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Révolutions de la Grèce antique

20 janvier 2013, 13:09

la suite d’Aristote :

Quel doit être le pouvoir souverain de la cité ? C’est certainement soit la masse, soit les riches, soit les honnêtes gens, soit un seul, soit le meilleur soit un tyran. Toutes ces hypothèses semblent comporter un inconvénient. (…) Si les pauvres, du fait qu’ils sont majoritaires, se partagent les biens des riches, n’est-ce pas une injustice ? (…) Si la majorité se partage les biens de la minorité, il est manifeste qu’ils détruisent la cité. (…) Il faut que la partie de la cité qui veut maintenir les institutions soit plus forte que celle qui ne le veut pas. Or toute cité est composée d’une qualité et d’une quantité. Par qualité, j’entends liberté, richesse, éducation, naissance illustre, et par quantité le plus grand nombre de gens. (…) Mais il faut toujours que le législateur ajoute des gens de la classe moyenne. (…) Il n’y a aucun danger que jamais les riches s’accordent avec les pauvres contre ces gens-là (la classe moyenne). (…) Plus le mélange est bien fait, plus la société est stable. (…) »
« Cause commune des révolutions
(…) Un régime populaire naît du fait que des gens qui sont égaux dans un domaine estiment l’être absolument (…) Par suite, les premiers, au nom de leur égalité, s’estiment en droit de participer également à tout, alors que les seconds (riches et minoritaires), au nom de leur inégalité, cherchent à en avoir toujours plus. (…) tels sont les sortes de discordes d’où naissent les révolutions. C’est pourquoi les renversements de l’ordre adviennent de deux manières. Tantôt ils renversent les institutions, une démocratie est remplacée par une oligarchie et inversement. (…) Tantôt ils conservent les institutions mais les mettent sous leur contrôle. (…) Partout la révolution provient de l’inégalité (…) c’est en général en visant l’égalité qu’on devient séditieux. (…) La démocratie est plus stable et moins exposée aux révolutions que l’oligarchie. (…) La constitution qui s’appuie sur les classes moyennes (...) est la plus stable des constitutions. (…) il faut saisir l’état d’esprit des séditieux et en vue de quoi ils agissent, et aussi, troisièmement, quels sont les principes et les dissensions entre citoyens. Il faut poser comme cause universelle du fait qu’ils ont cet état d’esprit la cause dont nous venons de parler. Provoquent les séditions, d’un côté ceux qui revendiquent l’égalité parce qu’ils estiment avoir moins et de l’autre ceux qui revendiquent l’inégalité, c’est-à-dire la supériorité. (…) Le mépris provoque aussi des séditions et des hostilités, par exemple dans une oligarchie où ceux qui ne participent pas à la vie politique sont la majorité car alors ceux qui sont tenus à l’écart s’estiment plus forts que ceux qui détiennent le pouvoir. (...) Des renversements des institutions adviennent du fait de l’accroissement hors de proportion d’un des groupes sociaux. (…) Si on accroissait hors de proportion certaines parties du corps d’un animal (…) il y aurait passage à une autre sorte d’animal, non seulement différent quantitativement mais qualitativement. De même, une cité est composée de plusieurs parties dont souvent l’une des parties s’est subrepticement accrue, par exemple la masse des gens modestes (…) Cela arrive aussi parfois à la suite d’événements fortuits, comme à Tarente : du fait qu’à la suite d’une défaite beaucoup plus de notables aient péri de la main des Iapyges (autochtones chez lesquels la cité fut fondée – Iapygie est le nom grec de Apullie), peu après les guerres médiques, une démocratie prit la place du gouvernement constitutionnel ; de même à Argos, à la suite de la mort de citoyens tués par le Laconien Cléomène, on fut contraints d’attribuer la citoyenneté à certains pérèques, et aussi à Athènes, après des défaites sur terre, les notables devinrent moins nombreux, parce que du temps de guerre contre les Laconiens (guerre du Péloponnèse 431-404 av J.-C) étaient seulement soldats les gens inscrits sur les listes de citoyens. (…) A Athènes, les citoyens ne sont pas tous identiques : les habitants du Pirée sont plus partisans d’un régime populaire que ceux de la ville. (…) Toute différence dans une cité provoque un désaccord. Le plus grand désaccord est sans doute (…) celui entre richesse et pauvreté. (…) Les séditions, donc, ne naissent pas au sujet de petites choses mais à partir de petites choses, mais c’est au sujet des choses importantes qu’on recourt à la sédition. Même les petits différends peuvent prendre une force extrême (…) D’une manière générale, les disputes parmi les notables font que la cité tout entière en partage aussi le dommage. (…) A Epidamne, quelqu’un ayant promis sa fille, fut frappé d’une amende par le père du promis devenu magistrat. Prenant prétexte de cette offense, il souleva tous ceux qui étaient exclus de la vie politique. (…) A Syracuse, le peuple, qui avait été l’artisan de la victoire dans la guerre contre les Athéniens, changea le gouvernement constitutionnel en démocratie. A Chalcis, le peuple qui, avec les notables, renversa le tyran Phoxos, se trouva aussitôt maître du pouvoir. Et il en fut de même à Ambracie : le peuple chassa le tyran Périandre en s’alliant aux ennemis de celui-ci en changea le régime à son profit. (…) les régimes changent aussi quand