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Les Montagnards, Robespierre et les Jacobins étaient-ils l’aile marchante de la révolution française ?

2 février 2017, 11:45, par Robert Paris

Ce n’est qu’un mythe.

Ce sont les historiens staliniens et leurs compagnons de route nationalistes français qui ont dessiné cette fausse image.

Voici par exemple ce qu’en disent Marx et Engels dans « La Sainte Famille » :

« Quel est le principe fondamental du gouvernement démocratique ou populaire ? » demande Robespierre dans son discours sur les principes de la morale publique (séance de la Convention du 5 février 1794). « La vertu. J’entends la vertu publique qui a fait de si grandes merveilles en Grèce et à Rome et qui en accomplirait encore de plus admirables dans la France républicaine ; de la vertu, qui n’est autre que l’amour de la patrie et des lois. » (paroles adressées à Lafayette et citées dans le journal de Bauer dont Marx entreprend la critique dans « La Sainte famille ») Et il désigne alors formellement les Athéniens et les Spartiates comme des « peuples libres ». Il évoque à tout moment le « peuple » au sens de l’Antiquité, et cite ses héros et ses corrupteurs : Lycurgue, Démosthène, Miltiade, Aristide, Brutus et Catilina, César, Clodius, Pison.

Dans son rapport sur l’arrestation de Danton – à quoi la Critique (de Bauer) renvoie -, Saint-Just dit textuellement : « Le monde est vide depuis les Romains ; et leur mémoire l’emplit et prophétise encore la liberté. » (Saint-Just, Au nom des comités de salut public) Son réquisitoire sur le code antique est dirigé contre Danton, traité de Catilina.

Dans l’autre rapport de Saint-Just, touchant la police générale, le républicain est peint entièrement dans le style antique : inflexible, frugal, simple, etc. La police doit être par essence une institution analogue à la censure romaine : Codrus, Lycurgue, César, Caton, Catilina, Brutus, Antoine, Cassius ne manquent pas au tableau. Efin Saint-Just caractérise d’un seul mot la trinité « Liberté, Justice, Vertu » qu’il réclame quand il dit : « Que les hommes révolutionnaires soient des Romains ! » (Saint-Just, « Rapport sur la police générale »)

Robespierre, Saint-Just et leur parti ont succombé parce qu’ils ont confondu l’antique république, réaliste et démocratique, qui reposait sur les fondements de l’esclavage réel, avec l’Etat représentatif moderne, spiritualiste et démocratique, qui repose sur l’esclavage émancipé, la société bourgeoise. Quelle énorme illusion : être obligé de reconnaître et de sanctionner dans les « droits de l’homme » la société bourgeoise moderne, la société de l’industrie, de la concurrence générale, des intérêts privés poursuivant librement leurs fins, la société de l’anarchie, de l’individualisme naturel et spirituel aliéné de lui-même, et vouloir, en même temps, anéantir après coup dans certains individus les manifestations vitales de cette société, tout en prétendant modeler « à l’antique » la tête politique de cette société !

Le tragique de cette illusion éclate quand Saint-Just, le jour de son exécution, montrant du doigt le grand tableau des « Droits de l’homme » accroché dans la salle de la Conciergerie, s’écrie d’un air de fierté : « C’est pourtant moi qui ai fait cela ! » C’est précisément ce tableau qui proclamait le droit d’un homme qui ne peut pas être l’homme de la communauté antique, pas plus que ses conditions d’existence économiques et industrielles ne sont antiques.

Il n’y a pas lieu ici de justifier historiquement l’illusion des « Terroristes ». (…)

C’est seulement après la chute de Robespierre que les lumières politiques, qui voulaient se surpasser elles-mêmes dans leur enthousiasme débordant, commencent à se réaliser « prosaïquement ». Délivrée sous le gouvernement du Directoire, des entraves féodales et reconnue officiellement par la Révolution elle-même – bien que la « Terreur » voulût la sacrifier à un mode antique de vie politique -, la société bourgeoise jaillit en torrents de vie. Course tumultueuse aux entreprises commerciales, soif d’enrichissement, vertige de la nouvelle vie bourgeoise dont les première jouissances sont encore hardies, insouciantes, frivoles, grisantes ; « lumières » faites de réalité, lumières des « terres » françaises, dont la structure féodale avait été brisée par le marteau de la Révolution, et que la première fièvre des nombreux propriétaires nouveaux soumet à toutes les modes de culture ; premiers mouvements de l’industrie libérée – voilà quelques-uns des signes de vie de la société bourgeoise nouveau-née. La « société bourgeoise » est positivement représentée par la bourgeoisie. La bourgeoisie commence donc son règne. C’en est fini, pour les droits de l’homme, d’exister en théorie seulement. »

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