Les actionnaires de Natixis réunis une dernière fois avant le retrait de la cote
La banque réunit ses actionnaires ce vendredi pour statuer sur les comptes 2020 et proposer la distribution d’un dividende. Mais l’OPA de BPCE à 4 euros par action, qui va être lancée dans les prochains jours, sera dans toutes les têtes. Elle pourrait déboucher sur un retrait de la cote de Natixis, quinze ans après son introduction en Bourse.
Patrick Artus : « A terme, on peut imaginer la disparition de la Bourse » Mars 2019.
Patrick Artus est directeur de la recherche et des études de la banque Natixis. Il commente une décennie de hausse à Wall Street
En quoi la hausse de Wall Street depuis 10 ans est-elle particulière ?
Depuis une bonne vingtaine d’années, les entreprises américaines rachètent en moyenne tous les ans environ 3 % du nombre d’actions cotées à Wall Street. Ce n’est pas né avec la crise des subprimes, c’est la manière de fonctionner du capitalisme américain. Contrairement à l’Europe, la distribution de dividendes n’est pas le principal moyen de rémunérer l’actionnaire. Les groupes cotés préfèrent les rachats d’actions qui font grimper le cours de Bourse. Certaines années sont particulières : ils stoppent ces rachats lors des récessions, inversement, 2018 a été exceptionnelle. Les mesures fiscales de Donald Trump les ont incités à en faire beaucoup plus avec les milliards de dollars de trésorerie rapatriés aux Etats-Unis. De ce fait, les « share buy-backs » ont approché 1 000 milliards de dollars l’an dernier contre une moyenne de 450 milliards. Ce qui est important c’est qu’on a calculé que sans ces opérations, la hausse des indices américains – je rappelle qu’un indice est la somme de la valeur de marché des entreprises, divisée par le nombre d’actions cotées – aurait été inférieure à celle de l’eurostoxx européen. Dans ce sens, le boom de Wall Street est partiellement arithmétique, il est corrélé au fait que les émissions nettes d’actions y sont négatives depuis des années. Cela permet à la Bourse américaine de mieux performer que les marchés d’Europe.
Jusqu’où cela peut-il aller ?
Wall Street a une autre particularité : globalement, les entreprises américaines autofinancent leurs investissements. On parle aujourd’hui beaucoup de l’accroissement inquiétant de leur endettement, cette dette n’est pas utilisée pour financer leur développement mais d’abord pour financer les rachats d’actions. Le levier de la dette sert à réduire la taille du capital, c’est complètement atypique. L’autre grande tendance, c’est la réduction massive du nombre de sociétés cotées. Elles étaient plus de 8 000 au pic de la popularité de la Bourse en 1996, elles sont aujourd’hui environ 3 800. Inversement, le nombre d’entreprises détenues par des fonds de private equity a explosé, autour de 8 000. On est en train de passer du capitalisme de la Bourse a un capitalisme du non coté avec l’idée, confirmée par plusieurs études, que les entreprises sont mieux gérées, plus dynamiques et plus innovantes lorsqu’elles sont aux mains d’un fonds d’investissement plutôt que d’une multitude d’actionnaires.
Qu’est-ce que cela change sur la nature du capitalisme américain ?
A terme, on peut imaginer la disparition de la Bourse en tant que telle. Les individus détiendront des parts de fonds d’investissement, qui eux-mêmes détiendront les entreprises. Les retraits de la cote sont aussi une réponse à la volatilité accrue du marché. C’est une manière de soustraire la valorisation des entreprises à la dictature des algorithmes. Aux Etats-Unis, 70 % du trading des actions est géré par des machines qui peuvent faire fondre de 20 % ou 25 % le cours d’une action en quelques heures. Les gens en ont marre de voir leur portefeuille fluctuer sans raison. Mécaniquement, la réduction du nombre d’entreprises cotées réduit le nombre d’actionnaires, ce qui réduit la liquidité des marchés et donc l’intérêt qu’il y a à se faire coter… Le mouvement est déjà bien enclenché. Les assureurs, les fonds de retraite, les family office, tous veulent investir dans le private equity qui offre des rendements plus réguliers, c’est aussi vrai en Europe. L’âge d’or de la Bourse est derrière nous.
