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Nazisme et grand capital

7 avril 2015, 07:30, par R.P.

Daniel Guérin :

A partir de 1930, la lutte se transporte dans la rue : les miliciens bruns provoquent et assassinent sur la voie publique leurs adversaires ouvriers. Il ne se passe pas de dimanche sans bagarre sanglante. Les forces répressives de l’Etat appuient et arment les bandes fascistes. A la fin de 1930, le général von Schleicher a une entrevue très amicale avec le capitaine Roehm, chef des S.A. : il se déclare tout à fait favorable aux sections d’assaut, à la seule condition qu’elles n’empiètent pas sur les attributions de la Reichswehr. L’Etat-Major autorise les jeunes miliciens à s’entraîner sur les terrains militaires, charge des instructeurs militaires de les instruire. (…)

Comment le mouvement ouvrier se défend-il, au cours de cette première phase, contre les bandes fascistes ? Dans les débuts, la tactique audacieuse, militaire des « chemises brunes » le surprend et sa riposte est faible. Mais, très vite, il se serait adapté, spontanément, à la tactique de l’adversaire, si ses chefs – par crainte de l’action directe – ne s’étaient employés à freiner systématiquement sa volonté de lutte. Gardons-nous de répondre aux violences fascistes ! larmoient les chefs réformistes, nous dresserions l’ « opinion publique » contre nous. Evitons surtout de constituer des groupes de combat, des formations paramilitaires, car nous risquerions de nous aliéner les pouvoirs publics, ces pouvoirs publics auxquels nous faisons confiance pour dissoudre les formations paramilitaires du fascisme ! N’empruntons pas au fascisme ses propres armes, car sur ce terrain nous sommes battus d’avance !

Cette tactique légaliste et défaitiste a pour résultat de démoraliser la classe ouvrière, en même temps qu’elle accroît chez l’adversaire l’audace, la confiance en soi, le sentiment de son invincibilité. Si, dès leurs premiers exploits, les bandes fascistes s’étaient heurtées à une résistance prolétarienne organisée, avaient subi de dures représailles, elles y auraient regardé à deux fois avant d’entreprendre des « expéditions punitives » ou des descentes dans les meetings prolétariens. Elles auraient moins facilement recruté. Et, par contre, les succès remportés par le prolétariat dans la lutte antifasciste lui auraient rendu ce dynamisme qui, précisément, lui a manqué. (…)

Hitler avouera, rétrospectivement : « Un seul danger pouvait briser notre développement : si l’adversaire en avait compris le principe et si, dès le premier jour, avec la plus extrême brutalité, il avait brisé le noyau de notre nouveau mouvement. » (discours au congrès de Nuremberg, le 3 septembre 1933) et Goebbels : « Si l’adversaire avait su combien nous étions faibles, il nous aurait probablement réduits en bouillie. (…) Il aurait écrasé dans le sang les premiers débuts de notre travail. » (dans « Combat pour Berlin »)

Mais le national-socialisme n’a pas été écrasé dans l’œuf. Il est devenu une force. Et pour résister à cette force, les socialistes allemands ne conçoivent qu’une seule tactique : faire confiance à l’Etat bourgeois, demander aide et protection à l’Etat bourgeois. Leur leitmotiv est : Etat, interviens !

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