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Qui est Georges Lochak ?

8 avril 2014, 20:07

Curieusement Maxwell était à la fois un des plus grands hommes des théories atomiques et le créateur de l’électromagnétisme moderne ; c’est-à-dire qu’il incarnait dans sa personne la contradiction qui existait entre ces deux visions du monde. La découverte de l’électron a eu, alors, un effet tout à fait dramatique puisqu’il a été regardé par Lorentz et par l’ensemble des physiciens comme la source du champ électromagnétique, autrement dit cet objet petit et localisé, cette particule beaucoup plus petite qu’un atome devenait indispensable à la description du monde des champs.

Ce drame a commencé avec Max Planck qui a essayé de résoudre un problème de thermodynamique et d’électromagnétisme et qui était sans solution à l’époque. Il s’agissait de savoir ce qu’est l’énergie du rayonnement électromagnétique qui émane disant d’un petit trou percé dans la paroi d’un four chauffé d’une façon régulière (problème du corps noir). Ce problème qui parait être abstrait et sans grandes applications a, en vérité, changé complètement la physique du siècle, car pour résoudre ce problème Planck s’est vu obligé de se servir à la fois de l’électron et de l’électromagnétisme. Or se servir de l’électron revenait à se servir de la mécanique de Newton, et se servir de l’électromagnétisme revenait à se servir de la théorie de Maxwell. Et il s’est avéré que ces deux théories ne faisaient pas bon ménage ; elles conduisaient à des conclusions absurdes. Pour cette raison, Planck a été obligé d’introduire une nouvelle propriété et de distordre les propriétés mécaniques que l’on prêtait à l’électron. Il est ainsi arrivé à l’hypothèse des quanta, c’est-à-dire que le champ électromagnétique échange avec la matière de l’énergie non pas d’une manière continue mais par petits paquets discontinus qu’il a appelé les quanta. C’est cette idée, – qui au début n’a pas était prise au sérieux et qui est restée ignorée –, qui a donné à Einstein, cinq année plus tard en 1905, l’idée géniale disant que si c’était ainsi alors il faudrait que la lumière elle-même – et les ondes électromagnétiques en général – transporte son énergie non pas d’une façon continue mais discontinue par grains. Einstein a introduit cette idée qui était incompréhensible, et malgré sa gloire naissante et grandissante cela n’a pas été cru pendant plus de vingt ans. Il a introduit l’idée qu’il fallait que la lumière soit faite d’ondes, sinon on ne comprendrait pas les phénomènes d’interférences et de diffractions qui étaient très bien étudiés depuis longtemps, et Einstein disait que les transports d’énergie ne sont pas liés à ces ondes particulièrement, mais à des particules qui sont en quelque sorte transportées par ces ondes et qui sont appelées les photons.

Cette contradiction dans le double aspect qu’il attribuait à la structure de la lumière et de l’électromagnétisme en général a laissé les physiciens incrédules et perplexes, car le problème soulevait de très grandes difficultés. Quelques années plus tard, parallèlement à cela, Bohr qui a développé la théorie des quanta pour l’appliquer à la théorie de l’atome, a émis l’hypothèse que l’atome est une espèce de système planétaire dont le soleil serait le noyau atomique électrisé positivement et lourd, et autour duquel graviteraient des électrons. Cette image a été modifiée par la suite mais enfin nous la conservons dans une large part. Bohr a donc introduit les quanta de Planck dans la description du mouvement des électrons autour du noyau et il en a tiré d’extraordinaires conséquences surtout lors de l’application à la spectroscopie où le calcul des longueurs d’ondes émises par les atomes était tout à fait remarquable. C’est un petit peu avant la découverte de Bohr que l’introduction des quanta paraissait inévitable.

Et c’est à ce moment que De Broglie commença à s’intéresser à la physique. Il a eu la chance inestimable du fait que son frère était le secrétaire scientifique du congrès de Solvay de 1911 et qui a rapporté à la maison, puisqu’il était l’éditeur, les minutes du congrès toutes fraiches et les discussions auxquelles participaient les plus grandes gloires scientifiques de l’époque comme Planck, Poincaré, Mme Curie, Sommerfeld, Lorentz etc. De Broglie a lu avec passion tout cela et il s’est mis à étudier fiévreusement divers livres comme ceux de Poincaré ; il s’est trouvé ainsi dès le début en face du problème des ondes et des particules. Il est à l’évidence l’homme qui en a été le plus frappé à l’époque.

