Accueil > ... > Forum 4479

Quoi de neuf dans la lutte des cheminots ?

4 juillet 2010, 18:51, par marek abdel

Suite grève 1986

La préparation de la grève à Paris-Nord

En tout cas, une chose est sûre. Cette grève n’a pas été déclenchée par les syndicats, mais ce fut une grève voulue, préparée, déclenchée par des cheminots, militants syndicaux ou non, à la base.

Les cheminots de deux secteurs au moins, à notre connaissance, la ligne C du RER et à Paris-Nord, ont véritablement préparé la grève durant les semaines qui l’ont précédée. La seule différence c’est qu’à Paris-Nord, on n’envisageait qu’une grève des seuls agents de conduite.

Très exactement, à l’antenne Paris-Nord du dépôt La Chapelle, c’est le 10 novembre 1986 qu’un conducteur proche de la FGAAC mais écoeuré des journées d’action syndicales, décida de faire circuler une pétition, proposant de « poser le sac une fois pour toutes », c’est-à-dire de partir en grève illimitée. Cette pétition recueillit deux cent signatures. Après quoi, un certain nombre de militants (CFDT, FGAAC ou non syndiqués) du secteur rédigèrent un tract qu’ils diffusèrent à partir du 8 décembre. Ce tract s’adressait à tous « les agents de conduite de la SNCF » mais pas aux autres catégories de cheminots. Ils y écrivaient :
« Les ADC (les agents de conduite) expriment leur mécontentement pour les raisons suivantes :
 projet de nouvelle grille de rémunération ;
 salaires ;
 remise en cause perpétuelle des acquis ;
 dégradation des conditions de travail.

Ils revendiquent :
 le maintien de la grille actuelle avec augmentation des points sur les différents niveaux (depuis 20 ans, les ADC ont perdu 58 points, ce qui représente environ 2000 francs mensuels) ;
 un déroulement de carrière basé uniquement sur l’ancienneté, sans discrimination de roulement ;
 le T5 (le grade le plus élevé chez les conducteurs de trains) pour tous au bout de 12 ans ;
 une rémunération qui soit à la hauteur de leurs qualifications et responsabilités ;
 la modification du système de calcul des primes de traction ;
 le remplacement de la prime de fin d’année actuelle par un treizième mois ;
 une réforme du PS4R (réglementation du travail pour les roulants) allant dans le sens d’une amélioration des conditions de vie et de travail. »

Et le tract annonçait : « Les ADC ont pris la décision de se mettre en grève à partir du 18 décembre 1986 à 0H00 et jusqu’à satisfaction de leurs revendications ».

Enfin, « ils demandent aux différentes organisations syndicales : CFDT, CFTC, CGT, FGAAC, FO de soutenir leur mouvement. Les ADC sauront prendre leurs responsabilités vis-à-vis des organisations syndicales qui ne leur apporteraient pas leur soutien ».

C’est ce tract qui fut l’outil essentiel de la préparation de la grève à Paris-Nord. Au bas, il est indiqué : « Si tu es d’accord, fais-en quelques photocopies et diffuse-le autour de toi et dans d’autres dépôts », avec un numéro de téléphone pour un contact éventuel.

Les agents de conduite du Nord rencontraient des échos favorables dans les différents dépôts. Les syndicats furent contactés pour déposer un prévis de grève : CGT et FGAAC refusèrent d’abord. La CFDT déposa un préavis régional ; à la suite de quoi, la FGAAC déposa un préavis de 48h pour le dépôt La Chapelle.

Le 16 décembre, après une entrevue avec la direction menée par la CFDT en présence de trois non-syndiqués, une assemblée générale de soixante personnes confirmait le mot d’ordre de grève.