les parties de la cité dont on pense qu’elles sont opposées sont à égalité entre elles, les riches et le peuple par exemple et qu’il n’y a aucune classe moyenne ou qu’elle est tout à fait réduite. (…) Quant aux oligarchies, elles sont bouleversées principalement de deux façons tout à fait claires. L’une c’est quand elles traitent injustement la masse populaire. (…) Parfois, c’est des gens aisés eux-mêmes mais qui n’appartiennent pas à la classe au pouvoir que vient le renversement du régime, cela quand très peu de gens ont accès aux honneurs publics, comme cela est arrivé à Marseille, à Istros, à Héraclée et dans d’autres cités. (…) A Istros le pouvoir changea en régime populaire. A Héraclée, il passa de quelques membres à six cents. A Caide aussi l’oligarchie fut bouleversée par les dissensions internes des notables parce qu’un petit nombre d’entre eux se partageaient le pouvoir (…) S’attaquant aux notables empêtrés dans leurs querelles et ayant pris un chef issu de leurs rangs, le peuple engagea le combat et les vainquit. A Erythrée, sous l’oligarchie des Basilides, dans les temps anciens, bien que les membres du gouvernement accomplissent bien leur tâche, le peuple, pourtant, irrité d’être gouverné par un petit nombre de gens, changea le régime. (…) C’est aussi le cas (la sédition) quand certains tentent de concentrer le pouvoir oligarchique entre un plus petit nombre de mains, car alors ceux qui cherchent l’égalité sont contraints de recourir à l’aide du peuple. (…) Un bouleversement peut advenir dans les oligarchies en temps de guerre comme en temps de paix. En temps de guerre parce que le peu de confiance qu’ils ont dans le peuple contraint les oligarques à recourir à des mercenaires (…) Et quand les oligarques, craignant une telle issue (que les mercenaires prennent le pouvoir) ils sont contraints d’accepter la participation du peuple à la vie politique. (…) Les séditions ont lieu quand certains sont trop démunis et d’autres trop aisés. Cette situation se rencontre surtout pendant les guerres : cela arriva à Lacédémone du temps de la guerre de Messénie comme le montre le poème de Tyrtée intitulé Eunomie, car certains, accablés par la guerre, estimaient juste que l’on procédât à une redistribution des terres. (…) Ceux qui vivent dans l’aisance, si la constitution leur donne la prédominance, cherchent à outrepasser toute limite pour avoir plus. Et, d’une manière générale, de quelque côté que penche la constitution, c’est dans cette direction que le changement a lieu (…) Or les changements se font vers les contraires. Par exemple, l’aristocratie se change en régime populaire, car, sous prétexte qu’ils sont injustement traités, les plus démunis font pencher le régime vers une forme contraire (…) C’est ce qui arriva à Thourioi. D’une part, en effet, du fait que l’élection aux magistratures était fonction d’un cens trop élevé, (…) d’autre part du fait que les notables s’étaient approprié, contrairement à la loi, la totalité des terres, il y eut un affrontement. Mais le peuple, exercé par la guerre, prit le dessus sur la garnison en place, jusqu’à ce que ceux qui possédaient plus de territoires qu’ils n’auraient dû soient contraints d’y renoncer. (…) il est évident que si nous saisissons ce par quoi les constitutions sont détruites, nous saisissons aussi ce par quoi elles assurent leur sauvegarde. (…) De sorte que ceux qui se soucient de préserver le régime doivent entretenir des sujets de crainte pour que, comme une sentinelle de nuit, leurs concitoyens prennent garde à ce régime, c’est-à-dire ne relâchent pas leur vigilance et ils doivent présenter comme proches des menaces lointaines. (…) reconnaître l’émergence d’un mal dès ses origines, voilà qui n’est pas le fait du premier venu mais d’un véritable homme politique. (…) Il reste à discuter de la monarchie, d’où vient sa destruction et par quoi elle est naturellement sauvegardée. (…) La royauté fut établie pour servir aux honnêtes gens à se défendre contre le peuple. (…) ce sont bien les mêmes principes qui provoquent les révolutions dans les gouvernements constitutionnels comme dans les monarchies. Injustice, crainte, mépris font que beaucoup de sujets se révoltent contre les monarchies, l’injustice venant principalement de l’excès, et parfois de la spoliation des biens privés. Les buts des révoltés dans les tyrannies et les royautés sont les mêmes que dans les gouvernements constitutionnels, car les monarques disposent d’une masse de richesses et d’honneurs que tous convoitent. Parmi les révoltes, les unes sont dirigées contre la personne même des gouvernants, les autres contre leur pouvoir. (…) Quant aux tyrannies, le salut leur vient de deux manières totalement contraires : (…) tout faire pour que les citoyens se connaissent le moins possible car la connaissance mutuelle accroît la confiance réciproque, faire en sorte que les habitants soient toujours sous l’œil du tyran et passent leur temps à sa porte, (…) s’efforcer de dresser les gens les uns contre les autres. (…) Puisque les cités sont composées de deux parties, les gens modestes et les gens aisés, il faut avant tout que les deux en viennent à penser que le pouvoir en place assure leur sauvegarde, c’est-à-dire préserve les membres de chacune de ces parties des injustices des membres de l’autre.

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