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Civilisations et révolutions dans l’Afrique antique

18 juillet 2010, 18:52, par Jérémy

BC signifie après JC

La progression des peuples noirs africains à la fin du paléolithique supérieur et au néolithique est constatée par les spécialistes. Selon F. WENDORF et R. SCHILD, l’orge était connue dans la vallée du Nil, en Haute-Égypte et y faisait l’objet d’une pré-agriculture vers 14 000/12 000 avant JC. Les bovins domestiques du Sahara oriental (sites de Nabta Playa et de Kir Kiseiba, à l’ouest d’Abou Simbel) ont été datés de 10 000 à 9000 avant JC.

P. F. WENDORF, A. CLOSE, A. GAUTIER, et R. SCHILD, en concluent qu’ils sont "légèrement plus anciens que ceux de l’Eurasie" . Le processus de domestication se serait réalisé, en fait, dans la vallée du Nil, en Basse Nubie, au cours du 9e millénaire avant JC, approximativement. Bien qu’il pense que la domestication des plantes et des animaux s’est accomplie de façon beaucoup plus lente et progressive, A. MUZZOLINI n’en écrit pas moins :

"On constate qu’en Afrique aussi les groupements humains sont devenus importants, et concentrent désormais leurs activités sur des territoires limités... L’augmentation de population paraît une évidence. Les sites atériens se comptent par dizaines, ceux de l’épipaléolithique par centaines ; quant aux sites néolithiques... on en rencontre partout, par milliers certainement"].

C’est entre 8000 et 6000 avant JC que s’est épanouie, selon J. E. SUTTON, une civilisation révélée par de nombreux sites archéologiques, caractérisée par une grande consommation de poissons et de mollusques et qui occupe une aire immense : hauts plateaux du sud du Kenya et du nord de la Tanzanie, Rift Valley, Nil moyen, Tchad, Haut-Niger, hautes terres du Sahara [8]. Les populations noires couvraient le Sahara jusqu’aux côtes de la Méditerranée comme le prouvent les "Capsiens négroïdes" de Tunisie, les gravures rupestres du Sahara, et les premières représentations des Libyens dans l’iconographie égyptienne [9]. Elles occupaient aussi l’Égypte. Vers 8000 avant JC, les outils polis commencent à apparaître dans le Nachikoufien, en Zambie septentrionale. La céramique est attestée vers 7500 avant JC dans le massif de l’Aïr.

En Afrique occidentale, à la lisière forêt/savane, notamment à Iwo Eleru (Nigéria), le passage à la production alimentaire débute vers 4000 avant JC, à peine plus tard que le Néolithique de Khartoum (site de Shaheinab).

La civilisation de Nok, également au Nigéria, a perduré de 3500 avant JC à 200 après JC, relayée semble-t-il par la civilisation d’Ifé.

Une céramique a été trouvée dans le niveau inférieur de la grotte de Gamble (Gamble’s cave, Elmenteita, à l’est du lac Victoria-Nyanza), daté de 6000 BC environ. Au sud-est de ce lac, deux sites ont fourni une poterie datée de la fin du 4e et du début du 3e millénaire [16]. D’abondants vestiges de poterie ont également été trouvés à l’ouest du lac Malawi, dans les niveaux du Nachikoufien, à partir de 2000 bc, c’est-à-dire 2400 BC (date calibrée) [17]. C’est à cette même date que les boeufs et ovicaprinés domestiques sont attestés à Karkarichinkat, au Mali.

D’après divers écrivains anciens, les démographes M. REINHARD et A. ARMENGAUD ont estimé que la population de l’Égypte ancienne a dû être de l’ordre de 7 à 8 millions d’habitants, ces chiffres "ne marquant pas nécessairement le maximum atteint" (voir note 52, op. cit. p. 23). K. W. BUTZER (Early Hydraulic Civilisation in Egypt, Chicago, 1976, tableau 4, p. 83), cité par D. VALBELLE, propose 866 000 habitants à l’époque thinite, 1 614 000 sous l’Ancien Empire, 1 966 000 au Moyen Empire et 2 887 000 au Nouvel Empire, chiffres fondés sur l’appréciation des récoltes (D. VALBELLE, La vie dans l’Égypte ancienne, Paris, PUF, 1989, p. 9). D. VALBELLE considère que ces évaluations sont susceptibles d’être remises en question par une étude des chiffres fournis par les textes égyptiens mêmes. En effet, si l’on admet que l’armée de métier à l’apogée du Nouvel Empire représentait 0,2% de la population (cf. L. M. DIOP-MAES, voir note 35, op. cit., pp. 784-786), celle-ci pouvait se chiffrer entre 9 et 10 millions. Mais en cas de cumul prolongé de mauvaises conditions (troubles, guerres, crues insuffisantes…) le nombre d’habitants pouvait être, à la fin, diminué de moitié. De la 1e cataracte du Nil jusqu’à la 6e, la vaste Nubie était relativement fort peuplée. Au Djebel Maya (ou Moya), à 260 km environ au sud/sud-est de Khartoum, H. ALIMEN signale une station néolithique qui contenait 1443 squelettes [19]. En 2680 BC, les Égyptiens rapportent qu’ils ont fait, en Basse Nubie, 11 000 prisonniers et qu’ils ont capturé 200 000 têtes de bétail [20]. Signalons, à titre de comparaison, qu’à la suite d’une bataille contre Ur, sous SARGON 1er, vers 2400/2300 BC, 5060 prisonniers auraient été dénombrés et que la population mésopotamienne a été estimée à 4 ou 5 millions d’habitants pour cette époque.