Alors qu’elle a été sa découverte ? Elle n’a pas été immédiate. 1911 était une très mauvaise année, c’était trois ans avant la guerre de quatorze. Il s’est mis à faire d’abord des études scientifiques et rapidement il a obtenu une licence de science à la Sorbonne. Mais c’est dans les livres qu’il s’est plus instruit, car les cours de l’époque ne rapportaient pas ces nouveaux résultats. Malheureusement, c’est à ce moment-là, en 1913, qu’il a été appelé au service militaire et a été affecté comme physicien au centre de la Radio de l’armée française qui se trouvait à l’époque au mont Valérien. Il a servi sous les ordres du colonel – devenu maréchal par la suite – Fermier, qui était un des grands de la radio en France de l’époque.

Malgré que la guerre lui ait fait perdre 5 ans, il a eu la grande chance de rester en vie car plusieurs physiciens de génies ont trouvé la mort comme Schwarzschild, par exemple, qui combattait dans les rangs de l’armée allemande et qui était un physicien d’une qualité rare. De Broglie est resté donc à l’abri dans les caves de la tour Eiffel et même si plusieurs années sont perdues de son travail en physique, il a appris, par contre, ce qu’est la physique appliquée et cela joua un grand rôle dans sa manière de penser. Car, dorénavant, les ondes étaient attachées à quelque chose de tout à fait matérielle, comme il me l’a dit lui-même ; les ondes étaient attachées à des gros alternateurs qu’on mettait en marche en se salissant les mains et en se faisant du mal ; à cause de cela, m’a-t-il dit, il n’a jamais pu croire que les ondes sont des distributions de probabilités, leur caractère matériel lui était devenu comme une évidence profonde dont il était littéralement imbibé.

De Broglie se remit à travailler après la fin de la guerre, vers 1920, dans les laboratoires de son frère. Il est revenu au problème de l’atome de Bohr, des quanta de lumière d’Einstein, de l’électromagnétisme, de la loi du corps noir [1] de Planck.

De Broglie a eu la chance que depuis 1913, année de naissance de l’atome de Bohr [2], les physiciens qui travaillaient sur ce problème se sont trouvés dans une situation de crise car pendant la guerre, l’atome de Bohr a eu le temps de devenir célèbre et de se heurter à la première crise de la physique moderne. En effet, en peu d’années on s’est rendu compte que malgré tous les succès remportés dans les cas simples et dès que les atomes devenaient plus compliqués et même dès l’atome de hélium qui a seulement deux électrons, les choses commencent à ne plus aller. Ainsi les problèmes tant théoriques qu’expérimentaux commençaient à s’accumuler devant cette théorie naissante des quanta.

De Broglie pris par son génie scientifique sans doute, mais probablement aussi par la situation quelque peu marginale dans laquelle l’avait mise son origine aristocratique et le fait que la guerre l’avait mis à part et en dehors des laboratoires de recherches de l’époque et c’est grâce à son frère qu’il garda un contact direct avec la recherche scientifique du plus haut niveau. Cette situation tout à fait particulière lui donnait un certain recul par rapport aux événements parce qu’il n’était pas lié à la fièvre quotidienne des laboratoires et n’avait pas le nez dans leurs difficultés ; cela lui permettait de les regarder de légèrement plus loin. Il faut ajouter à tout cela le fait que De Broglie avait la formation d’historien, et si De Broglie, contrairement à ce qui est dit souvent, se défendait d’être un philosophe, par contre ses connaissances historiques et sa conception de l’histoire des sciences ont joué un rôle tout à fait déterminant dans les idées qu’il a développé pendant toute sa vie. Sa position d’historien l’a fait réfléchir en général sur les problèmes des ondes et des particules à travers l’évolution de toutes les idées en physique, c’est-à-dire qu’il réfléchissait sur les particules littéralement à partir de Démocrite, à partir des points matériels de Newton, à partir des théories atomiques développées au 18ème siècle et surtout au 19ème siècle, de même qu’il réfléchissait aux ondes aussi bien à travers les conceptions d’Anaxagore qui s’opposait à celles atomiques de Démocrite de la Grèce antique, de même qu’il se rattachait aux théorie de Huygens, de Fresnel en optique qui l’un et l’autre à un siècle d’intervalle avaient fait triompher la théorie ondulatoire de la lumière ; il connaissait aussi quelques points essentiels tel que les rapprochements qu’on peut faire entre le principe de chemin minimum en optique d’après Fermat et le principe des chemins minimums en mécanique d’après Maupertuis et Hamilton, il savait en somme des choses que les jeunes de son âge ne savaient pas en général ou n’avaient pas l’idée d’apprendre.

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