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Mémoires militantes dans la classe ouvrière : cinq militants ouvriers de Renault

14 juillet 2015, 13:43, par Robert Paris

Un exemple des interventions de Dédé, militant ouvrier révolutionnaire à Renault Billancourt puis Renault Rueil, aux congrès de Lutte Ouvrière : en décembre 2007

Je ne suis pas d’accord avec le camarade qui vient de nous dire que nous avons toujours eu une casquette syndicale et que ce n’est pas nouveau qu’on doive payer le prix de l’image d’un Bernard Thibaut. Pour ma part, j’ai été militant syndicaliste mais je n’ai pas porté de casquette syndicale. Je ne suis pas militant de Barnard Thibaut pas plus que je n’ai été militant de Georges Séguy.

Chers camarades, j’ai demandé la parole à ce congrès parce que j’estime de mon devoir, de notre devoir à tous qui avons milité pendant dix ans, vingt ans, ou trente ans auprès de nos camarades de travail, pour certaines conceptions, pour certains principes, pour un certain type de politique, de dire : attention danger ! Là, on franchit un cap. Nul ne peut dire où cela nous mènera.

Je ne prétends pas le savoir mieux que d’autres vieux militants de Lutte Ouvrière. Je pense que tous les savent comme moi. Eh bien, je prétend moi que mon engagement, que leur engagement, a une signification complètement inverse de celle de l’orientation proposée par la direction, quand il s’agit de renier ce qui a fait tout notre combat pendant toutes ces années. Et c’est bien de cela qu’il s’agit.

J’ai été amené à l’écrire avant ce congrès et, malheureusement, je dois dire que les trois nouveautés que ce congrès se propose non seulement le confirment mais aggravent considérablement les inquiétudes.

Je parle de trois nouveautés :
1) faire de nous la gauche de la gauche,
2) devenir des syndicalistes classiques qui veulent seulement que les syndicats mènent « leur » politique,
3) transformer l’organisation et la recentrer sur des activités extérieures aux entreprises.

Je reviendrais sur ces trois points, qui ne sont pas indépendants, mais tracent une ligne nouvelle en vue de faire de Lutte Ouvrière une organisation tout à fait différente de celle que j’ai connue et pour laquelle j’ai milité.

Récemment, j’ai écrit un bulletin intérieur, auquel personne n’a malheureusement cru bon de répondre. J’ai écrit dans ce bulletin intérieur, et je redis, que cette campagne des élections présidentielles ne reflétait pas la politique que j’ai connue pendant plusieurs années, ni les conceptions pendant plusieurs dizaines d’années, ni les conceptions qui m’ont été apprises par une organisation qui s’appelait « Lutte Ouvrière ». Je sais que l’on n’a pas changé de nom mais, en politique, il ne faut jamais se fier aux étiquettes m’a-t-on aussi enseigné. Et on m’a aussi appris que, quand on change complètement d’orientation, le nom devient une simple étiquette. On a l’a assez reproché à juste titre à la LCR.

Dans ce bulletin intérieur, je rappelai que la campagne de Lutte Ouvrière aux élections présidentielle me semblait avoir marqué une nouvelle étape dans la remise en cause de notre identité. Ce n’est pas la première fois que nous appelons à voter à gauche, mais c’est la première fois que nous cautionnons la gauche bourgeoise aux élections, non pas au deuxième tour mais au premier tour et avant le premier tour ! Avant même de commencer la précampagne des présidentielles, notre organisation avait donné le « la » en annonçant que les faux amis – traduisez la gauche » - étaient moins dangereux que nos vrais ennemis – traduisez la droite. En contradiction avec les leçons tirées par les révolutionnaires de décennies de trahison du mouvement ouvrier !
La suite a confirmé avec un quatre pages qui développait ce qu’était paraît-il notre programme, une conception parfaitement réformiste, et dans deux brochures sur Royal et sur Sarkozy. Pour finir par demander à notre porte-parole de rencontrer Ségolène Royal entre deux tours. Pour lui enseigner le contenu du programme du Lutte Ouvrière ou pour quoi faire exactement ? Personne n’a su répondre à ma question…
Ce congrès propose aux militants d’entériner un tournant très important pour notre organisation qui, s’il était accepté, mènerait à une rupture complète avec tout ce que nous avons cherché à défendre toutes ces années et pour lequel nous avons milité.
Faire croire que dorénavant notre rayonnement politique ne sera plus essentiellement fondé sur la construction de groupes communistes dans les entreprises, signifie transformer l’organisation en un groupe de propagande hors des entreprises et à but d’intervention électoral et local.
Le deuxième changement radical qui nous est proposé, sous couleur de tactique électorale pour avoir des élus, c’est de devenir un groupe de la gauche de la gauche. Je n’ai pas besoin de vous dire que c’est contre cela que nous nous sommes battus pendant tant d’années.

Enfin, il s’agirait de renoncer à déborder les appareils syndicaux dans les luttes en organisant les travailleurs de manière indépendante et, dans le militantisme quotidien, de devenir de simples syndicalistes honnêtes au lieu, comme le définissait notre politique, de construire des noyaux communistes.

Dans cette conception, le travail en entreprise est ramené à ce que la direction appelle une « presse d’entreprise ». Malgré les difficultés de ce travail, encore aujourd’hui, ce sont principalement des militants ouvriers qui représentent le rayonnement de Lutte Ouvrière même si la direction prétend que notre rayonnement provient de son intervention politique hors des entreprises, notamment lors des élections.

Encore aujourd’hui la direction autonome des grèves par des comités de grève, des coordinations en rupture avec les bureaucraties syndicales est une tradition de notre organisation mais la politique nouvelle de la direction s’en détourne. N’en déplaise à la direction, l’existence de groupes communistes dans les entreprises, c’est là qu’il y a un avenir pour la classe ouvrière au cas où ses luttes devaient déborder le cadre où on voudrait l’enfermer.

Quant au rôle de rayonnement des élus pour les idées et l’organisation révolutionnaires, la direction est encore loin d’en avoir fait la démonstration.

Ce ne sont pas des simples tactiques un peu opportunistes et qui ne laisseront pas de traces comme le prétend la direction, mais ce sont des capitulations fondamentales qui en préparent d’autres.

Dédé, militant communiste ouvrier à Renault, le 27 novembre 2007

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