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Le deuxième procès de Socrate, celui de ses amis

10 avril 2015, 16:39, par Robert Paris

D’ailleurs, il n’est pas tout à fait exact de parler de floraison spécifique de la Grèce car on appelle grecs des gens qui sont aussi italiens, qu’égyptiens ou d’asie mineure.

Rappelons ce qu’écrivait Aristote dans "Origines de la philosophie grecque" :

« Mais rien qu’à considérer Thalès, Pythagore et Xénophane, un fait me frappe. Ils sont tous les trois de cette partie du monde Hellénique qui s’appelle l’Asie-Mineure, et ils sont presque contemporains. Milet sur le continent, Samos dans l’île de ce nom, et Colophon, un peu au nord d’Éphèse, sont à peine à vingt-cinq lieues de distance ; sur cet étroit espace, presqu’au même moment, la philosophie trouve son glorieux berceau. Pour ne pas sortir de ces limites soit de lieux, soit de temps, soit même de sujet, joignez à ces trois noms de Thalès, de Pythagore et de Xénophane, ceux d’Anaximandre et d’Anaximène, qui sont aussi de Milet ; d’Héraclite, qui est d’Éphèse ; d’Anaxagore, qui est de Clazomènes, un peu à l’ouest de Smyrne dans le golfe de l’Hermus ; de Leucippe et de Démocrite, qui étaient peut–être également de Milet, ou d’Abdère, colonie de Téos ; de Mélissus, qui est de Samos, comme Pythagore. Joignez en outre les noms de quelques sages, moins éclairés que les philosophes, mais non moins vénérés : Pittacus de Mytilène dans l’île de Lesbos, compagnon d’armes du poète Alcée pour renverser la tyrannie, et déposant, après dix ans de bienfaits, la dictature que ses concitoyens lui avaient remise ; Bias de Priène, donnant à la Confédération Ionienne des conseils qui, selon Hérodote, eussent pu la sauver ; Ésope, qui résida longtemps à Samos, et à Sardes près de Crésus, et dont Socrate ne dédaignait pas de mettre les fables en vers (03), ce pauvre esclave de Phrygie que la philosophie ne doit pas oublier de compter parmi les siens ; enfin, même cette Aspasie de Milet, à qui Platon a laissé la parole dans le Ménexène, qui causait avec Socrate, qui donnait des leçons d’éloquence à Périclès, dont elle composait parfois les discours politiques, et à qui Raphaël a réservé une place dans son École d’Athènes.
On le voit donc : l’ingénieur Tiedemann a eu bien raison d’appeler l’Asie-Mineure « la mère de la philosophie, et la patrie de la sagesse (04) ». Les quelques faits que je viens de citer, et auxquels on pourrait en joindre bien d’autres, le prouvent assez ; désormais, quand on parlera de la naissance de la philosophie dans notre monde Occidental, par opposition au monde Asiatique, nous saurons à qui appartient cette gloire, et à qui l’on doit équitablement la rapporter.
Mais pour peu qu’on y réfléchisse, on voit qu’il est impossible que la philosophie se développe toute seule. Évidemment tous les éléments de l’intelligence doivent être épanouis avant la réflexion ; la réflexion, régulière et systématique, ne se montre que très tard et après les autres facultés. Je n’ai pas besoin de m’étendre sur cette vérité, qu’on peut observer dans les peuples aussi bien que dans les individus. Je constate seulement que les choses ne se sont point passées dans l’Asie-Mineure autrement qu’ailleurs ; sur cette terre fertile, la philosophie n’a point été une plante solitaire ni un fruit imprévu. Quelques mots suffiront pour rappeler ce qu’était la contrée prédestinée à ce noble enfantement. Je ne fais qu’indiquer des noms, les plus beaux et les plus incontestables.
A la tête de cette phalange, apparaît Homère, qui est né et a vécu certainement sur les côtes et dans les îles de l’Asie-Mineure, mille ans environ avant notre ère. Que dirais-je encore de ses poèmes ? Comment égaler la louange à son génie ? Tout ce que j’affirme, c’est qu’Homère n’est pas seulement le plus grand des poètes ; il en est aussi le plus philosophe. Un pays qui produit si tôt de tels chefs-d’œuvre est fait pour créer plus tard toutes les merveilles de la science et de l’histoire.
Après Homère, je cite Callinus d’Éphèse, contemporain de l’invasion des Cimmériens, qu’il a chantée, et martial comme Tyrtée ; Alcman de Sardes, digne d’instruire et de charmer l’austère Lacédémone de Lycurgue ; Archiloque de Paros ; Alcée de Lesbos, à la lyre d’or, selon Horace ; Sapho de Mytilène ou d’Érèse, qu’on ne peut guère plus louer qu’Homère (05) ; Mimnerme de Smyrne, chantre des victoires de l’Ionie sur les Lydiens ; Phocylide de Milet, portant la morale dans la poésie Anacréon de Téos ; tout près des poètes, Terpandre de Lesbos, créent la musique, dont il fixe les trois modes principaux, le Lydien, le Phrygien et le Dorien ; et peut-être aussi le fabuleux Arion, de Lesbos comme Terpandre.
Voilà pour la poésie. A côté d’elle, que de trésors moins brillants que les siens, quoique non moins précieux ! L’astronomie et la géographie, créées par Anaximandre, et par Scylas, de Caryatide sur le golfe de lassus ; les mathématiques, créées par Pythagore et ses disciples, prédécesseurs d’Aristarque de Samos, maître d’Archimède et d’Hipparque de Rhodes ; l’histoire, créée par Xanthos de Sardes, décelée de Milet, Hellanicus de Mytilène, surtout par Hérodote d’Halicarnasse, appelé dès longtemps le père de l’histoire, et à qui je donnerais un autre nom, si j’en connaissais un plus juste et un plus beau ; la médecine, partie de Samos pour Cyrène, Crotone, Rhodes et Cnide, avant de se fixer à Cos par Hippocrate, aussi grand peut-être dans son genre et aussi fécond qu’Homère peut l’être dans le sien ; l’architecture des villes, créée par Hippodamos de Milet, qui fut aussi écrivain politique dont Aristote analyse les ouvrages (Politique, Livre Il, ch. 5) ; la sculpture et le moulage, par Théodore de Samos, fils de Rhoecus ; la métallurgie par les Lydiens, etc., etc. Je m’arrête pour ne pas pousser plus loin ces nomenclatures un peu trop arides. Mais il faut rappeler encore que cette fécondité prodigieuse ne cesse pas avec les temps dont nous nous occupons. Théophraste est d’Érèse ; Épicure est élevé à Samos et à Colophon ; Zénon, l’honneur du Portique, naît à Cittium en Chypre ; Éphore est de Cymé : Théopompe est de Chios ; Parrhasius et Appelle sont d’Éphèse et de Colophon ; Strabon est d’Amasée sur le Pont, colonie d’une des villes grecques de la côte occidentale de l’Asie-Mineure, etc., etc. »

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