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Classes sociales en Haïti

2 janvier 2011, 21:08, par eugene

C’est un jour sans fin dans le chaos de Port-au-Prince. Entre colère et résignation, les réfugiés échoués à même le sol dans des campements de fortune ou ceux qui préfèrent squatter devant les ruines de leurs maisons attendent en vain l’aide internationale. "Mais donnez-moi quelque chose à manger. Mais aidez-moi, aidez-moi, je deviens folle." La jeune femme se frappe violemment le ventre avant de tomber en pleurs dans les bras d’un ami. Juste devant l’ambassade de France, l’exaspération générale est résumée par cette inscription peinte sur un drap blanc : "We need help. Nous avons besoin d’aide. Necesitamos ayuda."

[…] Du centre-ville aux quartiers populaires de Caridad et de Carrefour-Feuilles, sur les collines qui surplombent la baie, les hommes qui s’affairent dans les décombres de leurs habitations ne cherchent plus des vivants mais leurs morts. Il y avait toujours hier des cadavres par dizaines, au bord des rues, au milieu d’une intersection, souvent dans un état de décomposition avancée. […]

Bertrand Wesner, un ingénieur informaticien de 34 ans, a passé deux jours sous les décombres de l’école où il travaille. Il a tenu, sans boire ni manger, seulement porté par la voix de ses copains. "L’Etat n’a rien fait pour moi. C’est grâce à mes amis que je m’en suis sorti." Le miraculé a ensuite trouvé une place dans un petit hôpital privé du centre-ville de Port-au-Prince, quand tant d’autres agonisent dans des hôpitaux publics-mouroirs. Au centre hospitalier du Sacré-Coeur, une vingtaine de blessés sont allongés dans la cour sur des matelas de fortune. Très affaibli, Bertrand appuie son dos contre les jambes de sa soeur, un oreiller de tendresse. […] "Son pied est fichu. Un médecin va essayer de l’amputer cet après-midi", glisse Jean-Bernard, le portier de l’hôpital. Ces jours-ci, l’opération se fait sans anesthésiant et aux ciseaux.

Les trois médecins du SacréCoeur sont sur le pied de guerre depuis le séisme. Ils ont pris en charge environ 300 blessés, jusqu’à épuiser leurs réserves de bandages et de médicaments. "On n’a plus rien. Si on ne reçoit pas très vite des stocks, on va devoir fermer", se désole Jean-Bernard. […]
"Le gouvernement semble avoir complètement disparu"

Où sont les secours ? A l’aéroport Toussaint-Louverture, où les équipes internationales continuent d’affluer. Dans le ciel, où bourdonnent les hélicoptères de l’US Navy et des Nations unies. Mais rarement dans les rues, au grand dam de la population, qui a faim et soif. "C’est affreux. Le gouvernement semble avoir complètement disparu. Au lieu de nous donner une direction à suivre, le président a dit à la radio qu’il connaissait, lui aussi, des difficultés matérielles", témoigne une fonctionnaire qui a apporté des draps et des serviettes aux rescapés qui campent dans les jardins publics.

Situé à deux pas du palais présidentiel en ruine, le Champ-de-Mars ressemble à un gigantesque camp de réfugiés sans toiles de tente ni distribution de nourriture. […] Posée avec tout ce qui lui reste de famille sous le monument érigé en hommage au bicentenaire de l’indépendance, Rose-Martine s’inquiète pour sa petite-fille d’un mois, un bout de chou coiffé d’un bonnet de laine bleu. "Ce n’est pas bon pour elle de vivre sur le trottoir. Elle est enrhumée."

[…] Les plus en forme tentent de fuir l’enfer de Port-au-Prince, ses ruines menaçantes, ses rues jonchées de cadavres en putréfaction, ses magasins fermés. En plus des marées de marcheurs sillonnant les rues à la recherche d’un repas, on en croise d’autres qui quittent la ville à pied pour retourner dans leurs provinces d’origine. […] "Je me demande s’il ne faudrait pas reconstruire Port-au-Prince ailleurs, déménager les gens vers un autre site", assène la fonctionnaire.

Vider la ville pour mesurer l’ampleur exacte des dégâts, tel est le prétexte donné par les autorités pour se débarrasser des réfugiés dans la capitale.

Vendredi, comme chaque jour depuis le séisme, il y a affluence dans le studio de Signal FM, la radio privée qui, mieux que les autorités, abreuve les sinistrés d’informations et de conseils en tout genre. […] "Les gens sont vraiment très inquiets, assure Mario Viau, le directeur de la station. On croule sous les appels. Il est temps d’obtenir des résultats visibles. Sinon, la situation peut facilement dégénérer."

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