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Comment l’épidémie du sida a démarré ?

3 décembre 2010, 14:46, par robert

Février 1959. Arno Motulsky et Jean Vandepitte, deux médecins américain et belge, sont engagés dans la recherche microbiologique contre le paludisme à Léopoldville [l’actuel Kinshasa], la capitale de ce qui était alors le Congo belge. Avec l’aide des médecins locaux, ils recueillent des échantillons de sang sur le personnel médical, les patients de l’hôpital et les membres de la police. Vingt-six ans plus tard, en 1985, ces échantillons, ainsi que d’autres venus de divers endroits de l’Afrique subsaharienne, parviennent aux Etats-Unis. Le Pr André Nahmias, de l’université Emory à Atlanta, les teste pour déceler la présence d’anticorps contre le virus responsable du sida. Les analyses effectuées sur cet échantillon, le L70 ­ tiré d’un lot de 99 spécimens prélevés à Léopoldville en 1959 ­, se révèlent positives à tous les examens. Recueilli sur un homme africain inconnu, le L70 constitue le plus ancien exemplaire connu du virus de l’immunodéficience humaine, ou VIH.

Le virus s’est transmis soudainement à l’homme

Nul ne sait ce qu’il est advenu de cet homme, mais, dans les vingt années qui ont suivi ce prélèvement ­ et avant 1981, l’année zéro du sida, celle où les Etats-Unis ont officiellement reconnu l’épidémie ­, un certain nombre d’autres Africains et d’Européens de passage en Afrique seront contaminés par le VIH-1, la première souche de ce virus à avoir été identifiée. Ces cas, traités dans les hôpitaux et les cliniques du Congo notamment [qui s’est appelé Zaïre de 1971 à 1997], mais aussi du Rwanda et du Burundi, présentaient ce que nous reconnaissons aujourd’hui comme les principaux symptômes du sida : sarcome de Kaposi particulièrement marqué, toxoplasmose, diarrhée, tuberculose. A l’époque, la médecine était restée impuissante, mais des prises de sang furent réalisées et, des années plus tard, après les tests, les échantillons ainsi prélevés révélèrent la présence de VIH. Fait très troublant : 87 % d’entre eux ­ c’est-à-dire de tous les échantillons connus de VIH-1 provenant d’Afrique avant 1980 ­ viennent de villes où des Africains ont reçu le même vaccin antipoliomyélitique oral, entre 1957 et 1960. Absolument tous les cas connus de VIH-1 en Afrique antérieurs à 1981 se situaient à moins de 160 km de ces lieux de vaccination. Existe-t-il un lien entre le sida et le vaccin antipoliomyélitique ? Edward Hooper prétend que oui et, dans son troublant ouvrage The River : A Journey Back to the Source of HIV and AIDS* [La rivière : retour aux sources du VIH et du sida], il avance des arguments frappants et bien documentés.
L’hypothèse n’est guère nouvelle. De par le monde, au moins trois chercheurs ayant travaillé indépendamment les uns des autres ont fourni des versions légèrement différentes de la théorie avancée à la fin des années 80. L’un d’eux était Jennifer Alexander, responsable du département de microbiologie à l’université du Witwatersrand (Johannesburg), qui, avec Gerasmos Lecatsas, chercheur en virologie à la Medunsa (école de médecine d’Afrique australe), a fait état de cette hypothèse relative au vaccin antipoliomyélitique dans des lettres ­ parues dans le SA Medical Journal en 1989, puis dans la revue médicale britannique The Lancet, en 1992. Ces deux lettres suscitèrent une levée de boucliers dans les milieux médicaux. C’est à la suite d’une rencontre avec Jennifer Alexander, en 1992, qu’Edward Hooper renonça à sa carrière d’enseignant et consacra son existence à démontrer la théorie selon laquelle ce vaccin était à l’origine du sida.
Une question sous-tendait son enquête. Si, comme on en est certain aujourd’hui, le VIH remonte aux rétrovirus présents chez certaines espèces de singes africains, tels que le virus de l’immunodéficience du singe, ou VIS (qui est la forme la plus proche du VIH), comment ces derniers ont-ils pu se transmettre d’un coup ­ et non pas graduellement ­ aux humains à la fin du XXe siècle, comme le laissent entendre ceux qui considèrent le franchissement de la barrière des espèces comme une évolution naturelle ? D’après Edward Hooper, la réponse la plus évidente est la suivante : c’est parce que les médecins les leur ont inoculés en étant animés des meilleures intentions du monde.
Au Congo, Edward Hooper s’est tout particulièrement intéressé au camp de Lindi, situé sur le fleuve Congo, à quelque 14 km de Stanleyville (l’actuel Kisangani), où des singes capturés étaient enfermés dans des cages, puis sacrifiés pour leurs reins. Ces reins étaient ensuite utilisés pour obtenir des substrats ou cultures cellulaires permettant de perfectionner les vaccins. Ces derniers avaient été mis au point par l’un des pionniers américains de la virologie, Hilary Koprowski, et furent les premiers à être administrés à des humains, en 1950.

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