Accueil > ... > Forum 28050

La grande hypocrisie face au génocide des Arméniens

17 mai 2015, 06:29, par Robert Paris

L’Angleterre colonialiste a des visées sur l’empire ottoman et instrumentalise dans ce but les exactions ottomanes contre les Arméniens pour s’implanter dans ce pays mais pas pour défendre réellement les populations arméniennes. L’Angleterre fait signer à l’empire Ottoman des reconnaissances de pure forme des droits des Arméniens, et ces accords ne seront jamais appliqués. A Londres, le pouvoir britannique organise des campagnes de défense des intérêts des Arméniens, en 1880, 1890, 1892 et 1894, mais jamais ce même pouvoir n’impose une quelconque défense des intérêts des Arméniens. Pendant ce temps, Abdul-ul-Hamid, le sultan de l’empire ottoman achète les hommes politiques, les diplomates, la presse française à coups de millions. Par exemple, dix-sept journaux reçoivent des subsides de l’ambassade ottomane d’après Jacques Ancel de l’Institut des Hautes Etudes Internationales (lire notamment « Manuel historique de la question d’Orient »).

Quant à la Russie, elle déclare officiellement par la voix du prince Lobanof : « Il n’existe pas, à vrai dire, un coin que l’on puisse appeler l’Arménie. »

Les interventions européennes sont loin d’empêcher les massacres : massacre de Sassoun à l’été 1894, nouveaux massacres très étendus au printemps 1896 à Biredjik (8000 morts), à Sert (15.000 morts), des milliers de rapts de femmes, de conversions forcées, etc. A Zeitoun (Haute Cilicie), les Arméniens réfugiés dans la forteresse, ont résisté pendant trois mois, de novembre 1895 à février 1896, à l’armée ottomane sans recevoir le moindre soutien ni politique ni militaire de l’Europe et pas plus de l’Angleterre malgré ses déclarations hypocrites. La population de la province de Van est massacrée. La population de Constantinople organise des manifestations pacifiques qui sont écrasées par la répression violente avec 7000 morts du 26 au 28 août 1896. Les autorités européennes ne peuvent pas ignorer les faits mais se taisent, complices. Des conférences de diplomates obtiennent de l’empire… l’amnistie des victimes en février 1897 qui ressemble surtout à une amnistie des crimes de l’empire…

Les massacres ont renforcé le régime du sultan, soudant autour de lui les groupes qui ont participé à celui-ci comme les chefs féodaux kurdes ou turcs mais pas au point de sauver l’empire de sa contestation sociale et politique interne et la révolution sociale éclate dans l’empire : c’est la révolution dite « jeune turque ».

Tous les ennemis de l’empire, bourgeois modernistes, fonctionnaires, militaires, progressistes, militaires s’unissent derrière le comité « union et progrès » au nationalisme turc radical pour tenter de sauver la nation dont les intérêts sont selon eux menacés par le régime réactionnaire et corrompu du sultan. Ils veulent la réforme des institutions et du fonctionnement social et politique afin de réaliser une nation moderne, prospère et respectée qui cesse de perdre progressivement ses dépendances coloniales et de devenir une dépendance des puissances occidentales. Les « jeunes turcs » finissent par déposer le sultan mais, loin de libérer les peuples, le gouvernement de la bourgeoisie progressiste va s’unir avec les forces armées du sultan pour écraser les révoltes des peuples opprimés de l’empire à commencer par les Arméniens, le tout dans une situation où tous les peuples opprimés de l’empire se révoltent (arabes, albanais, grecs et autres…).

La guerre mondiale sert de point d’appui pour les « jeunes turcs » afin de prendre le pouvoir avec comme chef de file Talaat pacha, un être si féroce qu’il prétendait en 1915 obtenir des compagnies d’assurances européennes l’ensemble des capitaux des familles arméniennes massacrées en écrivant : « Car ils sont presque tous morts maintenant sans laisser d’héritiers ; leur argent revient au gouvernement. » (cité par Jacques Ancel dans « Manuel historique de la question d’Orient »).

Début 1915, le régime jeune turc désarme la population civile arménienne et saisit les femmes arméniennes de la région de Van sous l’accusation que les Arméniens seraient des espions pro-russes. Ils brûlent 80 villages de la région et en massacrent les habitants. Ceux-ci se révoltent le 20 avril 1915, jettent dehors les troupes ottomanes le 20 mai 1915. Ces dernières ont déjà tué 55.000 habitants arméniens. La Cilicie est « nettoyée » de ses habitants arméniens en avril et mai 1915, puis l’Est en juin-juillet (Erzeroum, Trébizonde, Van, Bitlis, Kharpout, Sivas), l’Ouest et l’Anatolie en août et septembre. Les horreurs contre les femmes et jeunes filles sont innombrables et durent pendant tout l’été 1915. Des camps de concentration d’Arméniens sont mis en place à Alep, Hama, Homs, Damas. Il y a déjà 600.000 morts et autant de déportés sur 1.800.000 Arméniens. Talaat déclare : « J’ai fait plus en trois mois pour résoudre le problème arménien qu’Adul-ul-Hamid en trente ans. »

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.