Les actionnaires de Natixis réunis une dernière fois avant le retrait de la cote
La banque réunit ses actionnaires ce vendredi pour statuer sur les comptes 2020 et proposer la distribution d’un dividende. Mais l’OPA de BPCE à 4 euros par action, qui va être lancée dans les prochains jours, sera dans toutes les têtes. Elle pourrait déboucher sur un retrait de la cote de Natixis, quinze ans après son introduction en Bourse.
Patrick Artus : « A terme, on peut imaginer la disparition de la Bourse » Mars 2019.
Patrick Artus est directeur de la recherche et des études de la banque Natixis. Il commente une décennie de hausse à Wall Street
En quoi la hausse de Wall Street depuis 10 ans est-elle particulière ?
Depuis une bonne vingtaine d’années, les entreprises américaines rachètent en moyenne tous les ans environ 3 % du nombre d’actions cotées à Wall Street. Ce n’est pas né avec la crise des subprimes, c’est la manière de fonctionner du capitalisme américain. Contrairement à l’Europe, la distribution de dividendes n’est pas le principal moyen de rémunérer l’actionnaire. Les groupes cotés préfèrent les rachats d’actions qui font grimper le cours de Bourse. Certaines années sont particulières : ils stoppent ces rachats lors des récessions, inversement, 2018 a été exceptionnelle. Les mesures fiscales de Donald Trump les ont incités à en faire beaucoup plus avec les milliards de dollars de trésorerie rapatriés aux Etats-Unis. De ce fait, les « share buy-backs » ont approché 1 000 milliards de dollars l’an dernier contre une moyenne de 450 milliards. Ce qui est important c’est qu’on a calculé que sans ces opérations, la hausse des indices américains – je rappelle qu’un indice est la somme de la valeur de marché des entreprises, divisée par le nombre d’actions cotées – aurait été inférieure à celle de l’eurostoxx européen. Dans ce sens, le boom de Wall Street est partiellement arithmétique, il est corrélé au fait que les émissions nettes d’actions y sont négatives depuis des années. Cela permet à la Bourse américaine de mieux performer que les marchés d’Europe.
Jusqu’où cela peut-il aller ?
Wall Street a une autre particularité : globalement, les entreprises américaines autofinancent leurs investissements. On parle aujourd’hui beaucoup de l’accroissement inquiétant de leur endettement, cette dette n’est pas utilisée pour financer leur développement mais d’abord pour financer les rachats d’actions. Le levier de la dette sert à réduire la taille du capital, c’est complètement atypique. L’autre grande tendance, c’est la réduction massive du nombre de sociétés cotées. Elles étaient plus de 8 000 au pic de la popularité de la Bourse en 1996, elles sont aujourd’hui environ 3 800. Inversement, le nombre d’entreprises détenues par des fonds de private equity a explosé, autour de 8 000. On est en train de passer du capitalisme de la Bourse a un capitalisme du non coté avec l’idée, confirmée par plusieurs études, que les entreprises sont mieux gérées, plus dynamiques et plus innovantes lorsqu’elles sont aux mains d’un fonds d’investissement plutôt que d’une multitude d’actionnaires.
Qu’est-ce que cela change sur la nature du capitalisme américain ?
A terme, on peut imaginer la disparition de la Bourse en tant que telle. Les individus détiendront des parts de fonds d’investissement, qui eux-mêmes détiendront les entreprises. Les retraits de la cote sont aussi une réponse à la volatilité accrue du marché. C’est une manière de soustraire la valorisation des entreprises à la dictature des algorithmes. Aux Etats-Unis, 70 % du trading des actions est géré par des machines qui peuvent faire fondre de 20 % ou 25 % le cours d’une action en quelques heures. Les gens en ont marre de voir leur portefeuille fluctuer sans raison. Mécaniquement, la réduction du nombre d’entreprises cotées réduit le nombre d’actionnaires, ce qui réduit la liquidité des marchés et donc l’intérêt qu’il y a à se faire coter… Le mouvement est déjà bien enclenché. Les assureurs, les fonds de retraite, les family office, tous veulent investir dans le private equity qui offre des rendements plus réguliers, c’est aussi vrai en Europe. L’âge d’or de la Bourse est derrière nous.