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L’identitaire français, drapeau de la guerre civile fratricide

11 mars 2014, 20:45, par Robert Paris

La France, qu’est-ce que c’est ?

Chacun croit qu’il sait de quoi il parle quand il parle de la France mais parlent-ils de la même chose ? De l’hexagone ? D’un même peuple ? Avec des mêmes origines ? Sur un même territoire ? Avec une même langue ? Une même histoire ? Avec la même culture ? Avec les mêmes racines ? On a la même histoire à Brest, Belfort, Colmar, Marseille et Bordeaux qu’à Paris ? Ah bon ! Et depuis quand ?

Bien sûr, chaque peuple croit que c’est lui qui a fait le pays, que c’est pour lui qu’il est gouverné, que c’est pour lui qu’on a construit l’Etat, que c’est pour le défendre qu’existent les frontières et les armées. Et patati et patata !

Comme on va le voir ensuite, les cartes historiques ne disent pas cela mais, comme chacun sait, ce qui compte dans le nationalisme c’est "le ressenti"...

Mais il y a autre chose qui compte vraiment dans l’apparition du nationalisme, c’est pour quelle raison les classes dirigeantes ont ressenti le besoin de faire appel à un sentiment d’union nationale. Car ce sentiment n’a rien de spontané. Il n’a pas existé de tout temps. Il est n’est pas très vieux. Il a surtout été développé au profit et à la demande d’une classe sociale bien particulière : la bourgeoisie. En effet, les peuples nomades et guerriers comme les Germains, les Francs, les Huns, les Normands se moquaient du nationalisme comme d’une guigne. Ils ne se fondaient pas sur un territoire national et guerroyaient partout où ils pouvaient, changeant souvent de région. Ils n’étaient pas attachés à une terre. La première fois que la région connait une direction centrale unifiée, elle ne provient absolument pas d’elle même mais de l’empire romain qui unifie une classe dirigeante sur un territoire, classe possédante appelée gallo-romaine. Mais l’Etat n’est pas fondé sur la base du territoire mais sur celle de l’Empire romain. Dès la chute de l’Empire, l’unification s’effondre et on entre dans la féodalité qui est basée sur la division à outrance : le seigneur est roi dans sa seigneurie où il fait ce que bon lui semble, exerce haute et basse justice, droits de toutes sortes et de devoirs aucun ! La liaison seigneuriale n’est nullement étatique et la nation n’existe pas. La division du territoire est à chaque niveau : du grand fief au petit domaine. Le roi n’est qu’un des seigneurs et pas le principal ni le plus puissant, quand ce n’est pas l’un des plus faibles et pauvres... Les conflits au sein de la féodalité ne se règlent pas en faisant appel à la loi nationale mais à coups de guerres locales, régionales, territoriales ou même internationales. La plus importante des guerres de la féodalité dans cette région est bien entendu la guerre de cent ans qui est si dramatique qu’elle remet en question le pouvoir féodal, permet à la bourgeoisie d’exercer des droits et de faire avancer ses exigences. Parmi celles-ci la défense d’un territoire national...

Ceux qui se rengorgent sur la grande histoire du peuple français ne connaissent même plus les noms des vrais peuples qui l’ont habité comme les Pictones, les Sénones, les Bituriges ou les Tectosages... Il y a comme cela une bonne centaine de noms de peuples différents et aucun ne peut représenter à lui seul un héritage quelconque "des Français"...

Ce n’est pas un peuple mais une centaine au moins qui ont coexisté et sont mêlés. Il n’y a pas un territoire et la seule frontière qui ait toujours été la même est celle des mers... Il n’y a pas un mode de vie unique, une conception unique de l’existence, des moeurs, des relations, de la vie sociale, familiale ou individuelle, de l’éducation, de la morale, des lois, etc. Il n’y a pas d’idéologie unique, de religion unique, de perception unique qui serait inscrite dans le mot « France » et qu’il s’agirait de défendre à tout prix... Il n’y a pas eu et il n’y a pas une loi unique, pas d’Etat unique, pas de pouvoir unique. Même aujourd’hui, la loi n’est pas la même pour tous : pas la même pour le continent et la Corse, pas la même pour les territoires coloniaux (dits d’outremer), pas la même en Alsace-Lorraine, etc, pas la même suivant les classes sociales, l’origine sociale, le sexe, l’âge, même si elle l’est formellement, etc.

