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La lutte contre l’oppression des femmes est inséparable de la révolution sociale

17 novembre 2015, 07:26

Lafargue, La question de la femme :

« La production capitaliste qui se charge de la plupart des travaux auxquels se consacrait la femme dans la maison familiale, a incorporé dans son armée de salariés de la fabrique, du magasin, du bureau et de l’enseignement les femmes et les filles de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie, afin de se procurer du travail à bon marché. Son pressant besoin de capacités intellectuelles a fait mettre de côté le vénérable et vénéré axiome de la morale masculine : lire, écrire et compter doit être tout le savoir de la femme ; il a exigé qu’on enseignât aux filles comme aux garçons les rudiments des sciences. Le premier pas était fait, on ne put leur interdire l’entrée des universités. Elles prouvèrent que le cerveau féminin que les intellectuels avaient déclaré "un cerveau d’enfant", était aussi capable que le cerveau masculin de recevoir tout l’enseignement scientifique. Les sciences abstraites (mathématique, géométrie, mécanique, etc.), les premières dont l’étude avait été accessible aux femmes, furent aussi les premières où elles purent donner la mesure de leurs capacités intellectuelles ; elles s’attaquent maintenant aux sciences expérimentales (physiologie, physique, chimie, mécanique appliquée, etc.) et en Amérique et en Europe surgit une légion de femmes qui marchent de pair avec les hommes, malgré l’infériorité des conditions de développement physique et moral dans lesquelles elles vivent dès la première enfance.

Le capitalisme n’a pas arraché la femme au foyer domestique et ne l’a pas lancée dans la production sociale pour l’émanciper, mais pour l’exploiter encore plus férocement que l’homme ; aussi s’est-on bien gardé de renverser les barrières économiques, juridiques, politiques et morales, qu’on avait dressées pour la cloîtrer dans la demeure maritale. La femme, exploitée par le Capital, supporte les misères du travailleur libre et porte en plus ses chaînes du passé. Sa misère économique est aggravée ; au lieu d’être nourrie par le père ou le mari dont elle continue à subir la loi, elle doit gagner ses moyens d’existence, et sous prétexte qu’elle a moins de besoins que l’homme, son travail est moins rémunéré, et quand son travail quotidien dans l’atelier, le bureau ou l’école est terminé, son travail dans le ménage commence. La maternité, le travail sacré, la plus haute des fonctions sociales, devient dans la société capitaliste une cause d’horribles misères économiques et physiologiques. L’intolérable condition de la femme est un danger pour la reproduction de l’espèce.

Mais cette écrasante et douloureuse situation annonce la fin de sa servitude, qui commence avec la constitution de la propriété privée et qui ne peut prendre fin qu’avec son abolition. L’humanité civilisée, sous la pression du mode mécanique de production, s’oriente vers une société basée sur la propriété commune, dans laquelle la femme délivrée des chaînes économiques, juridiques et morales qui la ligotent, pourra développer librement ses facultés physiques et intellectuelles, comme au temps du communisme des sauvages. »

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