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Le deuxième procès de Socrate, celui de ses amis

27 février 2015, 18:09, par Robert Paris

- Antisthène :

Ce sont les sages qui doivent gouverner la chose publique et, de préférence, des sages qui ont aussi la sagesse de gouverner dans l’intérêt général et pas dans leur propre intérêt. La fausse démocratie n’est pas bien différente de la dictature. C’est la même classe dirigeante qui tire les ficelles dans les deux cas. La démocratie est plus solide car, officiellement, c’est le peuple qui gouverne et il croit vraiment le faire ! Certes, l’oligarchie a essayé plusieurs fois de profiter du discrédit de la démocratie pour reprendre l’intégralité du pouvoir politique, préférant l’exercice direct du pouvoir de décision à la nécessité de financer couteusement la fausse démocratie. Il n’empêche que, sous celle-ci, les bonnes affaires des mêmes grandes familles ont pu tranquillement continuer et les riches n’ont même pas changé grandement malgré d’importants changements dans le personnel politique. En discréditant publiquement la fausse démocratie, Socrate a fait même plus : il a convaincu de son point de vue des enfants des classes dirigeantes, les retournant contre leurs parents, comme toi Platon, et c’est de là qu’est venue l’accusation de corrompu et dévoyé la jeunesse d’Athènes. Cette accusation a été portée au procès sur des bases morales et religieuses pour ne pas avoir à justifier la condamnation de Socrate sur des vraies bases : sociales et politiques et maintenir ainsi la fiction qui a permis aux classes dirigeantes de se débarrasser d’un personnage gênant pour elles en faisant semblant d’agir ainsi dans l’intérêt du peuple et de la démocratie. Lors du procès, toute allusion politique a ainsi disparu alors qu’il aurait été facile d’y mentionner les amitiés de Socrate pour d’anciens participants de la tyrannie. Non, ceux qui ont fomenté le procès de Socrate ont tenu à le camoufler sous un jour purement moral, sachant que Socrate lui-même ne pouvait pas les démentir publiquement, vu que sa véritable activité politique avait toujours gardé un caractère clandestin.

Comme l’avait compris et dénoncé publiquement dans son théâtre Aristophane, Socrate cherchait à fonder un parti révolutionnaire, capable de remettre en cause bien plus que le mode de gestion politique de la cité athénienne mais jusqu’au mode de production, à l’esclavage, à l’oppression des femmes et des étrangers, à la place du travail humain dans la société, à l’expansion guerrière d’Athènes et à la fondation oppressive toute récente d’un Etat athénien. L’accusation d’impiété vis-à-vis des divinités athéniennes a pour but de cacher une accusation bien plus politique que religieuse !

- Xénophon :

L’accusation d’impiété contre Socrate n’est nullement fondée. Socrate lui-même y a répondu, déclarant : « Tous les Athéniens m’ont vu sacrifier dans les fêtes communes et sur les autels publics ». La daimona de Socrate n’est nullement contraire aux pratiques des Athéniens qui cherchent dans la nature des signes des volontés des dieux qui leur sont personnels.

- Antisthène :

Inexact ! C’est Socrate lui-même qui a tenu à rendre public son désaveu des devins et des offrandes aux dieux comme de toutes les pratiques religieuses en les opposant à la sagesse et à la raison humaine. Rappelons ainsi qu’en se rendant à la convocation de l’archonte-roi chargé de valider l’accusation contre lui, Socrate a rencontré par hasard un devin d’Athènes nommé Euthyphon qu’il a pris à parti et mis en cause, l’accusant de ne rien savoir à la piété et à ses fondements. Il a alors affirmé que les offrandes sont sans intérêt : « Quelle espèce de profits les dieux peuvent bien tirer des dons qu’ils reçoivent de nous », remettant ainsi en question l’essentiel des rites traditionnels et les sacrifices matériels faits aux dieux pour entrer en contact avec eux et les amadouer pour défendre leurs intérêts humains. Socrate rajoutait : « Ce serait en effet une chose extraordinaire que les dieux fissent attention à nos offrandes et à nos sacrifices plutôt qu’à l’âme pour juger de la sainteté et de la justice de quelqu’un. »

La défense de la conception rationnelle et scientifique est déjà une remise en cause fondamentale des croyances puisque le fait de rechercher la vérité dans la nature, dans l’observation de la société et de l’homme, dans le raisonnement, dans la logique humaine, c’est refuser de les chercher dans les mythes, dans le ciel, dans les manifestations des dieux. Un décret de 430 affirmait d’ailleurs qu’il fallait poursuivre en justice « quiconque enseignait des doctrines relatives aux phénomènes célestes. » La physique était déjà accusée de remettre en cause la métaphysique. Certes Socrate avait dit avoir abandonné l’étude de la physique, car elle était selon lui encore trop sujette à croyances et à hypothèses invérifiables, pour s’adonner plutôt au raisonnement sur les comportements et les buts humains et sociaux. Mais Aristophane avait très bien remarqué que Socrate continuait d’observer les phénomènes physiques et d’utiliser pour étudier la société humaine la même philosophie que pour étudier la nature.

C’est encore Socrate qui m’a dit qu’ « un dieu ne ressemble à rien » et que « le dieu qui ordonne que l’univers soit beau et bon nous demeure invisible ».

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