Il faut d’abord remarquer que les peuples Germains ne ressentaient pas le besoin d’un Etat centralisé (voir Engels sur les Germains), pas plus que les peuples qui les avaient précédé, qu’ils soient chasseurs-cueilleurs-pêcheurs, éleveurs ou cultivateurs.

La classe qui va vraiment avoir besoin d’un Etat centralisé n’est pas non plus la classe des féodaux qui vont prendre la suite de l’empire romain. Au contraire, ils détiennent leur pouvoir local du fait de l’absence du pouvoir central et les grands féodaux ne tiennent absolument pas que se constitue un pouvoir central fort et durable.

La classe qui va appuyer cet effort de constitution d’un pouvoir d’Etat centralisé, durable et non contestable est la bourgeoisie. C’est elle qui va se servir de la faiblesse de la classe dirigeante, menacée par ses guerres internes permanentes (essentiellement la « guerre de cent ans) pour imposer la formation d’un gouvernement stable, de finances saines, de pouvoir militaire et policier suffisant, de protection des villes et des commerces, de routes sures, d’échanges économiques favorisés. Même sous les rois féodaux, la centralisation étatique est d’abord et avant tout une œuvre de la bourgeoisie et qui favorise avant tout la bourgeoisie.

La première tentative de constituer une classe dirigeante locale sur ce territoire n’a pas eu d’origine nationale. Elle est le fait de l’empire romain qui a constitué un groupe gallo-romain, lui a donné une idéologie commune, des intérêts communs, une vision commune du monde. Mais tout cela s’est effondré avec la chute de l’empire romain et la société qui en est sortie était plus morcelée que jamais : c’était la féodalité ou la loi de seigneurs de guerres, chacun pour soi. Même la structuration de cette société avec des grands et des petits seigneurs n’a pas signifié un moins grand morcellement du pouvoir, chaque petit seigneur étant le roi dans son château et son domaine seigneurial, y ayant tous les droits et aucun devoir. Les grands féodaux ont élu un roi mais ils ont toujours cherché à ce que celui-ci ne soit pas trop puissant et l’ont pris souvent parmi les moins puissants des grands seigneurs féodaux.

Cependant, à l’encontre de ces grands seigneurs, les rois ont commencé au cours du moyen âge à structurer un état centralisé, à pousser à un début d’unification du territoire, de ses lois, de son gouvernement. Mais le fait que ce soient ces rois féodaux qui aient commencé à fonder « la France » démontre déjà à quel point cela ne s’est nullement fait pour le bien du peuple qui était le cadet des soucis de la royauté et des seigneurs. Le peuple en question, une large majorité de paysans, ignorait le plus souvent qui était le roi et c’est lui-même ou ses historiens qui lui donnaient le nom de « bon roi » ! Pas plus à l’époque féodale qu’à l’époque romaine quiconque se préoccupait de donner une conception commune au « bas peuple ». La religion du peuple n’intéressait pas les classes dirigeantes. La force armée suffisait à maintenir l’ordre. L’Etat ne prétendait pas être aussi un service public et il était clairement une bande d’hommes en armes au service de la classe dirigeante, comme allait l’affirmer le marxisme.

C’est au cours des guerres féodales que la bourgeoisie a commencé à prendre conscience de son intérêt à fusionner ses intérêts sur un large territoire défendu par un Etat centralisé et a commencé à imposer ses vues aux rois qui dépendaient des bourgeois pour leurs dépenses militaires. La guerre de cent ans a considérablement fait avancer cette conscience de la bourgeoisie, au point qu’elle est parvenue au pouvoir en 1356 avec le gouvernement d’Etienne Marcel. Mais, à cette époque, « la France » d’Etienne Marcel n’allait pas au-delà des villes et régions en commerce avec Paris, et qui recouvrait essentiellement les villes parcourues par des fleuves se jetant dans la Seine. Cela représentait une petite fraction de futur « hexagone national ». Le reste du territoire nord ne se sentait pas concerné et encore moins le « pays d’Oc ». Et c’est avec le développement de cette prise de conscience de la bourgeoisie de ses intérêts propres que le nationalisme français a progressé. L’intérêt du peuple n’a jamais été un souci de l’Etat français, centralisé ou pas, royal ou pas, féodal ou bourgeois. La révolution française, en mettant en mouvement des masses populaires, a momentanément amené un double pouvoir entre l’Etat bourgeois et les comités populaires mais les dirigeants n’ont eu de cesse que d’en finir avec cette dualité et de ramener l’unicité du pouvoir d’Etat en détruisant les comités dès qu’ils l’ont pu. Avec le capitalisme, le colonialisme et l’impérialisme, la couche qui décidait s’est encore réduit et a été constituée des suceurs de sang des peuples et pas seulement de la population de France. Moins que jamais, même avec l’institution de la démocratie bourgeoise, le peuple travailleur n’a eu la moindre voix au chapitre dans les décisions de ce pays, de cet Etat.