Au Moyen Empire, on mesure le volume de la population nubienne et la puissance du royaume de Koush à l’importance singulière des fortifications entretenues par les Égyptiens en Nubie pour tenir la population, protéger la navigation et défendre leur frontière méridionale. A l’époque de la domination Hyksos en Égypte, (17e siècle BC), le titulaire d’une tombe à Kerma, était accompagné de 200 à 300 personnes. Poterie fine, poignards de cuivre, bois travaillés et incrustés d’ivoire, chapeau de cuir orné de mica, trouvés dans cette tombe, témoignent de l’importance de l’artisanat.

Sous le Nouvel Empire égyptien, on relève en Nubie la présence d’un nombre considérable de scribes, de prêtres, de soldats et policiers, d’artisans égyptiens et nubiens. Les listes des tributs prélevés en Nubie montrent qu’il y avait non seulement des animaux et des grains, mais aussi des chasse-mouches, des boucliers, des lits, des fauteuils, donc des produits manufacturés, ce qui est très significatif puisque le nombre d’habitants est lié au degré de développement de l’activité économique. Ensuite, le royaume koushite devient très puissant et donne à l’Égypte sa XXVe dynastie (8/7e siècle BC). Des centres urbains s’y développent. Au 5e siècle, HÉRODOTE qualifiera Méroé de "grande cité", ce que les vestiges archéologiques ont confirmé [21]. Les auteurs du chapitre 11, tome 2, de l’Histoire générale de l’Afrique (UNESCO), A. HAKEM, I. HRBEK et J. VERCOUTTER, constatent, d’après le résultat des fouilles, que Méroé à son apogée a été une cité "énorme", dotée de tous les éléments liés à la vie urbaine (palais, thermes, temples, cimetières, etc)

Les importants centres urbains nubiens et l’habitat rural sont progressivement mis au jour par les archéologues [21], rendant inacceptables les faibles évaluations proposées par K. GRZYMSKY [22] (discussion in [36, p. 71 à 76]).

Dans l’état actuel des datations, les débuts de l’âge du fer en Afrique sont plus anciens qu’en pays Hittite. D. GREBENART considère que la métallurgie du fer était associée à celle du cuivre autour d’Agadès, cette dernière débutant à la fin du 3e millénaire et s’étant bien développée entre 1730 et 1400 BC [23] ; au Ruanda-Burundi les premières trace de fer remontent à 1470 BC [24].

F. VAN NOTEN indique que, dès l’âge du fer ancien, il existait des réseaux d’échanges étendus [25], ce qui est confirmé par les quatre expéditions du chef de caravane égyptien HERKOUF, au 24e siècle avant J.C. [26], à destination du pays de Yam, que l’historien P. KALCK situe au nord-est de la Centrafrique [27] . Ceci laisse supposer, en même temps, que la savane nilo-tchadienne était aussi peuplée, comme le pense J. LECLANT.

Il importe de rappeler que la Chine n’a émergé du néolithique qu’au 18e siècle avant J.C. alors que la civilisation prédynastique couvrait à la fois la Nubie et l’Égypte aux 5e et 4e millénaires. Cela implique un décalage en ce qui concerne l’accroissement démographique. Il est logique de penser que l’Afrique, au néolithique et durant l’Antiquité, devait avoir un nombre total d’habitants plus élevé que celui de l’Europe et même probablement supérieur à celui de l’Asie, contrairement aux chiffres publiés par les démographes. Ces derniers n’avaient pas connaissance de l’ensemble des vestiges et documents archéologiques dont nous disposons aujourd’hui, et leur vision a-historique de l’Afrique noire leur a fait croire que la pathologie observée en 1900-1930 était une constante.

En Centrafrique, l’archéologue P. VIDAL propose une densité de l’ordre de 1 habitant au km2 au milieu du 1er millénaire BC, ou même plus tôt.

La cité de Djeno-Djenné, près de l’actuelle Djenné (Mali), date du 3e siècle BC [31], comme les premières agglomérations urbaines de l’Ethiopie. En Zambie méridionale, région de plateaux fertiles, on a découvert de grands villages du premier âge du fer. D’autres vestiges témoignent d’un développement économique important [32]. Il ressort de l’exposé de D.W. PHILLIPSON que la construction en pierre était de pratique courante dans la région de Zimbabwe dès le premier âge du fer, durant les "deux premiers tiers du premier millénaire" de notre ère.

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