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Editorial - Quand l’unité sert d’argument contre... le front des travailleurs, leur organisation sur des objectifs de classe et l’extension du mouvement

14 novembre 2010, 11:17, par MOSHE

Les trois pièges de l’unité

Dans le dernier mouvement des retraites en France, bien des travailleurs ont pensé que la force du mouvement résidait dans l’unité : l’unité contre Sarkozy, l’unité syndicale et l’unité des Français encore appelée la "bataille de l’opinion". Ils se trompent ou plutôt on les trompe. Loin d’être une force, ce sont trois pièges qui ont été déterminants pour battre les travailleurs et permettre au gouvernement de casser la retraite à 60 ans, tout en sauvegardant le crédit des centrales syndicales et du PS, pourtant nullement décidés à mener véritablement le combat...
L’unité syndicale

Commençons par l’unité syndicale puisque la lutte a été menée (jusqu’à la défaite) par l’Intersyndicale, unissant de manière inattendue des centrales qui roulent pour des intérêts de boutique concurrents, qui n’ont aucune vision commune et encore moins d’accord sur la question des retraites... Ces centrales ont été capables de proposer des journées d’action jusqu’à épuisement des participants, sans jamais s’épuiser elles-mêmes (sans que les plus droitières ne ressentent le risque d’être accusées de radicalisme) ni épuiser les classes dirigeantes ou le gouvernement, bien entendu. Car ce mode d’action visait à "s’exprimer", "se faire entendre", "toucher l’opinion", mais pas à engager la lutte contre nos vrais adversaires du patronat et du gouvernement. La direction des centrales risquait d’autant moins d’être accusée d’irresponsabilité par les classes dirigeantes et l’Etat qu’eux-mêmes percevaient très bien que, sans ce cadre étouffant de l’Intersyndicale, il y avait des risques sociaux réels de la part de travailleurs en colère...

Si ces directions, qui n’ont jamais été choisies démocratiquement ni par le mouvement ni par les travailleurs ni par les syndiqués, se sont intronisées direction du mouvement et lui ont imposé leurs limites, elles n’étaient cependant d’accord ni sur les revendications, ni sur les objectifs ni sur les moyens de lutte. Mais, au nom de l’unité, elles ont imposé au mouvement de ne pas discuter les objectifs et les perspectives et même pas les revendications. Et elles se sont contentées de cacher ces divergences au cours du mouvement. Et elles ont maintenant intérêt à les faire ressortir alors que le danger social est passé...

Les premières fissures de l’unité syndicale nous ont permis, en effet, d’apprendre que les dirigeants de ces centrales savaient depuis le début que la méthode des journées d’action ne pouvait pas permettre au mouvement de prendre son ampleur et encore moins de faire reculer le gouvernement. Rappelons qu’en 1995, au contraire, le succès était provenu d’une grève s’étendant et menaçant de devenir générale... Et encore faut-il remarquer que cela avait été possible parce que les classes dirigeantes n’étaient pas, comme actuellement, engagées dans la plus grave crise systémique de l’Histoire...

Alors, cette fois, c’est l’Intersyndicale qui n’a cessé de tirer contre son camp, contre la menace de généralisation de la grève au privé, en affirmant qu’il ne fallait pas que le mouvement soit trop couteux pour les salariés, que les blocages suffiraient à faire reculer le gouvernement ou bien que les cheminots préféraient des grèves de 59 minutes ou encore qu’il suffisait de manifester les samedis sans faire grève. Sans oublier que ... la jeunesse allait prendre le relais des travailleurs ou que le manque d’essence allait faire plier Sarkozy sans que l’on fasse jamais appel à l’ensemble de la classe ouvrière...

Mais ce n’était pas aussi simple : il fallait faire croire aux plus combatifs que l’on ne perdait pas de vue l’idée de la généralisation sans la pratiquer réellement...

« Plus l’intransigeance dominera, plus l’idée de grèves reconductibles gagnera du terrain », tonnait Bernard Thibaut, vendredi 10 septembre, dans « Le Monde ».

Le 5 octobre, Bernard Thibaut déclare à l’AFP : « Personne ne peut prétendre faire participer sous la même forme plusieurs dizaines de millions de personnes, de la signature d’une pétition à la participation à une multitude d’initiatives locales, voire aux manifestations lors des journées interprofessionnelles. Qui dit mouvement social dit de multiples formes pour y participer ».

Bernard Thibaut le 7 octobre sur RTL : "Cela ( NDLR :la grève générale, précisons que cet amnésique pourrait se pencher sur l’histoire de la CGT du début du 20ème siècle pour s’apercevoir de l’énorme contre-vérité qu’il profère…) n’a jamais été pratiqué dans l’histoire sociale de notre pays (...) C’est un slogan pour moi tout à fait abstrait, abscons. Cela ne correspond pas aux pratiques par lesquelles on parvient à élever le niveau du rapport de forces."

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