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Le mouvement des retraites de 2010

10 novembre 2010, 15:31, par Robert Paris

THESES SUR LA QUESTION SYNDICALE

1- La situation actuelle de la lutte des classes dans le monde se caractérise par une double contradiction, à la fois pour la classe capitaliste et pour la classe ouvrière. Double force, car le capitalisme est parvenu à dominer la planète et que la classe ouvrière s’est également étendue au monde entier. Double faiblesse, parce que le capitalisme a atteint ses limites et connaît une grave crise de suraccumulation qui le rend incapable de nouveaux investissements, cette perte de dynamisme ne pouvant être remplacée par les dépenses colossales des Etats et que le prolétariat connaît une grave crise de confiance dans ses propres forces, crise dans laquelle social-démocratie, nationalisme et stalinisme se partagent la responsabilité et d’où découle une faiblesse idéologique, politique et organisationnelle. Et même, on peut parler en un certain sens de crise morale dans la mesure où les travailleurs n’attendent souvent de leur classe et de ses organisations aucun changement radical de leur sort. Les trahisons des organisations dites ouvrières ne datent pas d’hier. Par contre, le fait que celles-ci s’affichent comme ne se revendiquant plus ni du pouvoir aux travailleurs, ni ’une classe ouvrière internationale, ni même du communisme et du socialisme, mais de la gestion "réaliste" de la société capitaliste, est uen relative nouveauté, un pas de plus dans la décadence.

2- La décadence existe aussi dans le camp d’en face. La décadence impérialiste implique non seulement un effondrement économique mais, également, va certainement entraîner à brève échéance un effondrement social, politique et moral du cadre classique bourgeois. Bien évidemment, les révolutionnaires n’ont rien à regretter des illusions petites bourgeoises dans le système, que ce soient des illusions sur les institutions démocratiques (constitutions, gouvernements, légalité, rôle de l’Etat, services publics, syndicats) ou des illusions dans le mode de maintien de l’ordre bourgeois (violence des forces policières et armées, non respect des droits des citoyens, non respect de la légalité bourgeoise elle-même). Les relations de classe vont prendre un caractère beaucoup plus cru et rude. Cependant, la bourgeoisie, dans un premier temps, aura d’autant plus besoin de tromperies des masses à grande échelle. Le réformisme, qui n’a plus aucun sens en termes de possibilités réelles de réformes, d’amélioration de la situation des masses, prendra un rôle encore plus grand pour les classes dirigeantes, dans un premier temps. Il jouera le rôle de police de la classe ouvrière, rôle que les forces de répression ne pourront pas jouer dans une montée des mécontentements sociaux. Ce n’est pas seulement le rôle des partis de gauche. C’est également celui des associations et des syndicats. Ils serviront à encadrer la classe ouvrière, à étouffer sa voix et à l’empêcher de s’auto-organiser. Ils jouent déjà ce rôle bien entendu, mais ils vont devenir le principal outil des classes dirigeantes quand la crise va prendre une tournure plus catastrophique.

3- Les révolutionnaires n’ont jamais eu d’illusions dans le rôle des organisations réformistes. La question n’est pas là. Il s’agit d’un rôle nouveau de celles-ci, en période de crise révolutionnaire, c’est-à-dire de crise dans laquelle la situation objective mène à la remise en question de la direction de la planète par la bourgeoisie impérialiste. Bien entendu, le problème est accru par le fait que nous sommes pour le moment dans une situation intermédiaire : la crise a connu ses premiers soubresauts sans que les travailleurs ne mesurent le sens de celle-ci. Bien entendu, tout l’effort des classes dirigeantes consiste à faire croire à la possibilité d’une pérennité du système et de préparer en attendant les tremblement de terre à venir des solutions politiques et sociales pour encadrer les masses. Si on comprend que l’avenir proche est celui d’affrontements sociaux de grande ampleur, on ne peut non plus ignorer que l’avenir pour les travailleurs n’est pas au mode d’organisation des périodes calmes : la démocratie bourgeoise, les associations, la gauche et les syndicats. Elle est à l’auto-organisation des travailleurs : comités de travailleurs élus et révocables sur les lieux de travail ou d’habitation.

4- Cela ne signifie pas que les révolutionnaires doivent anticiper et quitter les autres types d’activité avant que les travailleurs n’en soient là. Mais cela a une grande importance en ce qui concerne la formation et la conscience des militants révolutionnaires eux-mêmes. Et, dans ce domaine, ce que l’on pense a encore plus d’importance que ce que l’on est encore momentanément en train de faire. Il faut, par la pensée, dépasser le niveau de l’activisme quotidien pour se préparer et préparer ceux qui nous entourent à ce qui va suivre….

5- Le syndicalisme n’est pas et n’a jamais été le mode unique d’organisation de la classe ouvrière. Il a longtemps été le mode d’organisation des plus grandes masses. De nos jours, dans les pays impérialistes, ce serait une tromperie que de dire qu’il organise les travailleurs. Ni il les réunit, ni il leur donne les moyens de discuter, de décider, d’avoir voix au chapitre, même pour la simple confection d’un tract, pour la décision d’une action, pour l’élection d’un dirigeant, pour la conclusion d’une lutte. C’est bien connu : c’est le bureaucratisme quasi-total. C’est loin d’être nouveau mais cela a pris encore des proportions supplémentaires avec l’aggravation de la dépendance des syndicats vis-à-vis de l’Etat et des trusts.

