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Editorial 12-06-2010 - Afrique du sud : la coupe est pleine

26 août 2010, 11:40, par Robert Paris

La grève des fonctionnaires en Afrique du Sud, entamée il y a une semaine sur des exigences salariales, accentue les tensions au sein de l’alliance de gauche qui a porté au pouvoir le président Jacob Zuma.

"L’alliance est extrêmement tendue", résume l’analyste politique indépendant Daniel Silke, évoquant une "bataille pour la suprématie" alors que le Congrès national africain (ANC) qui dirige le pays depuis la chute de l’apartheid en 1994, se débat face à une pauvreté et un chômage endémiques.

C’est une population frustrée de la lenteur des progrès, après seize années de démocratie, qui a redonné à l’ANC une majorité des deux tiers au Parlement en mai 2009, sous la houlette du populiste Zuma.

Mais la situation ne s’est guère améliorée depuis, en dépit du coup de pouce aux infrastructures donné par le Mondial 2010 de football.

La croissance s’est tassée au deuxième trimestre à 3,2%, loin des 7% nécessaires selon le gouvernement pour créer des emplois durables.

Le taux de chômage officiel, de 25,3%, ne reflète pas la réalité d’une population qui a largement renoncé à trouver un emploi, soulignait le mois dernier l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

Les inégalités héritées du régime ségrégationniste blanc ne font que s’accroître, en raison notamment d’un système d’éducation déficient. Parmi les jeunes Noirs, le taux de chômage approche les 50%, selon l’OCDE.

Aussi le débat fait-il rage au sein de l’ANC et de ses alliés —le Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu) et le Parti communiste—, sur la façon d’allouer l’argent public.

"Bien sûr que cette grève est politique", reconnaît le secrétaire général du Cosatu, Zwelinzima Vavi. Près de trois ans après le congrès de Polokwane, où l’ANC avait renversé sa direction pour élire M. Zuma, "nous n’avons pas de quoi nous réjouir."

"Nous avons perdu depuis plus de 1,1 million d’emplois", relève M. Vavi. "En conséquence, 5,5 millions de Sud-Africains ont été poussés dans la pauvreté", dans un pays où 43% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.

Dans ce contexte, la grève des fonctionnaires est particulièrement délicate pour le gouvernement. Les quelque 1,2 million d’employés de l’Etat sont sous-payés, dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation ou la police.

Les fonctionnaires grévistes exigent une hausse de 8,6% de leur salaire, soit le double de l’inflation. Les écoles sont fermées, les hôpitaux n’assurent qu’un service minimal grâce aux médecins militaires et à des volontaires protégés par l’armée.

"Ce qui est en jeu, c’est la politique économique du pays", souligne l’analyste Silke. "Le débat monte au sein de l’ANC sur la façon de soutenir la croissance et de créer des emplois."

Pour la confédération syndicale, les hausses de salaires sont l’unique façon de répondre aux inégalités qui ne cessent de se creuser au profit de l’élite dans la première économie d’Afrique.

Le ministre des Finances, Pravin Gordhan, préfère quant à lui concentrer les efforts du gouvernement sur la création de nouveaux emplois, surtout pour les jeunes.

Quant au Parti communiste, troisième partenaire de l’alliance dont les dirigeants ont rejoint le gouvernement Zuma, il observe un silence qui irrite le Cosatu.

Dans cette démocratie ultra-dominée par un seul parti, la bataille qui s’amorce est celle de l’alternance au pouvoir : en 2012, l’ANC tient son prochain congrès, qui devrait déterminer les orientations du gouvernement suivant.

"Le chômage continuera de poser le risque politique et économique le plus élevé", remarque l’analyste du marché du travail Andrew Levy. Si le président Zuma s’aliène les syndicats, c’est un soutien clé pour 2012 qu’il met en jeu.

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