L’Etat français n’a jamais défendu le peuple français. Les intérêts qu’il défend ne sont pas strictement nationaux, car il ne peut se contenter de défendre la bourgeoisie française, amené à intervenir pour la coalition impérialiste à laquelle il appartient aux côtés des USA, du Japon et des grandes puissances européennes.

Cela signifie que le nationalisme français sera à nouveau convoqué pour préparer les esprits à la prochaine guerre mondiale impérialiste qui l’opposera au bloc constitué autour des nouveaux impérialismes Russie, Chine, Inde, Iran, Afrique du sud…

Et, une fois de plus, l’intérêt national, la « défense de la France » sera un prétexte.

Mais, dès maintenant, la France mène des guerres aux quatre coins du monde sans que cela ait le moindre rapport avec un intérêt national, qui serait celui du peuple qui habite ce territoire. Le nationalisme français est bel et bien une arnaque pour des gogos de la petite bourgeoisie qui veulent croire que ce pays est le leur alors qu’il appartient, comme le reste, aux capitalistes et aux banquiers.

Quand les milieux populaires et même prolétariens se racontent le conte pour enfants selon lequel l’Etat démocratique serait au service de la population, et prétendent que c’est ce que signifierait dire que c’est un Etat national, que le peuple et la nation sont la même chose, ils feraient bien de se rappeler que « la France » a été créée et voulue par la seule classe exploiteuse, la même qui gouverne aujourd’hui, qui exploite et qui licencie, qui est cause des guerres, des fascismes et autres horreurs n’ayant rien à voir avec la démocratie, que le même Etat dit démocratique a réalisées sans même changer de personnel, du bas en haut…

« La France », c’est la même qui a pratiqué les massacres coloniaux, qui a soutenu les régimes de dictature post-coloniaux, qui a financé et armé des guerres aux quatre coins de la planète, qui a organisé et armé le génocide rwandais, etc, etc…

Il fut un temps pas si lointain où on disait aux Français que leur territoire était l’ « Empire français », encore appelé « Union française » qui était un immense territoire colonial dont les peuples avaient été transformés en esclaves et massacrés à chaque fois qu’ils se révoltaient…

La France n’est pas plus nationale qu’à l’époque nationale puisque sans ses anciennes colonies elle chuterait immédiatement économiquement comme dans sa place politique dans le monde.

Quant à la prétention de l’idéologie "France", elle est de supplanter les classes sociales alors que ces dernières sont plus à l’oeuvre que jamais. La conscience de classe n’est pas à son point culminant mais la réalité objective des classes explose à tous les niveaux : non seulement économique, en termes de revenus ou de propriété, mais aussi en terme d’éducation, de santé, etc...

La France est un discours qui continue à marcher mais qui se fonde sur de moins en moins de réalité.

Il n’y a jamais rien eu de « naturel » dans les frontières de la France, pas plus que dans la manière politique de construire l’Etat français ni la manière juridique d’y défendre la propriété privée des bourgeois, etc., rien de « populaire » dans la domination de cet Etat sur des régions, des pays, des peuples, des classes sociales, rien de purement « national » dans les buts des classes dirigeantes et de l’Etat à leur service, rien de « défense de l’intégrité d’un peuple » dans les guerres cet Etat et dans la formation de cet appareil militaire et policier, judiciaire et pénitentiaire, répressif et oppressif.