6- Pour les révolutionnaires, cela n’est pas le premier point. Bureaucratisés ou pas, les syndicats sont un certain niveau de conscience limité de la classe ouvrière, niveau qui ne mène nullement spontanément à la conscience historique du rôle du prolétariat et même qui s’y oppose en quelque sorte. En effet, la plus large masse des travailleurs qui adhère aux syndicats en attend une amélioration des conditions de vie et de travail en accord avec la légalité de cette société et en discussion avec la classe dirigeante. La base d’accord entre les militants honnêtes du syndicat et la bureaucratie existe bel et bien. Il est aisé pour la bureaucratie de rappeler aux travailleurs ou aux militants de base qui ruent parfois dans les brancards sous les coups de trahisons trop grossières que les militants révolutionnaires, eux, veulent renverser la classe dirigeante ! Ce n’est pas le cas des travailleurs du rang… Du moins, pas pour le moment. Et encore moins des militants syndicalistes, sauf exception.

7- Pour nous, la conscience de classe, c’est la conscience des intérêts d’avenir de l’humanité et non la défense d’intérêts d’un groupe social, celui des travailleurs, avec des revendications particulières pour lui. C’est une conscience communiste. Le rôle des révolutionnaires de défenseurs d’une conscience d’avenir du prolétariat est inséparable de leur rôle dans la lutte des classes quotidienne. Cela suppose de démontrer sans cesse aux travailleurs qu’ils représentent un autre avenir, d’autres possibilités sociales, d’autres solutions au fonctionnement social. Ce n’est pas un simple rôle de mobilisation et de revendication. En fait partie notre rôle internationaliste, dimension totalement occultée actuellement par les syndicats. En fait également partie notre propagande pour un mode d’organisation autonome du prolétariat qui ne nécessite pas de grandes luttes sociales. Dans les problèmes de tous les jours des travailleurs peuvent s’auto-organiser. Nous l’avons vécu sur la question de l’amiante dans l’entreprise, sur la question des transports dans l’entreprise, sur la question des sans-papiers ou dans une grève sur les salaires ou contre les licenciements. Nous pouvons le vivre demain sur la question du stress et des suicides. Nous pouvons également connaître des comités de travailleurs sur des questions comme la hausse des prix ou les licenciements. Toutes les fois qu’il est possible de mettre en place une véritable auto-organisation des travailleurs, il est hors de question de faire appel aux syndicats même si nous en faisons partie, même si nous y militons, même si nous les dirigeons.

8- La raison fondamentale est la suivante : il faut que les luttes sociales préparent l’organisation révolutionnaire politique mais préparent aussi la classe elle-même à son rôle de direction et ces deux question ne doivent pas être confondues comme Lénine l’a maintes fois répété.

"Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste."

Lénine dans "Le matérialisme militant"

« Ce qui caractérise toute révolution, c’est que la conscience des masses évolue vite : des couches sociales toujours nouvelles acquièrent de l’expérience, passent au crible leurs opinions de la veille, les rejettent pour en adopter d’autres, écartent les vieux chefs et en prennent de nouveaux, vont de l’avant, et ainsi de suite. Les organisations démocratiques qui reposent sur le lourd appareil du suffrage universel doivent forcément, aux époques révolutionnaires, retarder sur l’évolution progressive de la conscience politique des masses. Il en va tout différemment des soviets. Ils s’appuient directement sur des groupements organiques, comme l’usine, l’atelier, la commune, le régiment, etc. (…) Le délégué du Conseil municipal ou du zemstvo s’appuie sur la masse inorganique des électeurs qui, pour un an, lui donne pleins pouvoirs et puis se désagrège. Les électeurs du soviet, au contraire, restent toujours unis entre eux par les conditions mêmes de leur travail et de leur existence, et ils ont toujours l’œil sur leur délégué ; à chaque instant, ils peuvent l’admonester, lui demander des comptes, le révoquer ou le remplacer par une autre. »

Léon Trotsky

Dans « L’avènement du bolchevisme »

9- Il en résulte les tâches suivantes pour les communistes révolutionnaires :

 militer en développant le maximum de liens avec la classe ouvrière et pas seulement avec ses militants organisés
 ne jamais s’isoler de la masse des travailleurs et les faire juges de nos positions, de nos orientations et de nos combats par tous les moyens (prises de paroles, affiches, tracts publics)
 participer à l’activité syndicale mais en ayant conscience que l’on intervient en terrain miné, en préparant les camarades non seulement aux combats avec les bureaucrates mais aux pressions multiples et aux déformations que représente la participation aux organismes syndicaux
 ne jamais participer à des responsabilités syndicales tant qu’on n’a pas de groupes autour de soi sur des bases politiques claires et tant que l’on n’a pas de parution publique régulière communiste révolutionnaire sur l’entreprise
 ne briguer des responsabilités syndicales que sur la base d’un soutien clair et sur des objectifs écrits et votés des travailleurs
 s’interdire de diriger une lutte en tant que syndicaliste sans se donner les moyens d’organiser tous les travailleurs en lutte en faisant élire des organes de direction de cette lutte.
 Et ne jamais oublier que prôner la grève générale et même la révolution sans l’organisation de comités de grève, de comité central de grève, de comité d’usine et de soviets, c’est envoyer la classe ouvrière à la défaite et même bien pire…

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