Une première grève sur la ligne C

Sur la ligne C du RER, c’est à partir du 21 octobre que le travail de préparation de la grève est entrepris. Comme dans bien d’autres secteurs, des cheminots combatifs en ont assez des journées d’action sans lendemain et demandent qu’on fasse autre chose. Un agent de conduite propose à ceux qui tiennent ce langage de chercher comme lui, un à un, les autres cheminots qui seraient prêts à organiser la lutte nécessaire. Il explique que cette lutte, pour aboutir devra s’étendre à d’autres secteurs et même à d’autres corporations. Que cela est possible car tous les cheminots ont les mêmes problèmes, subissent la même politique comme aussi tous les travailleurs.

Le 21 octobre, profitant du fait qu’ils sont en grève à l’occasion d’une nouvelle journée d’action syndicale, une première réunion regroupe douze cheminots. Ils se donnent comme tâche de contacter les cheminots du secteur, un à un. Ce secteur, la ligne C du RER, englobe en fait les agents de conduite et les agents de train de l’ensemble de la banlieue de la gare Paris-Austerlitz (réseau Sud-Ouest), soit en tout 550 cheminots répartis entre Bretigny, Etampes, Dourdan, Juvisy, Orly, Invalides et Versailles-Chantiers. Il s’agit de prendre l’avis de chacun, discuter et convaincre. Des réunions regroupant plusieurs dizaines de cheminots chaque fois, à Invalides et Brétigny. Malgré les difficultés dues à l’organisation du travail chez les roulants, en un mois, 250 cheminots contactés se déclarent d’accord. Un Comité d’organisation est mis en place. Dans un tract du 22 novembre, il écrit :
« Oui une lutte d’ensemble de la SNCf et même de tous est possible, mais pour le faire, il faudra bien que quelque part, un secteur, à la base, entame la lutte, en s’adressant aux autres travailleurs. Si nous faisons cet effort, alors là, patrons et gouvernants cesseraient de se frotter les mains et pourraient commencer sérieusement à se faire de la bile.
OUI, LES TRAVAILLEURS VRAIMENT DECIDES A SE BATTRE POURRAIENT AINSI COMMENCER A LE FAIRE AUJOURD’HUI. POURQUOI PAS NOUS ? »

La grève va être tentée quelques jours plus tard. Lors d’une réunion le 28 novembre, dans le contexte de la lutte des jeunes étudiants et lycéens qui mettent en difficulté le gouvernement, l’idée que c’est le moment prédomine. Une assemblée générale est fixée au 1er décembre. Elle regroupe 35 cheminots ; la grève est votée pour le 4 décembre et le Comité de grève est mis en place.

Le 4 décembre, il apparaît que la grève est minoritaire sur le secteur, et les perturbations sur le réseau peu importantes. Néanmoins, les grévistes s’adressèrent aux catégories sédentaires des cheminots aux alentours, à l’atelier de Paris-Massena, à celui du dépôt d’Ivry. La grève ne s’étendant pas, ils décidaient la reprise le lendemain 5 décembre à 13 heures.

L’exemple de l’organisation à la base donné par la ligne C va cependant être suivi par d’autres secteurs alentours. Aux Ateliers de Vitry, au dépôt Paris-Sud-Ouest, des Comités d’organisation de la Grève se constituent. Quant au Comité de Grève de la ligne C, il reste mobilisé. Il écrit le 8 décembre : « Nous pensions et nous pensons toujours que si c’est bien le mouvement général de tous les cheminots et même de tous les travailleurs qui est nécessaire, il faudra bien que certains commencent pour qu’il puisse s’étendre. Ce pourrait être n’importe où. Ce pourrait être aussi dans notre secteur. »

Entre ceux qui préparent une grève des conducteurs à Paris-Nord et ceux qui militent sur la ligne C, des contacts sont établis pour s’informer des initiatives des uns et des autres, même si des désaccords existent. Ceux du Nord pensent par exemple que le choix des fêtes de fin d’année fera pression sur la direction. Sur le Sud-Ouest, on pense que le meilleur soutien serait celui des autres travailleurs.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.