Les petites gens croient se réclamer de la France parce que leurs parents et grands parents seraient morts pour elle mais ils sont morts dans les guerres pour les intérêts des banquiers et capitalistes qui, justement, avaient formé cet Etat et propagé cette idéologie nationale.

C’est dans les guerres que l’idéal patriotique a été le plus affirmé et les « morts pour la France » ont servi à justifier le nationalisme sous le prétexte qu’il ne fallait pas qu’ils soient morts pour rien. Or, ils n’étaient pas morts pour rien mais pour les intérêts des capitalistes et des banquiers, pas pour une quelconque patrie, la France ou une autre. D’ailleurs, le peuple allemand croyait, lui aussi, mourir pour défendre la patrie, le peuple, la sécurité et le territoire national.

Le choix de faire la guerre mondiale, fait par les classes dirigeantes et pas par les peuples, ne provenait d’aucune « défense du territoire » et d’aucune « défense du peuple ». Chacun des belligérants le prétendait bien entendu car il se gardait de présenter aux peuples les vraies causes de la guerre et ils s’en gardent toujours bien, cent ans après…

Comme la crise, comme l’effondrement économique, la guerre était une nécessité du fait du fonctionnement même du capitalisme qui ne peut se passer de ces creux dramatiques. Dans la guerre, il s’agissait de frapper justement le peuple travailleur qu’ils prétendaient défendre mais dont ils craignaient les réactions dans la phase de crise.

La guerre avait l’avantage d’imposer silence aux actions ouvrières, de contraindre les syndicats et partis réformistes à l’alignement et à la trahison. La guerre et le nationalisme sont des armes contre la lutte des classes, du moins celle des opprimés. La « défense de la patrie » ne diminue pas la défense par les classes dirigeantes de leurs intérêts particuliers, bien au contraire. Les bourgeois n’y sacrifient jamais les profits réalisés dans la production, fût-ce la production d’armes ou d’autres matériels militaires. Et surtout leur objectif est de détourner les risques de soulèvement des peuples et des classes ouvrières en période de crise. La patrie, ils y tiennent comme le meilleur défenseur de leurs intérêts collectifs de classe, pas comme défenseur de prétendus intérêts collectifs d’une nation, d’un peuple, d’un territoire.

En faisant la guerre d’Indochine ou la guerre d’Algérie, l’armée française ne défendait pas plus le peuple français ou le territoire français qu’en faisant les guerres mondiales.

La France se disait « mobilisée pour sa défense » mais l’Allemagne aussi disait de même. Chacun prétendait défendre le « territoire national », affirmant que l’Alsace et la Lorraine en faisait partie. Question insoluble puisque les deux étaient vrais, les populations étant mélangées comme à proximité de toutes les frontières, ainsi que les noms des villes continuent à l’indiquer. En fait, les deux étaient faux : personne, ni la France, ni l’Allemagne ne se souciaient de ces deux régions, puisque les deux ne pensaient qu’à la bombarder, à détruire ses villes, à assassiner ses habitants. L’idée nationale, que la bourgeoisie avait été la première à porter historiquement lorsque la bourgeoisie se battait contre la féodalité pour défendre son artisanat et son commerce, ne représentait plus qu’une caricature à l’époque impérialiste où la conquête du monde par les capitaux est déterminante et pas la possession d’un territoire national.

Les guerres actuelles de la France en Afghanistan, Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali et au Centrafrique ne défendent ni un peuple, ni un territoire, ni une liberté, ni une démocratie, ni celle des Français, ni celle d’un autre peuple, mais les intérêts généraux du groupe de pays capitalistes anciennement installés contre le groupe des pays capitalistes nouvellement arrivés et aussi quelques intérêts particulier des capitalistes français. Même l’idée que les travailleurs français auraient intérêt au succès économique et militaire des patrons français et de leur Etat n’est qu’un mensonge éhonté. Ils n’en profitent que marginalement et les classes dirigeantes, françaises comme autres, se moquent bien de cette question. En période de crise, il n’est en tout cas plus question de cela mais de mettre en coupe réglée aussi bien les Français que les autres… Et aussi d’envoyer à nouveau les Français comme les autres servir de chair à canons des futures guerres mondiales.

Ceux qui ne voient que de bonnes choses aux sentiments nationaux des Français se cachent les yeux. C’est au nom de ce nationalisme qu’ont été commis les pires crimes.

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