole. Elle a entraîné la baisse des cours des matières premières.

Rappelons tout d’abord, qu’il s’agit d’une manipulation financière car le prix du pétrole, comme celui d’ailleurs de toutes les matières premières, n’est pas fixé par un marché « primaire » où l’offre et la demande s’ajusteraient de manière naturelle et en temps réel. Le cours du pétrole est la résultante des marchés des produits financiers dérivés. Si le prix du Brent dépassa les 140 dollars le baril en 2006, c’est parce que les spéculateurs estimaient que la croissance, en particulier chinoise, était assurée sur moyenne période. Croire en la croissance implique une croyance dans le renchérissement du prix des matières premières. En janvier 2016, le prix s’est effondré à 27 dollars le baril. Les produits dérivés tels que les « options » indiquent simplement aujourd’hui que la planète financière ne croit pas à un rebond de croissance, en tous les cas pas à 3-5 ans. En fait, à l’ère financière, les prix sont déterminés par une option, donc par une opinion et non par un ajustement « naturel ». En cela, nous pouvons parler d’une « fixation idéologique des prix », en particulier pour les matières premières.

Cette situation a tout naturellement engendré une dépression dans les pays producteurs de pétrole et, plus généralement, dans tous les pays producteurs de matières premières et entraîné une crise financière et monétaire des pays émergents (BRICS). Notons en particulier la crise dans les pays du Golfe dont la puissance financière s’est réduite soudainement comme peau de chagrin.

Dernier élément de l’hypothèse d’un « capitalisme régressif » : la généralisation par les banques centrales des pays développés de taux d’intérêt négatifs. Il s’agit là d’une nouveauté historique qui a pour effet direct de déprécier l’épargne et de diminuer la masse monétaire globale. Il s’agit de ruiner le rentier sur le long terme sans recours à l’inflation mais de manière indolore, à la manière de la « cuisson du homard ». Par ailleurs, les taux négatifs obligent les spéculateurs à investir de manière aberrante sur les marchés actions pour soutenir les grands monopoles et s’assurer un minimum de profit. Or, chacun sait que le niveau des cours actions ne correspond plus à rien de rationnel. Si la valorisation reste importante aujourd’hui, c’est parce que les QE rachètent, entre autres, des dettes de grandes sociétés (début, le 8 juin 2016 dernier, des achats des obligations des grandes entreprises par la Banque centrale européenne). Si le cours boursier s’effondre, il est difficile de justifier ce soutien au titre des pouvoirs publics.

Cette entreprise de spoliation ainsi que la mise en place de manière structurante des taux d’intérêts négatifs décrivent ce que nous appellerons un « capitalisme régressif ». Prenons quelques lignes pour conclure cet article sur ce point de vue.

Après avoir hésité en 2009-2010 à relancer la machine économique de manière keynésienne avec une inflation sous-jacente, la direction FMI-Banque mondiale a choisi une voie nouvelle et globale : sauver coûte que coûte ce système qui venait justement de faire défaut, sans tenir compte de son obsolescence. Le renflouement des banques sans inflation exigeait dès lors une coopération mondiale permanente. Nous sommes donc installés dans un « capitalisme récessif » de longue période. Bref, Hayek plutôt que Keynes ! Cela dit, cette politique déflationniste à bien plus grande échelle que celle de Laval en 1932 est-elle viable sur le long terme ? Oui, si, et seulement si, tout le monde joue le jeu du dégonflement monétaire et donc de la récession économique structurelle : un seul modèle, une seule gouvernance.

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