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La lutte des classes dans les Mines

31 décembre 2009, 19:44, par Toto

Des centaines de milliers d’enfants exploités dans les mines d’or de l’Ouest africain
AP | 22.08.2008 | 15:39

L’or d’un bijou de grande marque provient peut-être d’une mine exploitée par des enfants en Afrique. De nombreux bassins miniers artisanaux du Sénégal ou de Guinée emploient de jeunes mineurs, qui cherchent le précieux minerai expédié vers les pays occidentaux, principalement en Suisse, port d’entrée vers les marchés internationaux.

Ce type de mines, qui emploient des enfants âgés parfois d’à peine quatre ans, existent en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, et fournissent un cinquième de l’or mondial, selon les Nations unies. D’après l’ONU, entre 100.000 et 250.000 enfants travailleraient dans les mines d’Afrique de l’Ouest, à l’image de Saliou Diallo, 12 ans.

Recruté avec deux de ses amis, il a quitté l’école à l’âge de neuf ans après le départ du seul professeur de son village de Guinée. Les trois garçons travaillaient dans les champs de leur père quand un étranger les a abordés l’année dernière, alors que le cours de l’or battait des records. Il leur a alors promis deux dollars (1,35 euro) de salaire par jour s’ils le suivaient à la frontière avec le Sénégal.

Issus de familles très pauvres, appelés à leur venir en aide dès leur plus jeune âge, les trois adolescents n’ont pas hésité et ont accompagné leur recruteur jusqu’à Tenkoto, un village d’orpaillage qui compte près de 10.000 habitants.

A dix kilomètres du village en lui-même se trouvent les mines, des puits de 30 à 50 mètres de profondeur, tout juste assez larges pour qu’un homme s’y glisse. Les jeunes remontent les sacs de pierre et le patron de Saliou achète ces gravats, même s’ils ont été déjà passés au tamis, pour y déceler le précieux minerai.

Saliou et ses amis sont en effet chargés de les retrier au cas où un peu d’or subsisterait, et ce par des méthodes qui s’avèrent dangereuses pour la santé : ils écrasent les gravats jusqu’en faire une poudre fine comme de la farine puis la lavent et la versent dans leur main directement avec du mercure, qui permet d’amalgamer l’or. Un contact régulier avec le métal peut rendre aveugle, attaquer les reins voire le cerveau.

Dès qu’un peu d’or est trouvé, le chef regarde attentivement la taille de la pépite et l’empoche, avant de la vendre à un acheteur qui l’attend dans une hutte sombre, son échelle de mesure sur la table.

Les acheteurs sont tout de suite identifiables à leur tenue soignée. Ils offrent tous le même prix : 19 dollars (12,8 euros) pour un gramme d’or. L’once d’or, la mesure utilisée pour mesure le métal précieux, en contient 31 grammes.

Le patron de Saliou est fidèle à un marchand, Yacouba Doumbia, qui dit avoir besoin d’un mois en moyenne pour réunir un kilo d’or, qu’il cache en le cousant dans ses vêtements. Il part en général au petit jour à moto pour Bamako, la capitale du Mali, toujours par des petites routes.

Les vendeurs comme Doumbia s’adressent ensuite à un des cinq barons de l’or ayant pignon sur rue à Bamako, comme Fabou Traore ou Fantamadi Traore. Ce dernier, qui vient du même village que Doumbia, a recruté près de 70 acheteurs, la plupart originaires de son village, qui travaillent tous dans les mines de Tenkoto.

L’or de chaque acheteur est pesé, glissé dans un petit sac transparent, identifié par un "post-it", avant d’être fondu en barre. Des hommes de Traore règlent chaque vendeur en liquide, en francs CFA ou en dollars. Le gramme d’or est racheté 22,4 dollars (15,2 euros), soit 3,40 dollars de plus que la somme réglée aux mineurs.

Une fois payés, les vendeurs retournent acheter l’or sur le terrain, alors que les enfants mineurs sont déplacés d’une mine à l’autre, en fonction des besoins.

Parallèlement, les barres d’or arrivent dans le bureau d’Abou Ba, qui est le seul des cinq grands négociants en or ouest-africain à détenir les autorisations et les relations nécessaires pour l’exportation vers l’Europe. L’étude de cinq années de documents des douanes maliennes par des journalistes de l’AP confirme que seul Ba envoie régulièrement de l’or issu de la brousse hors du pays.

Tous les négociants disent vendre leur or à Ba. "Il a les moyens pour l’exporter, pas nous", explique Fabou Traore, qui lui vend en moyenne 80kg par mois.

Exporter l’or du Mali revient cher, le gouvernement prélevant un taxe de onze dollars (7,4 euros) par kilo, à laquelle s’ajoute une taxe aéroportuaire de 6%. De la brousse aux marchés internationaux, l’once d’or pur prend 380 dollars (256,9 euros).

Si Ba reconnaît que l’or vient de mines artisanales, il reste vague sur le travail des enfants. "Nous ne vivons pas dans la brousse, donc nous n’avons rien à voir avec le travail des enfants", a-t-il assuré en français lors d’une interview avec l’AP.

Ce cinquantenaire dit ne s’être jamais rendu sur place. "Nous ne faisons qu’acheter l’or."

Le précieux minerai lui est acheté en grande majorité par la Suisse. Depuis fin 2003, Ba et ses associés ont même transporté des valises pleines d’or sur des vols commerciaux, à destination de Genève, pour échapper aux taxes.

Selon les douanes maliennes, entre janvier 2003 et mars 2008, Ba a exporté près de 800kg d’or vers la Suisse et 96% a été vendu à deux petits négociants suisses, Decafin SA et Monetary Institute, cette dernière société ayant été créée par un ancien responsable de Decafin, Judah Leon Morali.

"Je ne suis qu’un petit", assure M. Morali, qui dit ignorer que l’or a été extrait par des enfants puisqu’"il n’existe pas de contrat de travail" le prouvant.

Quant à l’autre importateur, Decafin, il a déclaré, via son avocat Marc Oederlin, se soucier du travail des enfants tout en affirmant ne pas être en mesure d’enquêter sur l’origine de l’or. Et d’ajouter qu’il fait confiance à Ba.

Ces deux importateurs revendent à leur tour l’or à des fondeurs comme Metalor, qui vendent en bout de chaîne les barres à des banques suisses comme UBS. Cet or est ensuite transformé en bijoux pour Cartier, Piaget ou encore Tiffany&Co. Des noms prestigieux qui reconnaissent une certaine frustration à ne pas pouvoir identifier l’origine de l’or.

"Je ne peux que souligner l’extrême complexité de cette question", note Michael Kowalski, président de Tiffany’s. "Nous voulons traiter ce problème, mais la question est de savoir comment."

Tiffany et d’autres joaillers, dont Cartier, ainsi que des grands groupes miniers ont créé en 2005 le Conseil pour des pratiques responsables de joaillerie (CRJP) qui interdit l’exploitation d’enfants dans les mines. Mais jusqu’à présent, l’organisme n’a pas trouvé le moyen de faire appliquer ses principes sur le terrain.

Après six mois de travail, Saliou a gagné 40 dollars (27 euros), qu’il dépense en partie pour acheter du paracétamol et soulager ses maux de dos et ses douleurs à la poitrine, résultats de journées de dix heures. AP

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