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Qui était Che Guevara ?

28 janvier 2014, 20:18

Ernesto « Che » Guevara, propagandiste et praticien le plus proéminent de la perspective de lutte de guérilla à laquelle on identifie le castrisme, a reçu une publicité d’un genre auquel le guérillero, né en Argentine, ne se serait jamais attendu, même dans ses pires cauchemars.

Le Che a fait l’objet d’une commercialisation qui jure avec sa réputation de radical. On a fait de son image même une marchandise. Le fabricant de montres suisse, Swatch, a créé un modèle « révolution » arborant le visage du guérillero. Son visage a même servi pour des publicités de ski, pour décorer des CDs de musique rock, et même pour vendre de la bière.

En Argentine, le gouvernement de Carlos Menem, favori de Washington pour son adhésion aux règles du Fonds monétaire international (FMI) et pour son soutien enthousiaste à la guerre de 1991 contre l’Irak, a même fait sortir un timbre commémoratif célébrant le Che comme un « grand Argentin »

Le régime castriste s’y est mis, aussi. Il a récemment rapatrié la dépouille de Guevara depuis la Bolivie pour l’enterrer en grande pompe à Cuba. Le gouvernement cubain organise des circuits touristiques sur le thème du Che pour des gauchistes nostalgiques étrangers et vend des T-shirts et des bibelots « Che », offrant ainsi une nouvelle source de devises étrangères pour l’économie cubaine en détresse.

Pourquoi le Che est-il si facilement converti en icône inoffensive, et néanmoins profitable ? Les qualités citées par ses admirateurs sont bien connues — bravoure physique, abnégation, ascétisme, le fait qu’il soit mort pour une cause. Tous ces traits peuvent être dignes d’admiration. Il ne fait pas de doute que ces qualités présentent un contraste frappant avec l’éthique sociale dominante de notre temps, où la valeur d’une personne se détermine par la quantité de ses avoirs en bourse. Mais ces qualités, en elles-mêmes, n’indiquent en rien le caractère politique ou de classe de ceux qui les possèdent. Des sectes religieuses et même des mouvements fascistes peuvent prétendre avoir produit des martyrs ayant des qualités semblables, dans des luttes poursuivant des objectifs complètement réactionnaires.

Un examen critique de la carrière de Guevara montre que ses conceptions politiques n’avaient rien à voir avec le marxisme et que les panacées de la lutte armée et de la guerre de guérilla, auxquelles il était identifié, étaient fondamentalement hostiles à la lutte révolutionnaire socialiste de la classe ouvrière.

Au milieu du récent regain d’intérêt à l’égard de Guevara, plusieurs biographies du leader de guérilla ont été publiées. Celles de l’auteur mexicain Jorge Castaneda et de l’Américain John Lee Anderson, bien qu’elles proposent en aucune façon une analyse politique marxiste, fournissent néanmoins des précisions utiles sur la trajectoire de Guevara et de la révolution cubaine.

Ce qui ressort très clairement du récit détaillé de la carrière de Guevara dans ces livres est la superficialité sans bornes et les résultats tragiques de sa perspective politique.

Pendant qu’étaient publiés ces récits factuels, il y a eu une nouvelle tentative, de la part de diverses tendances petites-bourgeoises de gauche, de décrire Guevara comme un leader révolutionnaire et un théoricien dont l’exemple et les conceptions continuent à donner une perspective significative à la lutte contre le capitalisme. A la différence des biographes, ces groupes ne donnent pas de nouveaux aperçus ou de nouveaux détails. Ils mélangent une nostalgie malsaine pour l’âge d’or du gauchisme petit-bourgeois avec ce qui est indubitablement une falsification des véritables opinions de Guevara et de leurs conséquences politiques.

Che Guevara écrivait :

« Nous avons démontré qu’un petit groupe d’hommes déterminés, qui ont le soutien du peuple, et qui ne craignent pas la mort [...] peuvent venir à bout d’une armée régulière. [...] Il y a une autre leçon pour nos frères en Amérique [latine], qui sont économiquement dans la même catégorie agraire que nous, qui est que nous devons faire des révolutions agraires, lutter dans les champs, et de là conduire la révolution aux villes, et non pas la faire dans ces dernières. »

Cette conception, qui devint l’explication officielle de la révolution cubaine, était une déformation radicale des faits. Au cours des six années pendant lesquelles Batista était au pouvoir, 20,000 Cubains furent tués par le régime. Parmi ceux-là, 19,000 furent tués dans les villes. Des actes de sabotage, des grèves politiques, et d’autres formes de résistance, la plupart hors du contrôle du mouvement castriste du 26 juillet, étaient largement répandus et donnèrent l’impulsion principale à la chute du régime.

Les guérilleros castristes étaient, au plus, de quelques milliers d’hommes. Il n’y eut aucune bataille militaire concluante et la bataille la plus grande ne vit combattre, au plus, que 200 guérilleros. Batista perdit le soutien à la fois de la bourgeoisie cubaine—dont une bonne partie soutenait Castro—et de Washington, qui imposa un embargo d’armes sur son régime. Privé de ce soutien, le régime se désintégra rapidement.

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