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Le vivant post-génomique, qu’est-ce que l’auto-organisation pour Henri Atlan ?

27 février 2017, 08:41

Interview d’Henri Atlan :

Question : Vous critiquez aussi la vision trop « informatique » de certains biologistes, pour qui le programme ADN est la réponse à toutes les questions.

Pr HA : C’est une vieille histoire. En ce qui me concerne, cette réflexion a commencé à l’époque des grandes découvertes de la biologie moléculaire et de l’interprétation de ces découvertes en termes de « programme ». L’idée selon laquelle un programme serait écrit (au sens littéral) dans la séquence ADN m’a toujours semblé approximative. Il ne s’agit pas là bien sûr de mensonge, mais de facilité dans l’usage d’un langage métaphorique. Cette métaphore est trompeuse, mais elle a eu un effet extraordinaire dès lors que de nombreux biologistes l’ont eux-mêmes prise au sérieux ! Aujourd’hui encore, cette idée persiste dans le grand public, mais la plupart des biologistes ont réalisé que cela ne fonctionnait pas de cette façon, ne serait-ce que parce que les analyses des génomes censées confirmer la réalité de cette métaphore en ont, au contraire, montré les limites.

Question : Vous critiquez aussi la confusion entre la valeur heuristique des modèles informatiques de systèmes complexes et le statut de vérité scientifique établie qui leur est trop souvent accordé.

Pr HA : Cette question des modèles est directement reliée au débat sur le réchauffement climatique. Je ne suis pas un spécialiste du climat, mais je sais que le climat est une affaire complexe et fait intervenir de nombreux paramètres. Je sais également, pour avoir travaillé sur la modélisation de systèmes complexes en biologie, que tous les systèmes complexes (en particulier si on ne peut pas les expérimenter) ont cette propriété de présenter des modèles sous-déterminés par rapport aux observations. En d’autres termes, le problème n’est pas de réaliser un bon modèle ; le problème est qu’il existe trop de bons modèles capables d’expliquer les mêmes observations.

J’ai constaté cette sous-détermination des modèles à l’époque où je faisais de la modélisation de systèmes immunitaires. Pourtant, les systèmes biologiques présentent l’avantage, par rapport aux systèmes écologiques ou climatiques, d’autoriser quelques expériences suggérées par les modèles et permettant éventuellement d’en éliminer certains.

L’intérêt des modèles se limite, le plus souvent, à suggérer de nouvelles expériences, mais dans le cas des recherches sur le climat ou sur une niche écologique, il n’y a pas d’expérience possible pour trancher entre différents « bons » modèles, et les scientifiques qui utilisent des modèles en connaissent parfaitement les limites. J’ai participé à une réunion rassemblant des mathématiciens, des informaticiens et des physiciens qui créaient des modèles pour la biologie. Tous étaient parfaitement conscients du fait que leurs modèles étaient bons du point de vue du modélisateur puisqu’ils expliquaient des phénomènes connus, mais tous s’accordaient aussi à dire qu’ils ne décrivaient pas forcément la réalité et qu’il fallait réaliser des expériences pour tenter de réduire leur sous-détermination.

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