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Que veut dire Haïti occupée par des forces armées étrangères ?

22 janvier 2010, 16:45, par Robert Paris

Haïti en 1987

Dans la nuit du 28-29 juillet, des détachements armés envoyés par la caserne Dessaline - siège du régiment notoirement spécialisé dans la répression, commandé par le colonel Jean-Claude Paul, réputé chef de file de la fraction « dure » de l’état-major, ex-haut dignitaire macoute et trafiquant de drogue à ses heures - sillonnèrent plusieurs quartiers et tirèrent. Les radios annoncèrent dix cadavres rammassés le lendemain. Ce lendemain, justement, date traditionnelle de la fête des « macoutes » sous Duvalier, lors d’une manifestation pacifique contre le macoutisme, il y eut une nouvelle intervention d’un détachement de la caserne Dessaline : dix morts, plusieurs dizaines de blessés. Nuit suivante : fusillade contre plusieurs radios privées, généralement liées à l’Eglise, et à la liberté de ton exceptionnelle pour un pays de dictature. Encore des assassinats, exécutés nuitamment par des hommes en « vert olive ». Devant les protestations, un communiqué cynique du Grand Quartier Général spécifia que les agissements armés la nuit n’étaient nullement le fait de l’armée mais « d’individus entraînés à Cuba et infiltrés dans le pays sous couvert de boat-people rapatriés » ainsi que de communistes ayant volé des uniformes militaires pour se déguiser...

Le scénario était désormais au point. Les agissements nocturnes, mêlant la terreur politique à des actes de pur banditisme, devinrent systé-matiques. Un certain nombre de jeunes, connus pour leur engagement dans les manifestations ou dans des comités de quartier, furent enlevés, parfois « seulement » battus et torturés, parfois, sommairement exécutés. Mais plus généralement, il y eut des agressions plus ou moins sanglantes, contre n’importe qui se trouvant dehors - agressions manifestement destinées à frapper la population dans son ensemble, à la terroriser, à faire en sorte que plus personne n’ose sortir la nuit, que les gens se cloîtrent chez eux, isolés, séparés, repliés dans leur peur et en conséquence, sans réaction collective.

La participation de certains éléments de l’armée à ces expéditions nocturnes ne faisait aucun doute et il était à peu près évident que le mouvement avait été lancé par des hommes de la caserne Dessaline - directement commandité par le CNG, ou peut-être, à l’initiative « privée » du colonel Jean-Claude Paul, qui semblait avoir ses propres projets politiques, et en tous les cas, sa propre ambition. Mais à en juger par l’extension de ce mouvement, y compris dans un grand nombre de villes de province, les militaires étaient relayés à la fois par une sorte d’extrême-droite civile, composée d’ex-macoutes ou pas, et sans doute par des lumpen-prolétaires armés et protégés par la police, voyous que l’on ait autorisé à joindre l’utile à l’agréable en quelque sorte, c’est-à-dire la répression au brigandage pur et simple. Mais il faut se souvenir que c’est sur cette base-là que s’était développé, sous le premier des Duvalier, le « macoutisme », cette sorte de « fascisme » de pays pauvre.

Les agissements de ces hommes revêtirent des formes plus ouvertes dans différents endroits de la province. Dans plusieurs « sections rurales » et petites villes, les « déchoukages » reprirent, mais cette fois, non pas contre des macoutes ou des notables mis en place sous Duvalier, mais contre des gens réputés « communistes » - et il ne fallait pas grand’chose pour mériter cette réputation. Dans la petite ville de Léôgane, un candidat à la prési-dence, aux opinions fort modérées et tout à fait de droite, venu tenir un meeting électoral, se fit ainsi découper à coups de machettes par une bande d’hommes criant « à bas le communisme ».

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